Tunisie : Les clefs d’une révision efficace à deux jours du baccalauréat (Enquête)

11-06-2021

La fin de l’année scolaire annonce le commencement des examens nationaux. Et il y en a un qui apparaît plus important que les autres…. Le baccalauréat. Ce fameux sésame qui permet aux candidats d’accéder à des études supérieures.

Pour les parents également c’est un cap que doit franchir son enfant afin de garantir une vie professionnelle stable et correcte. C’est donc une lourde responsabilité qui pèse sur les épaules d’adolescents d’à peine 18 ans.

Avec la pandémie du Covid-19, les prétendants au bac auront encore plus d’efforts à fournir afin d’atteindre leur but car depuis 2 ans, le système scolaire a été entaché de plusieurs périodes d’arrêts de cours dictées par la crise sanitaire. 

Comment les candidats et leurs familles vivent cette période charnière ? Quels sont les syndromes de stress pré-examens ? Le niveau des élèves est-il toujours à la hauteur de l’enjeu de cet examen ? Enquête.

La pression

C’est toujours le même rituel pour Hanen, la maman de Aziz, 17 ans, qui se prépare à passer l’examen du baccalauréat dans quelques jours dans la ville de Bizerte. La mère de famille se réveille à 6h du matin afin de cuisiner un petit-déjeuner riche en vitamines pour son fils. Ricotta, charcuterie, jus d’orange… un plein de protéines qui aidera, selon elle, Aziz à être en forme afin d’entamer la dernière ligne droite des révisions.

Hanen est stressée. « Je ne dors presque plus et je n’arrête pas de penser à mon fils. J’ai l’impression que c’est moi qui vais passer le bac », nous confie-t-elle.

De son côté, Aziz à l’air plutôt décontracté. Le stress, pour l’instant il ne le ressent pas. « Toute la journée je suis sois au lycée, soit en cours particulier. Alors quand je rentre chez moi, j’ai envie de me détendre », nous dit-il, en revenant d’une sortie avec ses copains.

L’adolescent nous indique qu’il n’y a pas de quoi se mettre une pression. En effet, il nous explique que grâce à l’encadrement de ses professeurs pendant les cours et les cours particuliers, il a réussi à boucler le programme qui a été haché par les interruptions de cours et l’école par alternance.

Si Aziz est zen, ce n’est pas le cas de Nour. Lycéenne dans la banlieue nord de Tunis, elle commence à avoir peur. « Je me sens fatiguée car je ne dors pas bien. Je fais des cauchemars et donc des insomnies », dit la jeune fille.

Sa mère, Jihene, elle aussi, s’inquiète. « Elle ne veut plus rien manger, ni sortir, ni voir personne. Quand elle rentre après ses cours, elle s’enferme dans sa chambre pour réviser et je ne la vois plus jusqu’au lendemain », déplore-t-elle.

Elle essaye, néanmoins, de tempérer les choses en gâtant sa fille afin qu’elle se sente à l’aise et moins stressée. « Depuis le début de l’année scolaire, je lui achète tout ce qu’elle veut et je cède à tous ses caprices afin qu’elle puisse être dans le meilleur état d’esprit possible pour qu’elle réussisse son examen « , ajoute la mère de Nour.

Les syndromes de stress : les conseils d’un psy

Comme en témoignent les récits ci-dessus, les examens sont un facteur de stress à la fois pour les candidats mais aussi pour leur entourage. Afin de comprendre la nature de ce stress, nous nous sommes adressés à Anas Laouini, psychothérapeute clinicien à Tunis.

A la veille du début des épreuves du baccalauréat  il voit défiler dans son cabinet plusieurs adolescents en détresse. Ainsi, Dr. Laouini nous explique qu’il y a plusieurs formes de stress.

D’abord, il y a un niveau de stress qui pour le candidat se transforme en motivation. « Certains utilisent cette pression pour se surpasser et réviser encore plus », nous dit le professionnel. Il s’agit du stress motivant.

Ensuite vient une nature d’anxiété qui altère les capacités intellectuelles de l’élève. « Dans ce genre de situation, il ou elle fait face à des difficultés dans l’apprentissage. Les révisions deviennent un clavaire et la mémorisation difficile ».

Enfin, un niveau d’angoisse élevé peut provoquer un véritable blocage. Ainsi, dans ce cas, l’adolescent ne peut plus ni réviser, ni manger, ni parler, ni sortir.

Dans ces deux dernières situations, les parents décident souvent de faire appel à des professionnels afin de venir en aide à leur enfant. Lors de la thérapie, Anas Laouini conseille aux patients d’augmenter les heures de sommeil, de s’aménager des moments de loisirs et prescrit des cures médicaments à base de plantes afin de faire baisser l’anxiété (phytothérapie).

Le médecin propose également à ces adolescents stressés une méthodologie d’apprentissage. « Je leur donne des clé pour une révision sémantique, je leur apprend à structurer leur cours par titres et sous-titres, d’élaborer des fiches de révision par couleur, car les couleurs aident à la concentration », explique Laouini.

Par ailleurs, il est également conseillé de mettre de la musique douce, de se servir une nourriture régressive, c’est à dire des mets qui réconfortent et d’éviter d’arrêter les addictions comme le tabac.

Par ailleurs, le psychothérapeute indique qu’il y a aussi un travail à faire avec la famille. « Je demande aux parents de ne pas mettre de pression à leur enfant, de leur enlever le souci du résultat et de les rassurer en leur disant que l’échec n’est pas une fatalité, mais plutôt le destin ».

Il conseille également aux parents de proposer à leur enfant des sorties d’au moins 30 minutes par jour, que ce soit pour une marche à l’air libre ou autour d’un café dans un salon de thé. « Cela permet de favoriser un regain d’énergie », conclut le médecin.

Le niveau des bacheliers de plus en plus bas

Plusieurs études ont montré que la pandémie du Covid-19  a provoqué, à travers le monde, une baisse du niveau des élèves et étudiants. En effet, les périodes de confinement, les suspensions de cours et l’école à distance ont eu des conséquences sur le parcours scolaires des jeunes.

Habib Rouis est professeur de philosophie au lycée d’El Menzah VI. Pour lui le niveau des élèves du bac a sensiblement régressé à cause de la pandémie du Covid-19.

« La baisse de la présence de l’élève en classe nuit à sa capacité de débattre et donc de mémoriser. De plus, le nombre d’exercices a baissé et le mécanisme d’intelligence s’en retrouve altéré », décrit le professeur.

Par ailleurs, de par ses longues années d’expérience, Habib Rouis affirme que les attentes sociétales  relatives au baccalauréat ont bien changé. « Aujourd’hui, on ne se demande plus si l’élève réussira avec une mention, mais seulement s’il réussira tout court », déplore-t-il.

Afin d’avoir une vision à plus long terme du niveau des bacheliers fraichement diplômés, nous avons fait appel à Amine Thabet, professeur de droit public à l’Université de Carthage. Il enseigne en licence.

D’après lui, le niveau a baissé, certes, mais depuis une vingtaine d’années. « Cela ne date pas d’hier, ni de la pandémie. C’est depuis le début des années 2000 que le niveau scolaire a commencé à chuter ». Amine Thabet appuie son analyse sur le fait que les  bacheliers qui arrivent dans ses cours de droit n’ont aucun niveau de réflexion, d’analyse et de critique. Selon lui, au lycée la pratique du « parcoeurisme » a déformé le système éducatif de la Tunisie. « Les étudiants qui arrivent en licence s’attendent à un cours tout prêt comme une dictée ».

Il ajoute également, que les niveaux de langue a significativement régressé. « Il n’y a pas de maitrise ni de l’arabe littéraire, ni du français ». Ainsi, les copies que le professeur Thabet corrige sont pour la plupart remplies de fautes d’orthographe, de grammaire et de conjugaison. « A mon époque, des copies comme cela n’étaient même pas corrigées par le professeur et c’était direct un zéro pointé ».

Aujourd’hui Amine Thabet, avoue qu’il doit faire abstraction de la qualité rédactionnelle car elle devient « la norme », dit-il.

Wissal Ayadi