Tunisie/ Soins dentaires : Hygiène, matériel, tarifs…les facteurs qui jouent dans le choix du dentiste

10-11-2023

Les soins dentaires sont un aspect crucial de la santé globale et du bien-être, mais le choix du dentiste et la qualité des soins sont devenus des sujets de préoccupation croissante pour de nombreuses personnes, en particulier en raison des risques liés à l’hygiène et à la qualité des soins, mais aussi de la baisse inexorable du pouvoir d’achat.

En outre, la pandémie de Covid-19 a accentué ces inquiétudes, entraînant une désertion notable des cabinets dentaires.

Pour en savoir plus sur les difficultés et les défis de ce secteur, nous nous sommes adressés au Dr Sinen Bejia, médecin-dentiste à Tunis et membre du Syndicat tunisiens des médecins-dentistes de libre pratique.

Sensibilité croissante dans le choix des dentistes

Avec une sensibilisation accrue aux questions d’hygiène et de qualité des soins, les patients en Tunisie sont de plus en plus exigeants dans le choix de leur dentiste. Ils recherchent des praticiens réputés pour leur professionnalisme, leur respect des normes d’hygiène et leur utilisation de matériaux biocompatibles. Cette sensibilisation a été amplifiée par la pandémie de Covid-19, qui a mis en lumière l’importance de l’hygiène dans tous les domaines de la santé.

« Nous avons beaucoup souffert du Covid. Il s’agissait de l’une des professions où il y avait le plus de risque de transmission », assure le Dr Bejia. Malgré ces risques, le conseil de l’ordre s’était organisé en mettant en place un numéro de téléphone qui permettait de trouver les cabinets les pus proches ouverts pendant le confinement. Ces derniers s’étaient mis d’accord pour faire des permanences en ne traitant que les urgences.

La pandémie de Covid-19 a eu un impact significatif sur la fréquentation des cabinets dentaires en Tunisie. De nombreux patients ont retardé leurs visites par peur de contracter le virus dans un environnement médical, soulignant ainsi l’importance des pratiques hygiéniques strictes dans les cabinets dentaires. Les dentistes ont dû renforcer leurs mesures sanitaires pour rassurer les patients et garantir leur sécurité.

« Nous avions alors acheté des combinaisons de protection qui coutaient très cher pour nous protéger et pouvoir aider les cas les plus urgents. Nous avons pris beaucoup de risques en faisant presque du bénévolat. Et après la crise, les patients ont eu du mal à revenir vers nous par peur de contamination. La profession a donc aussi souffert économiquement du coronavirus », assure le dentiste.

Aujourd’hui dans son cabinet, le Dr Bejia récupère des patients qui par peur du Covid-19 ont négligé leur soins bucco-dentaires et qui se retrouvent aujourd’hui dans des situation parfois dramatique.  « Malheureusement, nous avons aussi remarqué qu’en raison de la crise économique, les gens ne mettent jamais en priorité leurs soins dentaires », déplore-t-il.

Trop cher pour les patients pas assez pour les dentistes

En Tunisie, comme dans de nombreux pays dans le monde, les soins dentaires sont considérés comme très chers. Pourtant, Sinen Bejia assure que comparé à l’investissement des praticiens dans le matériel notamment, les honoraires restent tout de même peu élevés, conscient qu’il s’agit d’un coût élevé pour les Tunisiens.

« L’installation d’un cabinet de dentiste coute très cher. Il faut compter 80.000 dinars pour un cabinet dentaire basique sans les technologies avancées. La patient est lésé car les actes coutent chers et les dentistes sont aussi lésés  car les frais de consultations sont bas par rapport aux dépenses que l’on fournit. Nous sommes restés 10 ans sans bénéficier de remise à jour des prix des honoraires, jusqu’à il y a peu où ils ont été ramenés à un minimum de 50 dinars pour une simple consultation.», souligne le Dr Bejia. A noter que lors de la dernière réévaluation des tarifs des soins dentaires, il a été également décidé de relever de 20% de la valeur des autres actes médicaux.

« Nous en tant que dentistes nous sommes également obligés parfois de nous adapter aux patients. Dans mon cas quand je vois qu’il y a des patients qui n’ont pas forcément les moyens j’essaye d’ajuster les prix », nous confie Sinen Bejia.

Cette augmentation est attribuée à plusieurs facteurs, tels que l’augmentation des coûts des matériaux, des équipements et des frais généraux des cabinets dentaires.

« Chaque mois, les prix du matériel augmentent en raison de la dévaluation du dinar, car la totalité des produits est importée et également à cause de la hausse des taxes douanières ». Dans ce sens, le Dr Bejia appelle les autorités à baisser les frais de douanes en ce qui concerne le matériel dentaire.

« Même avec cette réévaluation les tarifs restent bas par rapport aux charges que nous avons. Auparavant, un dentiste pouvait rembourser son prêt en 2 ans, aujourd’hui il faut au minimum 10 ans », poursuit-il.

Cependant, il est crucial de noter que ces tarifs ne sont pas fixes et ils peuvent varier d’un praticien à un autre. En effet, il existe des dentistes qui n’hésitent pas à travailler avec des prix en dessous du marché pour gagner de la clientèle. « Il s’agit notamment d’anciens praticiens qui travaillent dans des zones défavorisées et qui ont déjà une patientèle importante. Ils font leurs marges sur la quantité de patients ».

A l’inverse, il existe des cabinets prestigieux qui facturent au niveau du plafond haut autorisé. « Ceux-là utilisent souvent des produits haut de gamme, et des technologies plus avancées comme l’’emprunte 3D. L’important c’est d’expliquer au patient à quoi il doit s’attendre en termes de prix et de qualité de soins pour éviter les malentendus », poursuit notre interlocuteur.

Comme expliqué ci-dessus, les tarifs des soins dentaires ne sont pas strictement réglementés. Chaque dentiste peut fixer ses propres tarifs en fonction de divers facteurs tels que l’emplacement du cabinet, l’expérience du dentiste, la complexité du traitement, sa réputation et les coûts des matériaux utilisés. A cet égard, le Dr Sinen Bejia nous explique que les contrôles au niveau des prix ne sont effectués qu’en cas de plainte auprès du Conseil de l’ordre.

Matériaux utilisés et biocompatibilité

Les matériaux utilisés par les dentistes en Tunisie varient en fonction du traitement et des préférences du praticien. Il est essentiel que ces matériaux soient biocompatibles, c’est-à-dire qu’ils n’entraînent pas de réactions indésirables ou de risques pour la santé du patient. Les dentistes doivent s’assurer de l’innocuité des matériaux qu’ils utilisent et informer les patients des options disponibles.

Le ministère de la Santé se charge, de son côté, de contrôler le respect des normes d’hygiène et de la qualité des instruments utilisés.

« Pour avoir l’autorisation d’ouvrir un cabinet, les autorités compétentes s’assurent de la présence du matériel d’hygiène. Sans cela aucun cabinet ne peut exercer », explique le dentiste.

Ce dernier indique à cet égard qu’il est indispensable pour un médecin dentiste d’avoir la machine  qui sert a stériliser le matériel (pression, haute température et vapeur) car le risque demeure surtout dans la transmission de virus via la bouche d’un patient à un autre.

Si ce matériel est obligatoire pour ouvrir un cabinet, aucun contrôle n’est réalisé a posteriori pour voir si le praticien les utilise régulièrement, ou si la machine n’est pas cassée. « C’est une question de conscience professionnelle », affirme le Dr Bejia.

Enfin, le Dr Bejia, a voulu également à travers cet article lancer un appel sur l’importance des soins dentaires. « Une mauvaise hygiène dentaire peut avoir des conséquences sur le cœur, les muscles et c’est encore plus le cas pour les enfants, puisque cela peut toucher leur croissance ».

A cet égard, le dentiste indique qu’un projet a été mis en place avec la CNAM. « Nous avons conseillé à la CNAM d’augmenter les remboursement des actes pour les enfants de 4 à 16 ans », conclut-il.

Wissal Ayadi