Tunisie : L’économie bleue assure la sécurité alimentaire (Samir Taieb)

25-06-2019

Après Londres l’an dernier, la deuxième édition du Forum Africain de l’Economie Bleue (AFEB) s’est tenu ce mardi à Tunis. Cet évènement a réuni de hauts responsables gouvernementaux, des chefs d’entreprise, des représentants de la société civile mais aussi des investisseurs internationaux et des experts du secteur océanique. Pendant deux jours, les opportunités offertes par l’économie bleue seront mises en avant.

L’industrie maritime africaine représente environ 1000 milliards de dollars par an. Elle couvre de nombreux secteurs comme la pêche, l’aquaculture, les ports, les énergies renouvelables et les technologies.

L’objectif de l’AFEB 2019 est d’offrir une plateforme idéale pour comprendre, explorer et investir dans l’économie bleue. Il est également une occasion d’exploiter son potentiel pour un développement environnemental et socio-économique durable pour l’avenir.

La mer pourrait constituer un levier exceptionnel pour la croissance de la Tunisie. L’économie bleue et durable, c’est l’équilibre entre le développement économique, croissance et protection de l’environnement.
Elle contribue notamment à une gestion rationnelle des ressources océaniques. « Il s’agit là d’une opportunité de développement économique pour la Tunisie Â», affirme Samir Taieb, Ministre de l’Agriculture et de la Pêche Â». Présent pour l’ouverture du forum, Taieb a salué les efforts déjà faits par la Tunisie en matière d’économie bleue. « Nous avons déjà réalisé une étude stratégique sur ce secteur. Nous avons également organisé plusieurs évènements comme le Forum de la Mer à Bizerte, la saison bleue, le WESTMED ou encore le MEDFISH4EVER Â», insiste-t-il.

Selon une récente étude de la FAO, la Méditerranée constitue l’une des régions maritimes les plus surexploitées au monde, avec un taux record de 62% de stocks surexploités. Ainsi, il est à prévoir que l’état de la biodiversité se dégrade davantage avec le changement climatique, si des mesures de gestion ne tentent pas de changer de cap, notamment en réduisant la pression de pêche.

« L’économie bleue encourage la pêche dite responsable. Elle permet également d’atteindre la sécurité alimentaire et l’éradication de la pauvreté Â», ajoute Samir Taieb.

En Tunisie, sept activités maritimes ont été identifiées. Parmi elles, d’abord, la pêche traditionnelle. Ce secteur demeure jusqu’à aujourd’hui ancré dans la culture et les traditions du pays. Le Tunisien consomme environ 11kg de produit de la mer par an et 100.000 personnes vivent directement de cette activité.

Autre domaine, qui prend de plus en plus d’ampleur, l’aquaculture. Si en 2007, sa production ne dépassait pas les 3400 tonnes par an, dix ans plus tard elle a atteint les 22.000 tonnes. 41 sites sont en activité et elle emploie 2000 personnes.
Autre secteur maritime clé pour le développement économique de la Tunisie, le transport maritime. 98% des importations et des exportations transitent par la mer via les huit ports commerciaux du pays. Cependant, l’infrastructure portuaire du pays est désuète. Une mise à niveau est à envisager d’urgence, si nous voulons tirer bénéfice de l’économie bleue.

Autre invité du forum, Mokhtar Hammami, Ministre des Affaires locales et de l’Environnement. Il répond aux questions de GnetNews. « Nous subissons également les conséquences du changement climatique. Les responsables sont les grands pays industriels. Ces pays-là laissent leurs cargos décharger des grandes quantités de pétrole en mer méditerranée… Les tortues qui avaient l’habitude de venir pondre sur les plages de Monastir ne viennent plus. Nous devons porter politiquement cette cause. Aujourd’hui c’est devenu une cause nationale Â».

Lors de ce forum, il a été difficile de dissocier économie bleue et énergies renouvelables. A l’image d’une pêche responsable et durable, il faut aussi user des autres ressources naturelles de façon responsable et durable elles-aussi. « Les modèles de croissance sont en train de changer Â», affirme Mr Hammami.

« Il faut apprendre à tirer bénéfice des ressources naturelles. Nous avons 10 mois de soleil par an et pourtant nous utilisons toujours le gaz et le pétrole. Nous avons des montagnes où il y a beaucoup de vent et nous ne l’utilisons pas. La mer nous donne elle aussi de l’énergie. 50% de la croissance de la Tunisie doit se faire par la mer. Le modèle économique de demain doit tendre vers les énergies renouvelables. C’est aussi un bon moyen de créer de l’emploi notamment chez les jeunes et les femmes Â», ajoute-t-il.

La Tunisie, avec ses 2290 km de côtes et rivages, demeure à une position stratégique en méditerranée. L’économie bleue constitue donc un enjeu de taille pour l’avenir économique mais aussi environnemental du pays. En effet, elle va de pair avec la protection de l’environnement. Aujourd’hui en Tunisie, il ne semble pas que cela soit une priorité. Le littoral est le siège d’une forte concentration urbaine et touristique. A ce jour, 5 millions de Tunisiens habitent le long de la côte. De plus, 90% de l’activité hôtelière est balnéaire. Cette concentration favorise la pollution des plages et donc de la mer. Autre facteur de pollution, l’industrie lourde. La plupart des grosses entreprises polluantes se trouvent sur le littoral ou au bord des lacs.

Wissal Ayadi