Tunisie : Fakhfakh dévoile « le plan de sauvetage et de rétablissement de la confiance »

25-06-2020

Le chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, a présenté ce jeudi 25 juin, lors d’une plénière à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), « le plan de sauvetage et de rétablissement de la confiance » qui sera engagé jusqu’au mois de mars prochain. 

Dans un discours fleuve de plus de 80 minutes, Fakhfakh a esquissé une situation extrêmement difficile qui nécessite « un sauvetage, plutôt qu’un plan de relance ou de redynamisation, comme cela a été question initialement ».

Taux de croissance de -6%, situation inédite en Tunisie

« La Tunisie en est aujourd’hui à un taux de croissance estimé à -6%, d’après la dernière actualisation, et -6,8 %, selon l’OCDE, FMI, et la banque mondiale », a-t-il fait savoir.

« Le pays n’a jamais vécu une telle situation, même pas l’année de la révolution en 2011 où le taux de croissance était de -2%, » a-t-il dit, signalant que « cette situation est inédite dans le monde entier, avec des pays et de grandes puissances qui prédisent -11 % de croissance ».

Cette baisse de croissance signifie une hausse du chômage avec la perte de 130 mille emplois qui s’ajouteront aux 630 mille chômeurs. Sans compter les 800 milles personnes qui travaillent dans l’informel et dans la précarité et qui ne sont pas comptabilisés, a-t-il fait constater.

La crise du Coronavirus a porté un coup fatal à certains secteurs exportateurs, à l’instar de celui des composants automobiles, et de composants d’avions, une crise qui perdurera les années 2020, 2021 et 2022. Le tourisme, avec tout son écosystème, a été également frappé de plein fouet, a-t-il regretté, pointant « une baisse des ressources de l’Etat de plus de 5 mille millions de dinars ».

Un endettement de l’Etat de 92 milliard de dinars

Indépendamment de ce qu’il a qualifié de dégâts du Coronavirus, le chef du gouvernement a affirmé que la situation était difficile et critique avant.

Fakhfakh s’est alarmé de « l’endettement de l’Etat estimé à 92 milliard de dinars, soit 82 % du PIB, et 60 % de dette extérieure ». « Lorsque j’ai quitté le ministère des Finances en 2013, la dette extérieure était de 30 % et notre décision souveraine était préservée », a-t-il indiqué,  affirmant que « la décision était prise pour ne pas dépasser les 60 % de dette vaille que vaille et de la baisser à 40 % ».

Il a ajouté que l’Etat doit 8 milliards de dinars aux entreprises publiques (STEG, SONEDE, caisses sociales, Office des céréales, Office du Commerce…), ainsi qu’aux entreprises privées, et il doit s’en acquitter.

Il a dressé un tableau sombre des entreprises publiques qui « sont en train de s’éroder, de consommer leurs actifs et de mourir », signalant que toutes les entreprises sont déficitaires y compris la STEG et la SONEDE. « Faudrait-il qu’il n’y ait plus d’eau ou d’électricité pour que l’on se réveille », a-t-il lancé.

Lutter contre l’économie de rente

Ce plan de sauvetage qui a été élaboré selon une approche participative, repose sur trois grands axes :

1- Poursuite de la résistance et du soutien aux secteurs qui en ont besoin

2- Relancer l’économie et la croissance à travers l’amorce de projets publics totalisant 3000 millions de dinars et dont les appels d’offre ont eu lieu mais qui n’ont pas pu démarrer. « Une salle d’opérations va accompagner la mise en œuvre de ces projets et la priorité sera donnée aux régions qui en ont besoin ».

Ce point inclut aussi le lancement des projets PPP (partenariat public/privé). Neuf projets ont été identifiés d’une enveloppe de 2500 millions dinars.

L’autre point est « la relance du secteur privé en luttant contre la bureaucratie, les complexités administratives dont souffre le tissu des PME et PMI à travers la digitalisation et l’économie de rente ».

Le locataire de la Kasbah a présenté la  lutte contre l’économie de rente comme un cheval de bataille. Celle-ci revêt quatre aspects, « deux relèvent de l’Etat : l’autorisation et le monopole, et deux sont chez le secteur privé : la position dominante et l’entente sur les prix. Le but étant d’ouvrir les portes aux petits investisseurs ».

Fakhfakh a déploré, à ce propos, que le Conseil de la concurrence qui a pris 540 décisions n’a jamais réussi à appliquer même pas une seule.

Il a, par ailleurs, souligné que « les investisseurs tunisiens et étrangers se plaignent du port de Radès qui travaille de 20 à 30 % de sa capacité et du code de change qui date de 1976, lequel a été copié du code de la France de 1946, alors que le monde a changé ».

3- Aspect social : Consécration de la quiétude (Amen) et de l’autonomisation sociales

Le chef du gouvernement a affirmé que « l’Etat doit renouer avec son rôle social en donnant l’égalité des chances à tous à travers l’école publique, la santé, le logement et le transport »
 
Deux programmes sont prévus à cet effet :
Le premier est un programme de propriété de 300 mille familles des cités qui sont hors la loi, et le deuxième est l’autonomisation des jeunes. Un million de jeunes de 15 à 29 ans, ne suivent ni étude, ni formation, et n’ont pas de travail, a-t-il dit.

Elyes Fakhfakh a appelé « à appréhender cette période avec les mêmes valeurs ayant prévalu lors de la période du coronavirus soit l’audace, l’unité, la solidarité, la responsabilité et la réalisation effective », se voulant rassurant quant à la capacité de la Tunisie à sortir de l’ornière étant dotée « de fondamentaux forts comme l’histoire, la position géographique, les instituons démocratiques et l’intelligence des Tunisiens ».

Gnetnews