Tunisie : Vaccination, suppression du régime des groupes…points chauds de la rentrée du 15 septembre (Enquête)

31-08-2021

A quelques semaines de la rentrée scolaire, les débats autour des conditions dans lesquelles les élèves étudieront cette année fait grand bruit. Le ministère de l’Education et les syndicats se sont désormais mis d’accord sur la date de la rentrée, qui sera pour le 15 septembre, ainsi que sur la reprise, selon le régime d’un seul groupe.

Pour les parents et les associations de parents d’élèves, le retour à un rythme normal apparaît comme un soulagement.

Autre question mise en débat, la vaccination des plus de douze ans… Pour ou contre ? Le sujet anime toutes les parties du secteur de l’éducation.

Gnetnews a enquêté sur cette rentrée encore pleine d’incertitudes. Parents, enseignants, associations, médecins, etc. répondent à nos questions et nous donnent leur avis.

Deux millions de petits Tunisiens reprendront le chemin de l’école dès le 15 septembre prochain. Voilà presque deux ans que les écoliers, collégiens et autre lycéens subissent de plein fouet les conséquences de la pandémie avec un rythme scolaire complètement chamboulé.

Si pour la rentrée 2020/2021, le ministère de l’Education avait mis en place un système de groupe par alternance, pour celle de 2021/2022, le département a décidé un retour à la normal, ce qui réjouit la majorité des parents.

C’est  le cas de Abir, maman d’un collégien de 13 ans. « L’année dernière c’était vraiment compliquée pour moi de gérer l’école par alternance. Je travaille et un jour sur deux, il fallait que je trouve une solution pour faire garder mon fils. Je pense qu’il est encore jeune pour qu’il reste seul à la maison toute la journée », nous dit-elle. Elle a donc fait appel aux grand-parents afin qu’ils assurent la garde de leur petit-fils. « Il habitent loin de chez moi, c’était aussi fatiguant pour eux. Je suis donc contente de ce retour à la normale », conclut-elle.

Pour son fils également c’est une bonne nouvelle. « Aller à l’école un jour sur deux c’était un peu comme des vacances c’est vrai. Mais j’ai eu des difficultés, car j’ai eu l’impression de ne pas être prêt pour les examens de fin d’année. De plus, quand il fallait étudier tout seul à la maison, je n’arrivais pas à me concentrer et je ne trouvais personne pour m’expliquer certaines notions », indique Makram.

Pour les associations de parents d’élèves, ce retour à un rythme normal est une bonne chose. A cet égard, nous nous sommes entretenus avec le Dr Moez Cherif, chirurgien pédiatre et président de l’Association tunisienne de défense des droits de l’enfant. Pour lui, la décision du ministère de l’Éducation est normale. « Il faut savoir que l’année dernière c’était aussi prévu que l’année scolaire se passe normalement. A l’époque, 7 ministères avaient signé un accord pour une rentrée sans groupe et sans alternance. Mais à l’arrivée de Hichem Mechichi à la présidence du gouvernement, cela a changé ». D’après Dr Cherif, cette décision a été prise de manière unilatérale, sous la pression des syndicats enseignants.

Seule l’école publique Tunisienne a été lésée. En effet, durant l’année scolaire dernière, les écoles privées et étrangères ont continué de fonctionner normalement, en s’appuyant également sur l’enseignement à distance, a-t-il souligné.

« Il y a un phénomène de discrimination qui est né entre le privé et le public. De plus, vu que cette décision a été prise à la va vite, le programme qui a été allégé n’a pas été réfléchi et de nombreux dysfonctionnements sont apparus ». Moez Chérif fait notamment référence à l’examen des élèves de 6ème qui ont eu à traiter une notion de mathématiques qui n’avait pas été mise au programme.

Afin de pallier à ce genre de problèmes mais aussi aux résultats très bas qu’ont obtenus les élèves, les coefficients ont du être revus à la baisse.

Les Syndicats ont fini par se soumettre

Du côté des syndicats, le retour à un rythme normal n’a pas été reçu favorablement. En effet, les principaux syndicats enseignants ont menacé de boycotter la rentrée. Mais, ils ont fini par revoir leur position, lors de la réunion de vendredi dernier au ministère de l’Education, après avoir écouté l’avis du comité scientifique.

Aida Mehrez est professeur dans une école primaire du quartier d’El Menzah VI à Tunis. Pour elle la crainte réside dans le nombre d’élèves par classe. « Cela fait des années que nous demandons au ministère de limiter le nombre d’élèves à 25 pour le primaire et 27 pour le secondaire, mais en vain. Aujourd’hui nous enseignons dans des classes de 38, voire 42 élèves Â», déplore-t-elle.

L’enseignante s’est dit très satisfaite du système mis en place l’année dernière. « Nous avons tous pu finir les programmes malgré les trois coupures dues à la pandémie. J’ai même pu réserver une semaine pour les révisions. Elle explique que donner des cours à un nombre restreint d’élève permet une meilleure compréhension. De plus, elle affirme que les actes de violences au sein des établissements a considérablement baissé. « Les élèves sont plus calmes et plus apaisés », avoue-t-elle.

Pour autant, elle n’a pas beaucoup d’espoir quant à la réforme de l’Education et la possibilité de limiter le nombre d’élèves par classes. « Depuis 2013, les recrutements ont été gelés. Les départs à la retraite et les décès ne sont même pas remplacés. Donc nous manquons cruellement de ressources humaines », prévient-elle.

« Rompre le cercle de transmission du virus »

Les autorités sanitaires tunisiennes ont accordé l’autorisation à l’usage en Tunisie, du vaccin anti Covid du laboratoire Pfizer, pour la tranche d’âge de 12 et plus. Le ministère de la Santé a organisé ce dimanche 29 août une journée de vaccination massive qui concernera, entre autres, les enfants âgés entre 15 et 17 ans (nés entre le 28 août 2003 et le 29 août 2006).

Le Dr Moez Cherif qui est également membre de la commission nationale de vaccination, accueille cette nouvelle positivement. « Il  vrai que les enfants ne développent pas de forme grave de la maladie, mais ils peuvent contaminer d’autres personnes Â», nous dit le chirurgien pédiatre. « Le principal objectif de la vaccination des enfants est de rompre le cercle de transmission du virus et protéger les personnes les plus vulnérables comme les nourrissons et les personnes âgées ».

Nous avons également demandé l’avis au Dr Lamia Kallel, présidente du Conseil régional de l’ordre des médecins de Tunis. Selon elle, il faudrait déjà insister sur le fait que les parents et les grands enfants soient vaccinés dans les familles et arriver à une couverture vaccinale générale de  60%. « Il faut organiser des journées de vaccinations au sein même des collèges et des lycées avec bien sur l’autorisation parentale », ajoute-t-elle. Elle conclut en affirmant qu’il faut aussi insister sur les mesures barrières dans les écoles notamment l’ouverture des fenêtres dans les salles de classe, la mise à disposition de gel hydroalcoolique et de savon ainsi que l’hygiène dans les sanitaires ».

En attendant, dans de nombreux pays occidentaux, l’idée de vacciner les enfants de moins de 12 ans fait son chemin. Les laboratoires Pfizer et Moderna ont d’ailleurs débuté leurs essais cliniques aux États-Unis afin de déterminer l’efficacité et la sécurité du vaccin chez les plus jeunes. Les premiers résultats ne sont pas attendus avant la fin du mois de septembre.

Wissal Ayadi