Tunisie/ Goûter à l’école : 250 mille enfants en seraient privés, des actions de solidarité pour venir en aide aux plus démunis

08-09-2021

250.000 enfants nécessiteux seront privés de goûter à l’école. C’est la mauvaise nouvelle qui émane du ministère de l’éducation à la veille de la prochaine rentrée scolaire. Le département  a décidé de geler le budget qui y est consacré.

C’est donc le branle-bas de combat côté associations qui s’indigent de cette décision. Décidément, il est de plus en plus difficile pour les Tunisiens d’assurer une bonne scolarité pour leurs enfants… La pandémie de Covid-19 a déjà des conséquences lourdes sur le budget des familles afin de subvenir aux besoins notamment pour ce qui est fournitures scolaires.

Ainsi, la société civile, comme à chaque rentrée, essaye de pallier à ces difficultés en réalisant des collectes…mais dans des conditions de plus en plus compliquées compte tenu de la crise économique qui touche la Tunisie de plein fouet.

Nous avons rencontré ces militants qui luttent chaque jour pour que tout le monde puisse avoir un accès équitable à la scolarité.

250.000 enfants défavorisés privés de goûter

Après l’épisode de la reprise ou non d’un rythme normal dans les écoles et une menace de boycott de la rentrée par les syndicats enseignants, c’est maintenant au goûter de créer la polémique en Tunisie.

En effet, le ministère de l’éducation a décidé de geler le budget consacré à la collation de l’après-midi pour les enfants les plus défavorisés. Une décision qui a enflammé les associations. Parmi elles, celle présidée par le Dr Moez Cherif, qui défend les droits de l’enfant.

Dans un entretien accordé à Gnetnews, Cherif explique que cette décision a déjà été prise depuis  janvier 2021. « Depuis le début de l’année, les directeurs d’école éprouvent des difficultés à payer les fournisseurs faute de budget », nous dit-il. Pour cela, il s’appuie notamment sur plusieurs témoignages de chefs d’établissements qui ont tiré la sonnette d’alarme concernant cette question.

Par le biais de l’association de défense des droits de l’enfant, Moez Cherif a déposé deux plaintes auprès du Tribunal administratif, contre le ministère de l’Education, afin de dénoncer ce gel, qui selon lui est une atteinte aux droits des enfants.

« Nous avons déposé un plainte pour l’annulation de cette décision qui a été acceptée par le juge et une autre que nous déposerons la semaine prochaine pour la suspension de ce gel », explique le militant.

Si cette situation dure depuis plusieurs mois, Dr Cherif affirme qu’il a voulu d’abord réunir les preuves suffisantes pour saisir la justice. Il s’est procuré notamment les documents et les correspondances qui attestent de ce gel ainsi que le témoignages de plusieurs cadres éducatifs.

« Nous avons recueilli la parole d’un régisseur qui s’occupe de la distribution de ce budget. Quand il a alerté les autorités et les associations quant à la difficulté pour les écoles de payer les fournisseurs, il a été suspendu de ses fonctions et est actuellement harcelé par l’administration », déplore Moez Cherif.

Du côté de l’administration, ce gel du budget a été démenti par le directeur de l’Office des Œuvres Scolaires, Mohamed Mani. S’exprimant ce mercredi sur les radios locales, il a affirmé que la distribution des gouters a été perturbée en raison de la pandémie de Covid-19 et le régime des groupes et que plusieurs parents ont demandé à leurs enfants de ne pas prendre le goûter scolaire par peur de la contamination par le virus.

Mohamed Mani a, par ailleurs, ajouté que des “banques d’alimentation” seront créées dans l’ensemble des délégations régionales de l’éducation précisant que ces dernières superviseront dorénavant la distribution des goûters. Affaire à suivre donc…

La société civile s’engage auprès des plus démunis

Afin d’aider le maximum d’enfants à pouvoir effectuer leur rentrée dans de bonnes conditions, plusieurs associations réalisent des campagnes de solidarité en faveur des plus démunis.

Vous les aurez sûrement croisés à l’entrée des supermarchés ou des librairies… L’association du Leo Club Tunis Stark mobilise chaque jour des équipes afin de récolter des dons de fournitures scolaires. Pour la deuxième année  consécutive, les jeunes bénévoles de l’association aideront 150 enfants de la localité de Dhouebi dans le gouvernorat de Béjà.

« Chaque jour nous envoyons des bénévoles à l’entrée des supermarchés. Ils proposent une liste de fournitures aux clients. Ces derniers ont le choix de prendre ce qu’ils veulent pour aider. Ils n’auront qu’à déposer l’article dans le chariot prévu à cet effet à la sortie du magasin », nous explique Nour Fourati, Présidente du Leo Club Tunis Stark. Elle précise à cet égard que les dons en argent sont interdits.

Par la suite, le 11 septembre prochain, ils se rendront à Dhouebi afin de faire la distribution des fournitures. « Chaque année, les demandes augmentent, surtout depuis la pandémie où de nombreuses personnes se retrouvent au chômage », nous dit Nour.

Par ailleurs, le Leo Club éprouve de plus en plus de difficultés à mener ses actions à bien. La jeune bénévole nous indique qu’à cause de la crise sanitaire, les sponsors comme les sociétés de transport qui les aident à aller distribuer les dons en leur mettant à disposition des bus, n’ont plus les moyens de leur offrir ce service.

Autre association qui œuvre à la réussite de la rentée scolaire des plus démunis, AFREECAN. En place depuis plus de 10 ans, elle est une des pionnières dans le développement de l’éducation dans les zones reculées du pays.

Cette année, AFREECAN a mis en place une cagnotte en ligne qui permet de récolter de l’argent. « Nous avons l’ambition d’aider 1500 enfants de 7 gouvernorats différents », indique Sahla Boujelbane, une des fondatrices de l’association.

Ainsi, les bénéficiaires se verront offrir un cartable complet : un cartable, une trousse, des stylos, des cahiers et surtout les livres. « Les prix des manuels scolaires ont subi une augmentation d’environ 20% et il est difficile d’en trouver en quantité suffisante pour le jour de la rentrée », déplore Sahla en ajoutant que ce problème d’approvisionnement s’est accentué avec la pandémie de Covid-19.

Afin d’éviter tout problème entre élèves, chacun recevra les même fournitures et les cartables sont unisexe.

AFREECAN permet également aux gens qui le souhaitent de parrainer des enfants. Il s’agit là de suivre l’enfant tout au long de sa scolarité et de subvenir à ses besoins pour l’école. « Certains parrains ont suivi les enfants jusqu’à ce qu’ils intègrent l’université », souligne la responsable.

Selon Mme Boujelbane, venir en aide aux plus fragiles pour le rentrée évite l’abandon scolaire. A noter que le taux d’analphabétisme en Tunisie est aux alentours de 17% et ; depuis l’apparition de la pandémie de Covid-19, 50% des enfants des régions intérieures  vivent en dessous de seuil de pauvreté.

Wissal Ayadi