Tunisie : La vente sur les réseaux sociaux prospère, les bonnes affaires existent, mais gare aux arnaques !

09-06-2023

Le commerce en ligne via les réseaux sociaux en Tunisie connaît une croissance rapide, mais suscite également des préoccupations.

Les pages Facebook prétendant vendre des produits à des prix attractifs se multiplient, mais certaines se révèlent être des arnaques, mettant en péril la confiance des consommateurs.

Gnetnews explore les défis et les risques liés à l’achat en ligne via les réseaux sociaux.

Quelques chiffres

Le ministère du Commerce définit le commerce électronique comme étant les opérations et transactions commerciales effectuées à partir des technologies de l’information et de la communication, notamment via Internet.

Dans une récente étude sur les réformes économiques, le département a mis en évidence l’économie parallèle en Tunisie et abordé spécifiquement la question du commerce électronique illégal. Les statistiques officielles du ministère du Commerce dénombre en 2020, quelques 2182 sites de commerce électronique et que le nombre de transactions électroniques a connu une augmentation notable de 67%, atteignant 6,4 millions de transactions en raison de la pandémie.

Le ministère a également avoué les difficultés à contrôler l’ensemble de ces opérations électroniques, car la plupart d’entre elles échappent à la législation en vigueur. En effet, selon la chambre syndicale nationale du commerce électronique et de la vente à distance, relevant de l’UITCA, environ 70% des transactions dans le commerce électronique se déroulent sur le marché parallèle. Le volume total des chiffres d’affaires du commerce électronique en 2020 est estimé à environ 200 millions de dinars, dont seulement le tiers est réalisé de manière légale.

Ces chiffres mettent en évidence l’ampleur de l’économie parallèle dans le commerce électronique en Tunisie.

Le boom du commerce en ligne pendant la pandémie de Covid-19

La pandémie de Covid-19 a eu un impact significatif sur le commerce électronique en Tunisie, stimulant sa croissance de manière exponentielle. En effet, la valeur des transactions est passée de 271 millions de dinars en 2019 à 576,7 millions de dinars en 2021, marquant une progression notable. Parallèlement, le nombre de transactions a presque triplé, passant de 3,8 millions à près de 10 millions en 2021.

Selon les données de la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement), le paiement à la livraison demeure l’option préférée dans le cadre des opérations de commerce électronique en Tunisie. Malgré une évolution positive des paiements électroniques ces dernières années, qui sont passés de 111,6 millions de dinars en 2015 à 342,4 millions de dinars en 2020, environ 80% des transactions se font encore en espèces.

Cela est principalement dû à la prédominance des commerçants qui exercent essentiellement à travers des pages de vente en ligne via les réseaux sociaux et qui ne sont pas enregistrés auprès du ministère du Commerce.

Gare aux arnaques

Les pages dédiées à la vente en ligne pullulent sur les réseaux sociaux, autant que les témoignages qui relatent de nombreuses arnaques. Sur Facebook, une page appelée « Mauvais Plans Tunisie (Officiel) », regroupant une communauté de plus de 365.000 membres, permet aux internautes dupés de faire état de l’arnaque dont ils ont été les victimes. Les témoignages concernent essentiellement les pages de vente en ligne de produits divers et variés (vêtement, électroménager, gadgets, meubles… ».

Voici quelques exemples:

 

Les pages Facebook qui prétendent vendre des produits avec livraison à domicile à des prix très attractifs se multiplient chaque jour davantage. Leurs publications sont souvent sponsorisées, ce qui les rend omniprésentes sur nos écrans.

Cependant, les Tunisiens doivent être vigilants face à ces stratagèmes pour éviter de se faire arnaquer. Il est important de savoir qu’un grand nombre de ces pages Facebook sont en réalité des faux profils, utilisant des numéros de téléphone fictifs qui sont soit injoignables, soit appartenant à des tiers.

Ces individus proposent des produits qu’ils n’ont pas en leur possession. Ils se contentent de jouer le rôle d’intermédiaires entre les fournisseurs et les clients, en percevant au passage d’importantes commissions.

De plus, ces individus ne communiquent jamais directement avec leurs clients, se contentant d’échanges de messages. La livraison est confiée à d’autres sociétés spécialisées dans ce domaine.

Le client, ou plutôt la victime, doit régler le montant de l’achat en espèces lors de la livraison, en échange d’un colis souvent déformé qui ne correspond en rien à l’objet commandé. Le livreur refuse catégoriquement toute vérification du contenu avant d’avoir encaissé le paiement et de s’éclipser.

En cas de réclamation, il est extrêmement difficile d’obtenir satisfaction. Le numéro figurant sur la page Facebook, devient une ligne inexistante ou qui appartenant à quelqu’un qui n’a rien à voir avec cette escroquerie et qui est stupéfait lorsqu’on lui fait part de la réclamation.

Si le client arnaqué adresse une réclamation via la messagerie instantanée du réseau social en question, il est tout simplement bloqué par l’administrateur de la page.

C’est le cas de Karima. Elle nous raconte sa mésaventure. «J’ai eu une mauvaise expérience d’achat en ligne via les réseaux sociaux. J’ai passé une commande pour un article de mode, mais lorsque je l’ai reçu, la qualité était bien inférieure à ce qui avait été annoncé. De plus, le vendeur était peu coopératif et ne répondait pas à mes demandes de remboursement. J’ai fini par perdre mon argent et me retrouver avec un produit inutilisable. Je suis maintenant très méfiante quant aux achats en ligne via les réseaux sociaux. », nous confie-t-elle.

Il est donc préférable d’ouvrir les colis avant de payer pour éviter les mauvaises surprises. Les produits livrés correspondent rarement à ceux commandés et sont souvent d’une qualité médiocre.

Nous avons également contacté plusieurs personnes adeptes de la vente en ligne. Sarah est l’une d’entre elles. Passionnée par les produits issus de l’artisanat,  elle trouve son bonheur auprès des petits créateurs qui font la promotion de leurs créations via les réseaux. 

« J’ai récemment découvert la facilité de faire des achats en ligne via les réseaux sociaux et je suis agréablement surprise par l’expérience. J’ai pu trouver des produits uniques et intéressants auprès de petites entreprises. De plus, la communication directe avec les vendeurs m’a permis d’obtenir des informations détaillées sur les produits et de poser toutes mes questions avant de passer commande. Je suis ravie de pouvoir soutenir ces entrepreneurs et de recevoir des produits de qualité directement à ma porte ».

Entraves

Malgré cette expansion rapide, le commerce électronique en Tunisie fait face à plusieurs obstacles. Tout d’abord, il existe un manque d’intervention de la part de l’Instance nationale de la protection des données personnelles pour garantir la sécurité des citoyens dans l’espace numérique et les sensibiliser à la protection de leurs données personnelles.

De plus, l’absence d’une loi dédiée à la cybercriminalité, ne permet pas d’obtenir gain de cause en cas d’arnaque.

Anis Wahabi, expert-comptable nous explique que la plupart de ces pages en ligne ne disposent pas de patentes, opérant dans le circuit parallèle sans qu’ils ne soient inquiétés par les autorités.

« Pour le consommateur, il est difficile d’identifier une société légale ou non. Même si l’on demande une facture lors de la livraison, celle-ci n’est pas toujours légale. C’est aux autorités de mettre en place un service dédié aux transactions sur les réseaux sociaux, comme c’est le cas à l’étranger notamment », nous dit-il.

Bien que l’inclusion numérique en Tunisie soit importante, avec plus de 50% de la population connectée et un taux de pénétration de 69% pour Facebook, le marché du commerce électronique reste limité en raison du manque d’offres structurées. Pourtant, selon les estimations le marché pourrait atteindre entre 2 et 3 milliards de dinars.

Wissal Ayadi