Appel à la révision du régime politique, à l’origine de la crise en Tunisie

02-07-2020

La crise du régime politique en Tunisie a été au centre d’une conférence organisée, mercredi 1er juillet 2020, par le Collectif citoyen Soumoud (résistance), sous le thème « Le système politique sous la loupe: Crise de la gouvernance de l’Etat ».

Après la révolution du 14 janvier 2011, la Tunisie adopte un régime politique «mixte», basé sur un équilibre entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, qui était inscrit dans la nouvelle constitution de janvier 2014. Ce régime rompt avec celui présidentiel ayant centralisé autrefois le pouvoir entre les mains du président de la République et, ayant donné de larges pouvoirs exécutifs au chef du gouvernement.

La Tunisie souffre « d’un effritement du pouvoir »

Ce régime fait l’objet de critiques sur la scène politique et civile, ainsi de la part d’experts du droit constitutionnel. Intervenu à ce colloque, le constitutionnaliste Amine Mahfoudh considère que « la Tunisie est aujourd’hui confrontée à un « effritement » du pouvoir ».

 « Le régime politique en Tunisie est très complexe, à cause  de plusieurs lois, comme la loi électorale et le règlement intérieur du parlement. Cette complexité est apparue principalement en matière de formation du gouvernement et le choix qui a été fait, comme le stipule l’article 89 de la constitution».

Mahfoudh estime que la complexité de la structuration des pouvoirs n’était pas dans l’intérêt du régime politique, de même que la question de la répartition des pouvoirs, qui a suscité ambiguïté et réactions négatives. Ceci a provoqué un affrontement entre les différentes autorités exécutives, législatives et judiciaires, selon lui.

Le régime politique adopté en Tunisie donne au parlement le pouvoir de légiférer et de contrôler, d’accorder la confiance au gouvernement, de la lui retirer et de superviser son travail également. La constitution attribue également au Premier ministre la plupart des pouvoirs exécutifs, tandis que le Président de la République n’a de compétence exclusive que dans trois domaines : la sécurité nationale, la défense et les relations extérieures, a-t-il souligné.

Le système représentatif des partis au cœur de la crise de gouvernance de l’Etat

À son tour, l’ancien président de la Commission électorale, Chafik Sarsar, a considéré que la scène partisane en Tunisie comme étant «malade». Elle est à l’origine de la crise dans le pays, ne fait qu’ à approfondir la crise du système représentatif, entravant la mise en place des institutions.

Concernant le blocage en matière de  mise en place des institutions, en particulier la Cour constitutionnelle, le professeur de droit constitutionnel Sadok Belaid a qualifié le climat politique en Tunisie depuis la période « constitutive » de « corrompu ».

Belaid estime qu’il vaut mieux aujourd’hui reporter la question de l’établissement de la Cour constitutionnelle à une meilleure période politique et constitutionnelle, mais il a insisté, en revanche, sur la nécessité de changer le régime politique et la constitution également, en la décrivant comme un « champ miné ».

La modification du régime politique nécessite, selon l’article 143 de la Constitution, une initiative du Président de la République ou d’un tiers des membres du Parlement. L’initiative du Président de la République est prioritaire, mais elle dépend de la création de la Cour constitutionnelle, qui n’a pas encore été constituée.

Emna Bhira