Un club à la Marsa, pour inciter les jeunes à reprendre goût à la lecture

16-03-2021

Les jeunes lisent-ils ? C’est une question qui se pose dans chaque génération. Elle taraude notamment les intellectuels, qui prévoient la disparition de cette activité culturelle au fil du temps….D’ailleurs, cette réflexion a été posée depuis le VIIIème siècle avant J-C déjà, quand Hésiode qui était un poète et philosophe grec se plaignait de la jeunesse incapable de concentration, et qui est tellement dépravée, qu’il s’est décidé à quitter la cité, si elle avait à la diriger, plus tard.

Il s’agit d’une « illusion » constante, celle de juger la nouvelle génération d’être moins cultivée de celle qui l’a précédée. Mais en réalité, les jeunes lisent encore, et la lecture se perpétue. Ces jeunes  sont, en effet, attirés par de nouveaux courants littéraires, méconnus par les plus âgés, comme les livres sur le développement personnel, les histoires de science-fiction et de fantaisie, les Mangas, les bandes-dessinées, les romans à l’eau de rose ou encore les histoires adaptées à des œuvres cinématographiques…Ils ont même des pratiques de lecture très vastes, variées et diverses. Ils privilégient notamment, tout genre de supports, le livre en papier, le numérique ou encore les lectures en audio. Ils n’ont pas de frein dans l’approche de la lecture, contrairement à ce que disent les préjugés, nous a dévoilé le président du club de lecture la Marsa, Wissem Wakim.

Nous nous sommes rendus dans sa bibliothèque située à la Marsa, un espace apaisant, calme, où sont installés des fauteuils biens confortables, dans des coins individuels de lecture, mis en retrait, pour une bonne concentration. Dans une pièce plus spacieuse, dédiée aux discussions post-lecture, une table ronde est posée en face d’une bibliothèque murale, bien remplie de grands classiques littéraires, de nouvelles publications d’auteurs plus jeunes, et de romans ludiques et divertissants, proposant des voyages imaginaires qui transportent les passionnés, à travers les mots, les récits fictifs ou encore réels, le temps d’un moment de plaisir.

En nous parlant de la régression de la lecture au fil du temps, Wissem Wakim a rappelé que cette tendance revient à une simple raison, à l’explosion  des moyens de loisir dédiés aux jeunes.

Sachant que durant les années 80-90, il n’y avait que la télévision, le cinéma et le théâtre pour les plus privilégiés.

Aujourd’hui, au 21ème siècle,  les jeunes ont découvert Internet qui représente une importante concurrente au livre. Les nouvelles générations y passent plus de 15 heures par semaine,  par le biais des téléphones portables et les PC, ce qui fait que le livre est désormais classé parmi les derniers moyens de loisirs préférés des jeunes lecteurs, même les Tunisiens….

 En nous parlant de l’affluence modeste au club, ce jeune passionné de lecture nous a précisé que 80% sont des expatriés ou des Tunisiens qui vivaient à l’étranger, étant bien ancrés dans des cultures qui valorisent le livre et la lecture.  Les 20% qui restent sont des jeunes professionnels, qui essaient à travers son club de consacrer plus de temps à la lecture pour s’instruire.

A cet effet, Wissem Wakim s’est fixé l’objectif de changer cette mentalité des jeunes, qui considèrent que lire est une corvée, voire une tâche pénible  à accomplir qui rappelle les devoirs d’école. « En tentant d’avoir un effet subversif sur la jeunesse, nous proposons des méthodes incitant à repenser cette activité intellectuelle, nous révèle-t-il.

«  Mise à part l’accès à la bibliothèque pour lire, nous prévoyons aussi d’autres concepts dont l’objectif est d’attirer le plus de public possible de  jeunes spécialement. Pour ce faire, nous organisons des rencontres littéraires, qui ressemblent à des speed-dating, dans lesquels le livre reflétera la personnalité de l’interlocuteur. Nous organiserons également les « Brunch-books », qui incluent une sorte de discussion sur des livres, des suggestions lecture, des petits cadeaux liés aux livres, marques pages, carnets de notes personnalisés, etc. Les balades à vélo figurent parmi nos programmes en cours de préparation. Cette activité ne se limite pas à dégourdir les jambes, nous indique-t-il.

« Cette activité consiste à faire de longues balades de vélo en groupes, tout en ramenant son livre préféré pour le lire une fois arrivé au lieu du piquenique. S’y ajoute, l’atelier Vanesse pour une parentalité plus douce, avec la présence de spécialistes des relations enfants/parents, et des jeux de société liées à la culture, les films, et le cinéma contemporain.  D’autre part, pour développer le côté artistique des lecteurs, nous prévoyons aussi (selon la demande) des séances de création filmique, pour l’adaptation de livres et de romans. En effet, malgré la modeste affluence des lecteurs locaux, plein de projets attendent les passionnés du livre et de la lecture, dans l’avenir ! ». 

Par ailleurs, le ministère des affaires culturelles ne cesse de multiplier les initiatives pour encourager à la lecture, notamment chez les enfants et les jeunes. Actuellement le département organise la manifestation « Nos maisons en mots » (تظاهرة “بيوتنا تقاسيم وكلمات”), lancée mercredi 10 mars 2021, dans tous les gouvernorats de la Tunisie.

Selon le service de la lecture publique au MAC, une compétition de poésie, de récits sur des légendes populaires régionales, et de livres numériques interactifs se tiendront jusqu’au 25 avril 2021, au sein des 420 bibliothèques publiques du pays. 

Cette manifestation culturelle vise à renforcer les liens familiaux et à les ancrer, en impliquant les parents dans ces activités créatives. Outre la foire du livre qui se tiendra cette année entre le 2 et le 11 avril, la Tunisie fêtera la journée mondiale du livre, le 23 avril prochain.

Emna Bhira