Tunisie/ Accidents de la route : Les piliers d’une bonne stratégie pour venir à bout d’un fléau redoutable

13-02-2023

En Tunisie, il ne se passe pas un jour sans que la route ne fasse de victimes. En effet, les décès pour cause d’accidents de la route ne cessent d’augmenter chaque année.

La vitesse, l’alcool, les drogues, le téléphone au volant, mais aussi la commercialisation de pneus qui ne sont pas aux normes figurent parmi les principales causes de ce fléau.

Des chiffres annoncés…mais qui ne reflètent pas la réalité

Le 6 janvier dernier, lors de la 14e session du conseil national de la sécurité routière organisé au ministère de l’Intérieur, l’Observatoire national de la sécurité routière, a annoncé une augmentation du nombre d‘accidents de la route en 2022 avec 5484 accidents contre 5089 accidents en 2021. Par ailleurs, selon la même source, 1051 personnes ont trouvé la mort et 7906 personnes ont été blessées contre 1014 décès et 6894 blessés en 2021.

Des chiffres inquiétants qui pourraient être en réalité bien plus importants affirme Afif Frigui, Président de l’Association tunisienne de prévention routière. Contacté par téléphone, il indique à cet égard que ce chiffre peut être facilement doublé. « En 2019, le nombre de morts sur les routes s’élevait à 1150. Il s’est avéré que ce chiffre a été revu à la hausse grâce à une étude réalisée en collaboration avec les sociétés d’assurances. Finalement en faisant les comptes, nous étions arrivés à 2273, au lieu des 1150 annoncés », nous confie Frigui.

Ainsi, le président de l’ATPR déplore l’absence de registre national des victimes de la route, mesure en outre, préconisée par l’Organisation mondiale de la Santé. « Tant que nous n’aurons pas ce registre, il sera impossible de donner les bilans exacts des morts sur la route », dit-il.

A noter que l’OMS a posé comme objectif, pour les pays en développement, de faire baisser le nombre de décès suite à un accident de la route de 50% d’ici à l’horizon 2030.

Vitesse, drogue, alcool… Les raisons de la hausse des morts sur la route

D’après l’observatoire national de la sécurité routière, l’inattention au volant, la vitesse excessive et le non-respect des règles de priorité constituent les principales causes des accidents de la route en Tunisie.

Une étude réalisée en 2020 par l’Association tunisienne de prévention routière a mis en lumière sur les principaux comportements à risque sur les routes.

Dans un premier temps, l’étude indique que 76% des usagers de la route interrogés ont avoué utiliser l’internet en conduisant et 60,6% téléphoner.

Autre fléau, celui de l’achat de pneus issus du commerce parallèle et qui ne sont pas aux normes. Ils serait d’après l’étude 73% a installer ces pneus. Toujours selon l’étude, les crevaisons sont à l’origine de 63,9% des accidents.

A noter que seuls 32% des pneumatiques disponibles sur le marché national sont conformes aux normes techniques, dont 12% industrialisés en Tunisie et 20% par des marques internationales ayant des succursales en Tunisie.

Par ailleurs, 38,6% des conducteurs de voitures interrogés disent consommer de l’alcool ou de la drogue avant de prendre le volant.

La vitesse est, également, l’une des principales raisons des accidents de la route (37,1%), suivie par la conduite en état d’ébriété (19,6%) et l’inattention des piétons lors de la traversée de la chaussée (17,8%).

Recommandations

« La Tunisie dot absolument se doter d’une stratégie et d’une politique nationale de sécurité routière », martèle Afif Frigui.

Une stratégie qui doit comporter tout d’abord un volet sensibilisation et prévention. A cet égard, le président de l’ATPR exhorte le gouvernement à rendre obligatoire des cours de sécurités routières dans tous les établissements scolaires dès le plus jeune âge.

D’un autre côté, Afif Frigui appelle les autorités à utiliser à bon escient le « fonds de la protection civile et de la sécurité routière » instauré en 1997 servant au financement de toutes les actions ayant pour but de renforcer la prévention dans le domaine de la protection civile et de la sécurité routière. « Depuis la révolution l’argent de ce fonds sert à d’autres secteurs dans l’indifférence la plus totale », affirme-t-il. A noter que ce fonds est financé par les contribuables tunisiens par l’intermédiaire de la visite technique et de l’assurance automobile.

En parallèle de la mise en place d’une stratégie de sensibilisation et de prévention, le président de l’ATPR appelle également à renforcer les contrôles routiers pour une application effective du code de la route. « Il faut que l’Etat utilise la répression pour que cela marche. Il faut augmenter les prix des amendes en cas d’infraction et instaurer le permis à points ».

D’après Frigui, les fonds qui sont aujourd’hui relatifs aux infractions de la route et qui sont en cours d’examen dans les tribunaux tournent aux alentours de 2300 milliards de dinars.

La sécurité routière devra être un sujet pris à bras le corps par le conseil national de sécurité, car il s’agit, selon lui, « d’une autre forme de terrorisme.

Wissal Ayadi