Tunisie : Instagram, Facebook, TikTok…Des Tunisiens sous l’emprise des algorithmes !

08-02-2022

Les réseaux sociaux ont désormais une présence prépondérante dans notre quotidien.

En Tunisie, le nombre des utilisateurs de ces médias, s’élève à 8.642.700 en 2022. Près de 7.7 millions de ces personnes disposent d’un compte Facebook, 5.8 millions sont connectés sur Messenger, 2.9 millions sur Instagram, 1.5 M sur LinkedIn, 988 K sur TikTok et 221 K sur Twitter.

Bien que ces applications offrent de nombreux avantages aux utilisateurs, ce monde virtuel a imposé, de nouveaux modèles de réussite et normes de popularité, basés sur les chiffres. Outre le fait d’obtenir le plus de Likes possibles pour une photo, recevoir des commentaires gratifiants, récolter les milliers d’abonnés, devenir une célébrité et gagner en visibilité…Ce système a donné naissance aux influenceurs, mais a aussi exposé les jeunes à une pression sociale. Faire valoir une marque ou leur propre personne, est devenu le défi à relever pour s’intégrer dans cette communauté.

Dans un entretien accordé à Gnetnews, Achraf Grandi docteur en psychologie, a souligné que le problème c’est qu’il existe des utilisateurs qui tombent dans le piège de la comparaison et du suivisme.

« Avec le voyeurisme qu’offre Instagram par exemple, les utilisateurs essaient d’imiter un train de vie qui se contredit avec leurs réalités, à la recherche d’approbation.  Les plus vulnérables cèdent à la tentation en achetant des produits inutiles pour eux,  juste parce qu’ils ont été commercialisés par des instagrameurs qui leur inspirent confiance. Ils les imitent aussi en fréquentant les mêmes endroits, en dépassant leurs budgets. L’important c’est de ressembler à leurs idoles, à travers des posts similaires…Leur estime de soi et valeur dépendent désormais de cette ressemblance ».

D’après ce coach de vie, ce problème est devenu de plus en plus sérieux. «  Des femmes ont quitté leur conjoint parce qu’ils ne pouvaient pas leur offrir cette vie qu’on voit sur les réseaux… Quant aux jeunes qui représentent la tranche d’âge la plus connectée en Tunisie, ils ressentent une frustration de ne pas pouvoir vivre les mêmes expériences envoutantes, publiées par les influenceurs…Pourtant, ce n’est pas le monde réel, ce ne sont que des photos professionnelles de publicité, de contenu élaboré qui ne véhicule pas la vraie vie  », analyse-t-il.

Quel impact sur les adolescents ?

Nous avons contacté aussi la psychologue, Nadia Helali, pour découvrir l’impact de ce système d’approbation sur les jeunes, qui veulent à tout prix gagner une place dans le monde virtuel.

« Durant l’adolescence, les enfants âgés de 11 à 18 ans, sont censés créer leurs identités. A cet âge, ils sont en pleine phase de construction de leur personnalité. Ils vont donc développer une image de soi, et devoir s’accepter tels qu’ils sont, ce qui n’est pas évident durant la période de la puberté, avec les changements hormonaux….Ces jeunes vont s’inspirer des modèles de leur entourage (parents/proches) ou de leurs idoles. Et puisque le monde virtuel des réseaux sociaux, a une présence prépondérante dans notre vie quotidienne, les stars du net qu’ils regardent tous les jours, se présentent comme une source d’inspiration… », Souligne-t-elle.

La psychologue Nadia Helali a ajouté aussi que ces jeunes en quête affective, d’acceptation et d’amour, tentent d’alimenter ces sentiments, par leurs contenus. Ainsi ils tentent aussi de se démarquer par leurs styles mis en valeur par des images, ou par une dance ou un jeu d’acteur sur Tiktok. Certains, mènent même une vie de star sur le virtuel, et une autre loin des projecteurs en réalité, a-t-elle indiqué.

« Hors même dans ce monde virtuel, il est difficile d’attirer autant de fans et de réactions, censés valoriser le sentiment de reconnaissance…En effet, cette auto-évaluation par les chiffres, retentit sur la psychologie des adolescents, et sur leur estime de soi. Les jeunes souffrant d’une mauvaise image de soi, en obtenant moins de mentions j’aime, ont l’impression de rater leur vie, et d’être invisibles… Dans le cas des autres adolescents qui ont réussi à s’adapter avec ce système d’approbation du monde digital, deviennent obnubilés par ses applications, qui caressent leur ego…».

Une dépendance imposée implicitement

Par ailleurs, Dr. Achraf Grandi est revenu sur les sources de dépendance aux médias sociaux. «  Ces applications ont été conçues avec un design, choix des couleurs, une manipulation fluide des fenêtres,  qui génèrent une expérience d’immersion dans ce monde parallèle. Et grâce aux possibilités qu’ils proposent, la variété de leur contenu et de leur utilité pour toutes les tranches d’âge, ces plateformes deviennent une nécessité et s’incrustent viscéralement dans nos habitudes ».

Un autre facteur qui incite cette addiction. « Ce sont les algorithmes utilisés par ces applications, qui définissent  les centres d’intérêts de chaque utilisateur, via l’historique des moteurs de recherche, le temps passé sur chaque post…Ces sites tentent, par le biais, de l’intelligence artificielle, de satisfaire nos gouts, nos attentes, et d’assouvir toutes nos expectations. L’objectif étant de passer le plus de temps possible sur ces sites. Il existe aussi des options qu’on valide inconsciemment, celle d’ouvrir son microphone, sa localisation, d’autoriser l’accessibilité à nos photos et vidéos enregistrées sur le Smartphone. Mais, toutes ces données et cette proximité qu’on offre les réseaux sociaux, sont exploitées pour alimenter des algorithmes qui nous interpellent implicitement…Outre le système des notifications qui sont là pour nous rappeler qu’il faut consulter incessamment nos téléphones, a conclu le coach de vie.

Emna Bhira