Gouvernement : Des avocats analysent les rapports Ghannouchi/ Jemli/ Saied

02-01-2020

Après moult reports, et tergiversations, le chef du gouvernement désigné, Habib Jemli, vient de dévoiler ce jeudi, après-midi la composition de son gouvernement. Une annonce tardive, qui est de nature à mettre un terme à la confusion créée hier par sa conférence de presse et des déclarations contradictoires qui s’en sont suivies.

Le flou a plané pendant toute la nuit, et s’est poursuivie la matinée. D’aucuns dans les milieux politiques, civils et populaires, n’ont pas donné cher de ce gouvernement. Mais voilà que le processus s’accélère subitement. Les institutions semblent avoir réussi, ne serait-ce que momentanément à aplanir leurs désaccords, et à mettre le gouvernement sur la voie constitutionnelle.

Le président de la république a dépêché une correspondance au président du parlement, l’appelant à soumettre la composition gouvernementale à une plénière de vote de confiance. Parallèlement, Habib Jemli rend public son gouvernement, lors d’une conférence de presse, officialisant une liste déjà fuitée. Reste au bureau parlement de se réunir pour fixer la date de la plénière de vote de confiance.

Les choses semblent rentrer dans l’ordre, mais cela est-il de nature à calmer les critiques, et rassurer les Tunisiens, peuple et élite, sur la gestion de l’étape à venir, et sur les rapports qui prévaudront entre l’exécutif, avec ses deux têtes, et le législatif. Rien n’est moins sûr. 

Les témoignages que nous avons recueillis ce matin avant que le gouvernement ne soit annoncé, en disent long sur l’état d’esprit qui prévaut dans le pays. C’est avec des avocats, qui étaient en train d’analyser ce blocage politique, autour d’un café que nous avons discuté.

« Un non compétent qui va désigner un gouvernement de compétences ». C’est ce qu’a répliqué Abdennaceur Laouini au sujet des raisons qui se cacheraient derrière le tournant et le retard qu’ont pris les concertations.
Selon lui, « les problèmes du pays, et la situation actuelle, exigent un meneur d’équipe, et un leader et non pas un simple fonctionnaire, qui est incapable de trouver un équilibre, et une compatibilité entre le parlement et le gouvernement. Un non compétent ne pourra pas réaliser ce défi… », déplore-t-il.

« Parmi les anecdotes qu’on est en train de vivre, c’est que le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi a fait le choix du gouvernement, et l’a transmis au chef du gouvernement désigné, qui à son tour, a soumis la liste des membres de son gouvernement au président de la république Kais Saied. Ce dernier enverra par la suite une correspondance au président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), qui est aussi Rached Ghannouchi, pour fixer une date de la plénière dédiée au vote de confiance. Le circuit est en lui-même erroné ! », a analysé Laouini.

« Les membres du parti islamiste doivent se décider, s’ils veulent juste passer cette période, satisfaire leurs petits intérêts, ou sauver le pays et résoudre réellement ses problèmes. C’est le manque d’engagement, et d’implication pour l’intérêt de la Tunisie qui a amené au blocage de la situation… »

A ce sujet, Laouini a expliqué également, que « l’art de gouverner, de convaincre et la capacité de rassurer le peuple, n’a rien à voir avec les diplômes, ou le cursus professionnel. Pour lui, Jemli est loin d’être l’homme de la situation !

D’autre part, Gnetnews a croisé un autre avocat, qui était scandalisé par le retard des négociations, et l’image que renvoie le manque communication entre la présidence, et le chef du parlement. Il a reproché au président du parti islamiste, de fuir ses responsabilités.Pour lui, « ce retard résulte de l’échec de toutes les parties concernées par la formation du gouvernement, en premier lieu Rached Ghannouchi, le chef du parti qui a gagné la majorité parlementaire ».

Quant au choix de Habib Jemli pour la primature, il a empiré les choses, déplore-t-il. « C’était un secrétaire d’Etat, voire un inconnu, qui n’a pas mené un parcours de militant, ou encore d’un homme politique engagé. Il s’est trouvé soudainement en train de porter une responsabilité en dessus de ses compétences. D’ailleurs, pour former un gouvernement, il n’a fait qu’approuver des noms déjà choisis par le parti islamiste au pouvoir ».

« Bientôt une commission d’audit va être mise en place au sein du parlement », rappelle-t-il. « Elle fera un suivi détaillé sur la gestion financière des gouvernements depuis 2011. Et cela, demandera d’autres calculs politiques… « .

Retrouvez ci-dessus en vidéo, les témoignages recueillis dans les rues de Tunis.

Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi