Tunisie : La meilleure méthode pour former un gouvernement pérenne et opérant

04-08-2020

La Tunisie sombre chaque jour un peu plus dans la crise, laquelle est multiforme, politique bien sûr ; mais aussi économique, financière, sociale, morale…les Tunisiens ont de plus en plus le sentiment que la situation est désespérante, que les politiques qui sont censés être là pour les servir, et répondre à leurs attentes, ont la tête ailleurs, occupés, qu’ils sont, à se quereller pour faire valoir des intérêts partisans étriqués, qui n’ont rien à voir avec les intérêts du pays et de son peuple.

Face à une énième crise politique en cet été 2020, le pays peine à entrevoir le bout de tunnel. Et ce n’est pas le ballet politique de Dar Dhiafa de Carthage qui va changer quoi que soit à l’état d’abattement général. Ces concertations qui se prolongent en long et en large et s’éternisent à chaque fois qu’un processus de formation du gouvernement est engagé, sont une hérésie tunisienne…les choses ne se passent pas de la sorte ailleurs. Dans d’autres pays, aussitôt le chef du gouvernement désigné, que son équipe est prête immédiatement après.

On l’a vu récemment avec le Premier ministre français, Jean Castex, dont le gouvernement a été dévoilé deux à trois jours après sa nomination, et les exemples de ce type sont légion.

 Carences programmatiques et pragmatiques

La tradition des concertations, même s’il s’agit d’une démarche constitutionnelle, donne l’impression d’une obstination à faire perdre du temps à la Tunisie, et de prolonger joutes oratoires et débats politiques byzantins dont les Tunisiens sont las, aux dépens de nombreuses urgences en suspens, qui attendent des solutions.

A fortiori que la Tunisie a enchaîné depuis 2011 les précédents infructueux, n’arrivant plus à sortir de la spirale infernale de l’instabilité. Pour preuve, après les élections de 2019, on a eu deux expériences inabouties, la première est celle du gouvernement Jemli étouffé dans l’œuf et la deuxième est celle du gouvernement Fakhfakh qui a tenu, à peine, cinq mois, sur fond d’une affaire de conflits d’intérêts visant son chef.

On aurait bien souhaité que le chef du gouvernement désigné rompe avec cette habitude rude des conciliabules de Dar Dhiaffa. On aurait bien souhaité qu’il écoute les appels qui s’expriment çà et là, pour un gouvernement restreint de compétences apolitiques, face aux échecs récurrentes des gouvernements de coalition en Tunisie. Lesquels sont dus au fait que les partis politiques ne sont pas encore arrivés à maturité, et souffrent de carences sur le double-plan programmatique et pragmatique qui font qu’ils soient impréparés à accéder aux responsabilités et à gouverner.

Ces formations politiques sont, par ailleurs, otage de leur divergences idéologiques, et leurs rancœurs historiques, qui n’étant pas évacuées, les rendent incapables de travailler ensemble, ce qui est source de blocage pour le pays.

Un comité restreint d’experts

Le chef du gouvernement désigné aurait eu beaucoup à gagner, s’il s’était entouré au lendemain de sa désignation d’un comité restreint d’experts, économistes, financiers, politologues, sociologues et autres personnalités morales…qui auront eu à préparer un programme de sauvetage, à établir et hiérarchiser les priorités les plus urgentes, et à concevoir une architecture gouvernementale, sur la base de laquelle le gouvernement aura été formé et ses membres choisis savamment, avec pour chaque portefeuille le profil qui lui correspond le plus, tout en tâchant à supprimer certains ministères qui ne servent à rien, à fusionner les ministères qui puissent l’être, et à établir dans la foulée un plan d’action par objectifs…de manière à ce qu’il y ait un peu de méthode dans l’action gouvernementale.

Si l’on veut redonner de l’espoir au peuple, il faudrait innover et couper net avec des méthodes utilisées jusqu’à l’usure pendant toutes ces années, mais qui n’ont pas marché…Évitons que le gouvernement en devenir porte en lui d’emblée les germes de son insuccès ; osons innover.

Celui qui s’apprête à devenir le 9ème chef du gouvernement de la Tunisie après 2011, devra avoir le courage politique de faire autrement, et d’exploiter ce qui lui reste des délais constitutionnels pour former un cabinet restreint, s’appuyant sur un programme clair, concret et budgétisé, et le ramener à l’Assemblée pour lui demander la confiance, en prenant le peuple à témoin.

Le temps est précieux et joue en défaveur de la Tunisie, ressaisissons-nous pour prévenir une chronique d’un naufrage annoncé.

H.J.