Tunisie/ Crise financière : Un alarmisme ambiant, la prise de parole de l’exécutif est exigée !

01-02-2022

Les voix fusent de partout pour alerter sur le caractère critique de la situation socio-économique. La Tunisie serait face à une crise financière aiguë, le retard constaté dans le versement des salaires de janvier suscite des craintes et alimente les pronostics les plus alarmants.

Hier, les syndicats de l’éducation et de l’enseignement sont montés au créneau, face au retard dans le versement de leurs salaires de janvier. Une situation qui les met dans une situation critique quant à honorer leurs engagements bancaires et les dépenses de la vie courante, dans un contexte inflationniste, marqué par une cherté galopante et une dégradation du pouvoir d’achat sans précédent.

La situation est d’autant plus inquiétante, sur fond de cette controverse selon laquelle, la poste tunisienne a prêté à l’Etat tunisien 7 milliards de dinars de l’épargne des citoyens, pour pouvoir verser les salaires.

Une déclaration démentie, aujourd’hui même, par des responsables du ministère des Finances, qui, par médias interposés, écartent que l’épargne postale ait été touchée.

Un démenti qui ne convainc pas, tout autant que le recours de la Tunisie à la planche à billets, également  exclue par les autorités.

Ezzeddine Saïdane avait mis en garde, tout récemment, contre « la poursuite du recours par la banque centrale à la planche à billets, pour mettre à disposition les liquidités, sans contrepartie économique ».

L’économiste était affirmatif à ce sujet, et dit s’être référé au rapport de la banque mondiale, « ayant évoqué un recours croissant à la création d’une masse monétaire, outre le rapport de l’agence Moody’s, ayant appelé la Tunisie à identifier clairement ses sources de financement, pour garantir la stabilité de sa notation souveraine ».

Le plus dur reste à venir !

L’expert-comptable, Anis Ouhaïbi, a déclaré ce mardi 01er février que le retard de l’Etat en matière de versement des salaires, est « inacceptable ».

Dans un entretien avec Shems, il a qualifié « d’illogique », l’évocation du financement des salaires et des dépenses de l’Etat, par les crédits consacrés à l’investissement, pointant le silence du gouvernement tunisien, à ce sujet.

« Si le gouvernement n’a pas des solutions effectives, il faudrait qu’il le dise en vue de chercher des solutions collectives ».

L’expert-comptable a, par ailleurs, indiqué que l’on a réussi à rembourser les salaires du mois de janvier, mais ce qui suscite les craintes, est le mois de février, signalant que la Tunisie va connaitre de gros problèmes à compter du mois d’avril.

L’Etat ne compte plus sur ses propres ressources pour payer les salaires

Même son de cloche chez Moez Joudi. La situation économique est, extrêmement, critique, a-t-il souligné, persistant à déplorer que l’Etat ait eu recours à l’épargne des citoyens auprès de la poste tunisienne, pour appuyer le budget de l’Etat et verser les salaires de la fonction publique.

Joudi a exprimé son étonnement de l’absence de communication du président de la république, de la cheffe du gouvernement et des ministres, sur ce qui se passe.

Intervenu sur Jawhara, il a affirmé que la situation est, aujourd’hui, catastrophique, et l’Etat ne compte plus sur ses propres ressources fiscales pour payer les salaires des fonctionnaires, mais sur les crédits étrangers, les bons de trésor, et l’épargne de la poste tunisienne. Le plus grave est que cette opération devienne ordinaire, et non exceptionnelle pendant une période déterminée.

Selon ses dires, les banques sont aux prises avec de fortes pressions, dans la mesure où leur rôle s’est transformé du financement de l’économie, des projets et de l’appui des investisseurs, au financement du déficit budgétaire. Le pays est en train de rembourser sa dette extérieure, à travers l’endettement extérieur, a-t-il souligné.

La crise de 1986 et le programme d’ajustement structurel (PAS)

La Tunisie serait donc face à une crise financière grave, jamais connue de son histoire. La crise serait plus virulente que celle de 1986, à laquelle le pays était confronté à la fin de règne de Bourguiba. La Tunisie avait fait l’objet, à l’époque d’un programme d’ajustement structurel (PAS) de la part du FMI. En serait-il le cas, en l’an 2022, pour sortir de cette impasse financière ?

Le dénouement de cette situation est tributaire de la conclusion d’un nouveau programme de soutien financier avec le FMI. Le gouvernement devait d’ores et déjà entamer, à la mi-janvier écoulée, des négociations avec le fonds monétaire international, pour conclure un nouveau programme, sur la base d’un document préparé par 80 cadres de l’administration tunisienne, et comportant les principales réformes que la Tunisie compte entreprendre.

L’institution de Bretton Woods semble plus réticente à poursuivre sa coopération avec la Tunisie, déçue, qu’elle est, par les gouvernements successifs pour n’avoir pas honoré leurs engagements précédents, en matière de réforme.

Serait-elle facile à convaincre par le gouvernement Bouden  ? Les prochains jours nous le diront. Quoi qu’il en soit, cette période difficile à laquelle on est confronté était prévisible, pour avoir négligé le volet économique et financier pendant la dernière décennie, et focaliser sur les querelles et tiraillements politiques et idéologiques. L’état d’exception que l’on vit actuellement, les tensions tous azimuts, et  le manque de consensus n’ont fait qu’aggraver la situation.

En effet, l’une des conditions exigées par le FMI pour daigner débloquer des fonds à même de financer le budget de l’Etat, est d’avoir un programme consensuel sur les réformes majeures à engager, soit l’allégement de la masse salariale dans la fonction publique, la réforme de la caisse de compensation, la réforme des entreprises publiques…un consensus qui fait défaut, a l’heure qu’il est.

Une situation qui exige, indéniablement, une prise de parole au sommet de l’Etat, pour expliquer la réalité d’une situation redoutable, et éclairer la lanterne de l’opinion publique, sur les questions suivantes : Où nous en sommes ? Et où allons-nous ?

La Rédaction