Tunisie/ La révolution 9 ans après : Ben Jaâfar, Harouni et Aloui livrent leur analyse

15-01-2020

« La liberté d’expression, la constitution tunisienne, et la mise en place d’un régime parlementaire mixte, figurent parmi les premiers acquis de la révolution tunisienne », a souligné le président du conseil de la Choura du parti islamiste, Abdelkarim Harouni.

C’est lors d’une conférence-débat organisée ce mercredi 15 janvier  par le CSID (Centre d’études Islam et Démocratie), sur « la réalisation et les défis des objectifs  de la révolution dans son 9ème anniversaire », que Harouni a appelé « à l’installation au plus vite de la Cour constitutionnelle ».

Selon lui, « concrétiser les principes de la justice sociale, ne se fait qu’en intégrant les citoyens dans la gouvernance locale ».

 « Il faut activer le code des collectivités locales. Cette révolution a été déclenchée dans les régions intérieures de la Tunisie. C’est à eux qu’on doit la démocratie dont on bénéficie aujourd’hui », a-t-il souligné.

Le président du conseil de Choura s’est, par ailleurs, attardé sur l’échec du gouvernement Jemli.

Il a expliqué que « ce dernier n’a pas obtenu la confiance de l’Assemblée, à cause de l’absence d’un programme clair et d’une vision socio-économique commune, qui réunit la majorité des partis, ayant des représentants au sein du parlement ».

Le gouvernement de 2011 conduit par la  Troïka a été composé avec la concertation de l’UTICA, l’UTAP, l’UGTT, à l’issue du « Conseil national pour le dialogue social ».

 Le dirigeant d’Ennahdha est revenu sur le pacte de Carthage II, créé en 2011 en concertation avec les partis et les syndicats, dans le but de définir les réformes socio-économiques.

 Il a rappelé qu’à cette époque, les parties-prenantes ont approuvé 63 points relatifs aux priorités des réformes dans les secteurs socio-économiques et politiques. En revanche, ils n’ont pas validé  le 64ème point, concernant le maintien ou non de Youssef Chahed en tant que chef de gouvernement.

Selon lui, « les 63 points étaient largement suffisants pour passer à l’action, et travailler selon un programme commun, approuvé par tous. « Actuellement, on a besoin de cet esprit de communion, de solidarité, et d’union nationale. », a-t-il ajouté.

« Si les tiraillements continuent au sein du parlement, les Tunisiens peuvent retirer leur confiance des élus du peuple, en déclenchant un deuxième soulèvement social, voire une seconde révolution. »

Le président de l’assemblée nationale constituante (2011-2014), Mustapha Ben Jaafar, a affirmé, quant à lui,  que « la tiédeur des festivités, ayant marqué ce 9ème anniversaire de la révolution, revient à la non-réalisation des revendications socio-économiques, réclamées par le peuple tunisien le 14 janvier 2011 ».

Ben Jaafar a déploré la situation de la scène politique en Tunisie,  » menée désormais sans morale, ni éthique ».

« La dégradation du discours politique, l’appel à la haine, la non-acceptation de l’autre, et les intérêts personnels, ont entravé la réalisation des objectifs de la révolution, et la transition démocratique. C’est d’ailleurs ce qui différencie les sociétés dynamiques des sociétés figées, l’évolution des mentalités !… », a-t-il analysé.

« Certaines personnes ont profité de la liberté d’expression pour accéder à la scène politique. Et pourtant, ils osent renier la révolution, et appellent encore à l’étouffement des voix des victimes de la dictature de Ben Ali. », a-t-il indiqué.

D’autre part, le porte-parole de la coalition de la dignité, Abdellatif Aloui, a appelé à la rupture totale avec l’ancien régime, afin d’écarter toute possibilité de retour de la dictature. Pour lui, la transition démocratique en Tunisie, est encore fragile. « N’oublions pas l’exemple de l’Egypte », prévient-il.

« Du moment où Mohamed Morsi a commencé à prendre des décisions drastiques, quand il a refusé la dissolution du parlement par l’armée égyptienne, la dictature a repris… », a souligné le porte-parole de la coalition Karama.

Aloui a conclu que « le rythme lent de la révolution, ne correspond pas aux attentes et aux ambitions des Tunisiens. Il faut surtout écarter les figures de proue de l’ancien régime, pour se libérer de la pesanteur du passé… ».

Emna Bhira