Code des libertés individuelles en Tunisie : Pourquoi ça a tourné au fiasco ?

30-01-2020

 « Renforcer le plaidoyer pour l’adoption d’un code des libertés individuelles en Tunisie », telle était la thématique de la conférence-débat tenue ce jeudi, par la Fédération internationale des droits humains (FIDH), en partenariat avec l’association tunisienne de défense des libertés individuelles (ADLI), et l’association tunisienne des femmes démocrates (ATFD).

Une lecture analytique a été livrée sur le non-aboutissement du projet pour l’adoption du code des libertés individuelles en Tunisie, proposé par la COLIBE (la commission des libertés individuelles et l’égalité).

En effet, le 11 octobre 2018, quelques 16 députés appartenant à divers blocs parlementaires, ont proposé un projet de code des libertés individuelles, au bureau de l’assemblée des représentants du peuple, et cela suivant les recommandations de la COLIBE, apparues dans son rapport publié en juin 2018.

 La présidente de l’association Beity, Sana Ben Achour, a expliqué que « ce projet est d’une importance majeure, puisqu’il vise à assurer la liberté de conscience, la liberté de disposer de son corps, en plus des libertés académiques ».

« Ce code propose aussi l’annulation de la peine de mort, de la criminalisation de l’homosexualité, et toutes les formes de discrimination basées sur les tendances sexuelles. Il vise aussi l’amendement des jugements abusifs attentatoires aux libertés individuelles », ajoute-t-elle.  

A cet égard, Ben Achour a indiqué « qu’après la publication du rapport concernant les réformes législatives relatives aux libertés individuelles et l’égalité conformément à la Constitution de 2014 et aux normes internationales des droits de l’homme, la commission a confronté le discours régressif de l’opinion publique et de la part des plus hautes autorités politiques ».

«Le projet a, par ailleurs, subi une campagne de haine, ce qui a l’a disqualifié et en a minimisé la portée, surtout qu’il a été appuyé par un faible nombre de députés durant la période parlementaire 2014-2019″.

Selon l’ancienne présidente de l’ATFD, « il n’a pas été donné suite à ce code, car ces mêmes députés n’ont pas été élus durant les législatives suivantes de 2019»

«  Pourquoi l’adoption d’un code des libertés individuelles est important si ces mêmes droits sont constitutionnalisés et protégés par la loi ? », s’est-elle interrogée.

 « Si l’espace public est un espace de délibération politique et démocratique, l’espace privé ne peut pas être l’espace de la discrimination parce qu’il n’est pas pris en considération par les principes de l’égalité, sous prétexte qu’on lave son linge sale en privé ».

A cette question, l’ancienne présidente de la COLIBE, a souligné qu’il est vrai qu’un certain nombre des libertés individuelles est constitutionnalisé, mais pas toutes.

Elle a expliqué que « quand on parle de libertés, on doit aussi mentionner les sanctions, ce qui n’est pas le cas de la constitution tunisienne. La commission a subi une pression sociale et politique, c’est pour cela que le code n’a pas vu le jour, à cause des préjugés qui ne sont pas fondés sur des arguments solides ».

Bochra Belhaj Hamida a également révélé« qu’il fallait peut-être simplifier à l’opinion publique, en leur rappelant par exemple que le maintien de la veuve dans le domicile conjugale 40 jours après la mort du conjoint, est encore imposée par la loi. Par l’adoption du code des libertés individuelles, plusieurs agissements qui se contredisent avec le droit humain, pourrait être modifiés… »

D’autre part, l’ancienne présidente de la COLIBE a conclu « que le texte du rapport était lacunaire, ambivalent et incomplet. En outre, plusieurs définitions et paradigmes, doivent être clarifiés et vulgarisés pour pouvoir convaincre l’opinion publique… »

Une cinquantaine de représentants de la société civile, experts nationaux et internationaux, députés et décideurs politiques, étaient présents pour proposer une autre approche juridique du projet.

L’évolution du cadre législatif  et réglementaire international en matière de développement et de protection des droits individuels, figure parmi les autres thématiques de réflexion. 

Cette conférence-débat se poursuit jusqu’au vendredi 31 janvier 2020. Quant à la thématique de la deuxième journée, elle concernera « la stratégie à adopter pour activer le code des libertés individuelles ».

Emna Bhira