Tunisie : L’Anglais s’impose de plus en plus, au détriment du Français !

16-03-2022

Avec internet, les réseaux sociaux, et les médias, apprendre l’anglais n’est plus un obstacle pour les nouvelles générations. Les jeunes utilisent dès leur plus jeune âge des applications  smartphone anglophones, regardent des films et série en anglais sous titrés, et arrivent à traduire aisément le langage parlé…Outre l’apprentissage dès leur plus jeune âge, des langues à l’école publique et privée.

Pourquoi tant d’intérêt à l’anglais en particulier ? Il y-a-t-il d’autres langues sollicitées par les jeunes ainsi que  le marché du travail ? En quoi s’ouvrir sur d’autres langues pourrait-il être avantageux ?

D’après Abir Abdelhak, professeure d’anglais dans un lycée au Bardo, la plupart de ses élèves en première année secondaire, comprennent et s’expriment en anglais.

 « Avec la dominance artistique anglophone, la propagation de la culture du développement personnel issue aussi des Etats Unis, l’existence de l’information plus pertinente sur les pages web anglaises, les jeunes sont désormais passionnés par cette langue pour tout ce qu’elle représente en termes de succès.  Elle évoque aussi pour eux le monde moderne, étroitement liée à la technologie, l’informatique et la mondialisation », nous explique la professeure.

En l’interrogeant sur le niveau de français de ses élèves, Abir nous a aussi indiqué que l’intérêt pour la francophonie a en revanche régressé.

Les élèves ont des difficultés au niveau de la prononciation, la grammaire et la conjugaison,  et refusent d’apprendre le français car considéré comme trop compliquée. Pourtant il demeure l’unique langue d’enseignement dans le secondaire, pour les matières scientifiques, mathématiques et techniques.

« Chaque langue reflète une culture et évoque une mémoire collective particulière. Pour les générations post-révolution, la langue française est consacrée à une élite sociale et intellectuelle francophone tunisienne, qui a eu la chance d’étudier dans les écoles françaises ou à l’étranger. Pour cette génération plus engagée, le français rappelle aussi la langue du colonisateur…L’anglais, en revanche, provenant d’une culture libérale, est devenu le nouveau langage populaire des jeunes, qu’ils ont appris d’une manière innée, à l’école, à la télé ou sur les réseaux sociaux », analyse la professeure.

A ce sujet, nous avons interrogé Ines, 17 ans, élève au Lycée Ennasr, passionnée par la littérature anglaise. Pour elle, apprendre une langue c’est aussi s’imprégner de sa culture… 

« Dès mon plus jeune âge, je visitais des sites en anglais, sur la mode, la nutrition, les stars et le Life Styling. Pour les sites français, j’en étais un peu moins attirée, car trop compliqués même dans leurs méthodes d’explications via les articles et blogs francophones…Les Anglais ont cette capacité de résumer l’information, et de la présenter de la manière la plus brève et efficace. Et c’est tout ce que demandent les jeunes, une méthode d’apprentissage facile et qui va droit au but », nous dévoile-t-elle. 

Pour Aziz, un adolescent de 16 ans, ce sont les chansons de Rap qui l’ont initié à la langue. « J’apprenais par cœur les paroles, et je lisais beaucoup sur mes chanteurs préférés, dont la majorité est d’origine américaine. Internet m’a aussi facilité l’accès à cette culture en général, ce n’était pas seulement l’école qui m’y a initié », souligne-t-il. Pour ce jeune homme influencé par la culture nord américaine, l’espagnole était le meilleur choix pour lui pour sa deuxième langue en option.  » L’Amérique latine, m’inspire beaucoup également. C’est tout le continent américain qui m’impressionne », nous confie-t-il, fièrement.

Par ailleurs, sachant que les enfants sont les plus réceptifs aux nouvelles langues. S’ils sont formés dès leur premier âge, ils intègreront ainsi facilement les systèmes de langues.

Dans le système éducatif tunisien, l’anglais a été intégré aux programmes scolaires à partir de la quatrième année primaire soit à partir de l’âge de 9 ans, et le français dès la deuxième année. Au lycée, les jeunes choisissent comme option d’étudier une deuxième langue en 2ème année secondaire, à part le français l’anglais et l’arabe, les lycéens ont l’opportunité de s’initier en langue italienne ou espagnole.

Etre bilingue, un atout décisif pour réussir sa carrière

Apprendre une autre langue outre l’arabe et le français, est-il réellement nécessaire ? Le débat ressurgit souvent, notamment chez les jeunes professionnels ayant l’ambition d’accéder aux postes de haut niveau dans des multinationales, en Tunisie ou ailleurs. Sans oublier, que les entreprises s’offrent des contrats et projets avec des collaborateurs aux quatre coins du Globe. Maîtriser une langue universelle comme l’anglais deviendra alors, plus que jamais, un atout essentiel pour assurer son avenir professionnel. 

En effet, le monde du travail très concurrentiel, exige de plus en plus cet atout : la maitrise parfaite de l’anglais en oral comme à l’écrit. Langue officielle de plus de 90 pays à travers le monde, devenir anglophone est désormais le défi des jeunes souhaitant promouvoir leurs profils professionnels, voyager, ou étudier à l’étranger.

Pour Fatma 36 ans, pharmacienne et conseillère médicale dans une industrie pharmaceutique internationale implantée en Tunisie, sa formation de 6 mois en anglais lui a permis d’évoluer dans sa carrière. « J’ai investi dans cette certification de langue qui vaut 4000 dinars, afin d’évoluer. Et heureusement, que ces dépenses ont donné leurs fruits », nous dit-elle fièrement.

« Persuadée que face à deux profils identiques, l’entreprise dans laquelle je travaille, aura tendance à favoriser le candidat capable de comprendre l’anglais et s’exprimer dans cette langue. J’ai voulu augmenter mes chances, et j’ai réussi. Après deux entretiens d’embauche en anglais, avec des responsables d’origines différentes, danoise, turque, et wallonne, j’ai réussi à convaincre les recruteurs. Chose qui était impossible, si je ne maitrisais pas cette langue internationale par excellence ».

Fatma, qui a récemment été appelée pour un poste en Belgique, nous a confirmé que certaines certifications peuvent être demandées pour des postes internationaux (TOEIC, TOEFL, IELTS…).

Il ne suffit pas d’avoir des diplômes et de l’expérience pour assurer son avenir. Il faut perfectionner ses compétences en permanence, via des formations, des certifications et le coaching. Les Soft Skills sont décisifs dans le travail, a-t-elle conclu.

Mais, il n’y a pas que l’anglais qui est sollicitée par les jeunes ambitieux. L’allemand est aussi une des langues les plus visées par les professionnels de la santé, notamment les médecins, anesthésistes, infirmiers, prothésistes, et instrumentistes. Ces derniers ont été appelés massivement à rejoindre les hôpitaux d’Allemagne, comme renfort lors de la pandémie du covid-19.

Alyssa 25ans, anesthésiste a opté pour l’apprentissage de l’allemand, dans le but d’exercer son métier à l’étranger. Après une formation qui a duré un an, dans un centre de langues vivantes à Tunis, elle a pu apprendre le vocabulaire professionnel.

« Le français notre deuxième langue officielle en Tunisie, est considérée comme maitrisée davantage par le marché du travail. L’anglais aussi, accessible pour la plupart de nous via internet, les réseaux sociaux, et les médias, ne représente plus un obstacle pour les jeunes. Il faut plutôt chercher le plus », confirme-t-elle. 

Emna Bhira