Tunisie/ Discours de Saïed : Entre soutiens et inquiétudes, l’incertitude domine !

21-09-2021

Au lendemain du discours de Kaïs Saïed à Sidi Bouzid annonçant la mise en place des mesures transitoires, la situation politique semble encore floue pour un bon nombre de citoyens.

La nomination d’un chef de gouvernement se fait toujours attendre alors que plus de 50 jours se sont écoulés depuis l’annonce des dispositions exceptionnelles par le chef de l’État au soir du 25 juillet. Si les décisions du Président de la république étaient favorablement accueillies par l’opinion publique, aujourd’hui certaines craintes apparaissent et l’incertitude commence à prendre pas sur la ferveur populaire.

 Comment les Tunisiens ont-ils recueilli ce discours, quelles sont leur opinion et analyse ? Nous les avons interrogés sur l’Avenue Habib Bourguiba.

 Entre ceux qui approuvent les décisions annoncées par Kaïs Saied, et ceux qui appellent au dialogue national et à la levée du gel sur l’assemblée des représentants du peuple, les avis des citoyens sont mitigés.

Régime présidentiel

Pour ce citoyen, il est nécessaire que les dispositions exceptionnels prises le 25 juillet, soient prolongées.

« La Tunisie a besoin d’un seul dirigeant, il serait donc préférable de maintenir la suspension de l’ARP et des dispositions exceptionnelles », nous indique notre interlocuteur en soulignant que le pluralisme politique a causé l’effritement du pouvoir.

« La solution est de réinstaurer un régime présidentiel. Qu’elle soit constitutionnelle ou pas, il s’agit d’une décision légitime, puisqu’elle émane de la volonté du peuple. D’ailleurs, un référendum à ce sujet viendra sans doute valider la vision de Kaïs Saïed. Le peuple est de son côté  ».

Un autre citoyen qui partage le même avis, nous a confirmé que les Tunisiens sont lassés de cette multitude de partis politiques qui ne cherchent que leurs intérêts personnels et qui n’ont rien apporté au peuple, à part une crise politique sans fin.

« Les démocraties les plus développées comme la France ou les États-Unis sont dirigées au pire par deux ou trois grands partis, à quoi bon avoir peur d’un éventuel retour de la dictature avec la reprise du régime présidentiel ? », commente-t-il.

Concernant la suspension des travaux de l’ARP, un passant croisé sur l’Avenue de Paris, nous a confié que le régime parlementaire a contribué à la prolifération de la corruption dans le pays. « Les 217 députés élus par le peuple ne représentent que leur personne. Une fois les élections législatives ont pris fin, ils ont tourné le dos aux revendications économiques et sociales des Tunisiens», déplore-t-il.

D’après ce jeune informaticien d’une trentaine d’années, le fait de n’avoir qu’une seule personne à la tête du pouvoir, permettra au moins de la responsabiliser en cas d’échec. « Avec un président de l’ARP, une présidence du gouvernement et un président de la République, chacun rejette la faute sur l’autre, ce qui brouille les pistes, et mène à la confusion. Un régime présidentiel permettra au moins au peuple d’avoir un seul vis-à-vis et une seule personne qui décide de son destin, et qui prendra en compte ses réelles aspirations… ».

Dialogue national

D’autres citoyens sont inquiets quant à l’évolution de la vie politique en Tunisie. Pour eux, le dialogue est la solution pour sortir de la crise.

 « Un président doit être fédérateur. Écarter des partis de la scène politique et perturber les institutions de l’État avec l’absence d’un gouvernement, en allant vers l’escalade n’est pas la solution. Il faut faire appel aux personnalités nationales et aux sages du pays, pour se réunir autour d’un dialogue national, comme on l’a fait en 2013. Sans cela, le pays se dirige vers l’inconnu… ».

« La Tunisie a mis des années pour mettre en place la constitution de 2014, qui a été rédigée par les élites du pays. L’Etat a aussi dépensé des sommes conséquentes pour faire des élections législatives et présidentielles. Il serait anticonstitutionnel de s’emparer des pouvoirs exécutif et législatif, et de nier le rôle du parlement », a souligné un autre père de famille.

Retrouvez ci-dessus notre micro-trottoir, et les témoignages que nous avons recueillis.

Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi