Tunisie : Avec l’expiration du délai de 30 jours, vers la prorogation des mesures exceptionnelles, et des législatives anticipées ?
Avec l’approche de l’expiration du délai de 30 jours depuis l’entrée en vigueur des mesures exceptionnelles, annoncées par le président de la république, au soir du dimanche 25 juillet, les interrogations fusent sur les scénarios possibles après cette date. Tous les signes portent, néanmoins, à croire que le chef de l’Etat s’achemine vers une prorogation de cette période exceptionnelle, d’autant qu’il ne cesse d’exclure toute propension de retour en arrière, et au dispositif de l’avant 25 juillet.
Kaïs Saïed avait procédé, il y a un mois ou presque, à la suspension de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), et la destitution du chef du gouvernement, Hichem Méchichi, tout en prenant les commandes de l’exécutif, en attendant la désignation d’un chef du gouvernement, qui aura à former un nouveau cabinet, et avec qui, il partagera ce pouvoir, et veillera aux destinées du pays.
Il semble que l’équipe gouvernementale soit en cours de formation dans les coulisses ; le nom du chef du gouvernement devra être connu cette semaine, avec l’écoulement des 30 jours, a fortiori que le président a déclaré, tout récemment, la révélation, dans quelques jours, de la composition gouvernementale. Il n’en sera pas, selon toute vraisemblance le cas, pour la reprise des travaux de l’Assemblée.
Le code électoral sera revu et corrigé
Le plus probable est que l’on s’achemine vers des élections législatives anticipées, le temps que le code électoral, marqué par de nombreuses failles et insuffisances, soit revu et corrigé. Les avis sont unanimes que l’actuelle loi électorale est source du mal parlementaire, en donnant lieu à chaque fois à une assemblée effritée, sans majorité nette capable de légiférer et de jouer pleinement son rôle.
Le régime politique devra, lui aussi, être révisé, comme le chef de l’Etat, en a déjà formulé le vœu. Ce régime hybride, mi- présidentiel, mi- parlementaire, est à l’origine des crises politiques successives survenues dans le pays, ces dernières années, et ayant atteint leur point culminant la période passée.
Kaïs Saïed prévoit des changements constitutionnels, à travers l’amendement de la constitution actuelle, voire son remplacement par une autre constitution, qui serait rédigée par des experts, en un laps de temps court, comme le préconisent certains juristes et observateurs.
D’autres interrogations concernent le paysage partisan actuel, demeurera-t-il le même, ou va-t-il connaître des modifications, d’autant que Kaïs Saïed a toujours témoigné son aversion pour les partis qui seraient, à ses yeux, source de la dégradation générale du pays.
De nombreuses zones d’ombre restent à clarifier le temps que le chef de l’Etat décline ses intentions, sa méthode et son approche.
Saïed a, ainsi, opposé une fin de non-recevoir à ceux qui l’ont pressé de dévoiler sa feuille de route, les incitant à aller la trouver dans les livres de géographie.
« La seule route que j’emprunterais, avec la même détermination et la même constance, est celle tracée par le peuple, » a-t-il affirmé récemment, balayant d’un revers de main les propos de ceux qui disent qu’il était en train de tenir compte des équilibres en place.
Le président qui bénéficie, à ce stade, d’un large soutien populaire ; multiplie les mises en garde contre les spéculateurs et les corrompus, ayant beaucoup nui au peuple, et à sa subsistance. Il promet une application stricte de la loi pour mettre un terme à ces pratiques, et poursuivre les auteurs de ces dépassements et abus, qu’elle qu’en soit la position.
Crise économico-financière
L’article 80 de la constitution sur lequel le chef de l’Etat affirme s’être appuyé le 25 juillet, contient deux dispositions qu’il convient de souligner : Le premier est que « ces mesures doivent avoir pour objectif de garantir le retour dans les plus brefs délais à un fonctionnement régulier des pouvoirs publics », et la seconde est que « ces mesures cessent d’avoir effet dès que prennent fin les circonstances qui les ont engendrées ». En réalité, les mêmes circonstances et les mêmes périls demeurent, avec la multiplicité des crises qui persistent, en prime la crise économico-financière, et l’incapacité de l’Etat de mobiliser les fonds nécessaires pour son budget, notamment sur le marché extérieur, face à l’arrêt des négociations avec le FMI.
Les difficultés économiques ne peuvent être résolues qu’avec l’arrivée du gouvernement et d’un ministre de l’Economie et des Finances doté de pleins pouvoirs, à même de mettre en route un programme économique digne de ce nom, et de mener des négociations avec les institutions financières, pour mobiliser les fonds nécessaires au budget.
Le redressement économique est indispensable pour éviter au pays les pires scénarios, préserver son image et sa solvabilité auprès des partenaires étrangers et des agences de notation, et améliorer les conditions de vie des citoyens, et leur pouvoir d’achat ayant subi une chute sans précédent, au cours de ces dernières années. Les efforts devront, par ailleurs, continuer à se focaliser sur la crise sanitaire, en faisant montre de vigilance face à une situation volatile et un virus malin et imprévisible qui ne cesse de donner du fil à retordre à la planète toute entière.
Le peuple qui en a ras-le-bol de la piètre vie politique ayant prévalu ces dix dernières années, des tiraillements et querelles politiques, qui lui ont immensément porté préjudice ainsi qu’au pays, épuisé ses ressources, ses énergies et ses acquis…réclame des changements effectifs qu’ils évaluera à l’aune de l’apport qu’ils auront sur son quotidien, son droit à une vie digne et décente et sur l’assainissement du climat et de la situation générale dans le pays…, sans oublier la nécessaire préservation des libertés, dont celle de pouvoir circuler librement… Un grand chantier en perspective en somme.
La Rédaction