Tunisie/ GAFI : Une bonne nouvelle, mais la vigilance devra rester de mise (Abassi)

25-10-2019

Il aura fallu 17 mois à la Tunisie pour sortir de la liste grise du GAFI (Groupe d’Action Financière). Marouane Abbassi, Gouverneur de la Banque Centrale en collaboration avec la Commission d’Analyses Financières (CTAF) a tenu une conférence de presse ce vendredi 27 octobre afin de faire le point sur cette « bonne nouvelle »pour le développement et les investissements en Tunisie.

Le 18 octobre dernier, le GAFI a décidé officiellement la sortie de la Tunisie de ce qu’elle appelle sa « liste grise ». Une liste grise qui englobe les pays considérés comme étant exposés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. Un vrai coup dur pour le pays et surtout son image. D’après Marouane Abbassi, gouverneur de la BCT, « la Tunisie a réussi à faire presque l’impossible pour sortir de cette liste en seulement 17 mois », la comparant à d’autre pays en développement, embourbés dans cette fameuse liste depuis plusieurs années.

Le gouverneur de la Banque Centrale a considéré cette situation comme « une expérience » pour le pays. A la question de savoir si l’entrée de la Tunisie dans cette liste était justifiée, il a répondu « qu’elle était nécessaire », ajoutant que « cette mise en garde avait permis de mettre en place des outils et des lois qui permettent un meilleur contrôle dans les domaines du blanchiment d’argent, du financement du terrorisme et même de l’évasion fiscale ». Lors d’un déplacement à Washington il y a quelques jours, Abbassi a affirmé que les efforts de la Tunisie avaient été salués par la communauté internationale.

Mais qu’est ce qui a permis cet exploit ? Présent lors de la conférence de presse, le ministre des finances, Ridha Chalghoum, a mis d’abord en avant les efforts de collaboration entre l’administration et la commission d’analyse financière. « Même si nous pouvons en temps normal avoir des désaccords, quand il a fallu sortir la Tunisie de la liste grise, nous avons travaillé main dans la main », explique-t-il.

La commission d’analyse financière, représentée par son secrétaire général, Lotfi Hachicha a publié les chiffres concernant le nombre de déclarations de soupçons reçues. En 2018, elles étaient au nombre de 515.

D’après, lui il s’agit des résultats des politiques menées en faveur de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. 

Pour sortir de la liste grise du GAFI, la Tunisie a donc dû montrer patte blanche. « C’est grâce à la mise en place d’outils de contrôle, dans les banques notamment que cela a pu être possible », nous explique Lotfi Hachicha. En effet, grâce à la digitalisation des banques et de l’administration, de nombreux cas de soupçons ont pu être analysés par la CTAF. Ainsi, toutes les transactions financières sont enregistrées, puis triées de manière informatique afin de mettre en avant les transactions qui semblent suspectent. Tout cas de suspicion est ensuite transmis à la CTAF, qui l’analyse. Après étude du dossier, si la suspicion est avérée alors la Banque Centrale est saisie et celle-ci transmet les informations au parquet pour l’ouverture d’une enquête.

Autre branche soumise au risque de blanchiment d’argent, les associations. En effet, ce statut juridique permet de manière facile le blanchiment d’argent. Ainsi, pour y faire face, le ministre des finances a affirmé qu’un registre dédié aux associations a été mis en place afin de contrôler leur financement.  « Maintenant nous avons le socle juridique et les outils administratifs pour contrer ces phénomènes qui sont nuisibles pour le pays », ajoute Chalghoumi.

Le renforcement du contrôle des professions non-financières, à savoir les avocats et les huissiers-notaires ont aussi été un argument important dans la décision du GAFI, malgré la réticences de ceux-ci, s’appuyant sur le principe du secret professionnel. « Nous avons reçu 8 déclarations de suspicion de la part des avocats », affirme Lotfi Hachicha.

Présent aussi lors de la conférence, le ministre de la Justice, Karim Jammoussi, a insisté sur le fait que « les sanctions seront appliquées, conformément au Code Pénal ».

« La Tunisie a souffert de cette situation », déplore Marouane Abassi. En effet, si depuis la Révolution les investisseurs étrangers sont réticents à investir en Tunisie, la décision de la commission européenne n’a fait qu’enfoncer le clou. La sortie de la Tunisie est donc considérée comme une bouffée d’oxygène pour le développement du pays et le retour des investissements. Ridha Chalghoumi a ajouté que « l’investissement se construit sur la confiance ».

Le gouverneur de la banque centrale a néanmoins relativisé en disant « que la partie n’était pas totalement gagnée ». A cet égard, il a insisté sur le fait que la Banque Centrale continuera de suivre les travaux de la commission d’analyse financière et que les différentes administrations financières devront redoubler d’efforts pour ne pas prendre le risque d’être une nouvelle fois dans le viseur du Groupe d’Action Financière.

Wissal Ayadi