Reportage à la Hafsia : La friperie, une aubaine pour les petites bourses, et les amateurs de bonnes affaires !

20-11-2020

Une nécessité économique pour certains et une passion pour d’autres., la fripe est devenue un élément incontournable du secteur de textile en Tunisie.

La friperie,  ce sont ces vêtements, chaussures, sacs ou encore linge de maison de seconde main qui sont vendus dans d’énormes marchés dédiés à travers tout le pays, à prix censés être bas, voire raisonnables.

Avec la crise économique et une baisse de plus plus importante du pouvoir d’achat des Tunisiens, les boutiques conventionnels de vêtements neufs ont été désertés par les clients au profit des friperies.

Gnetnews s’est rendu dans un des plus gros marché de fripe du pays. Il s’agit de la Hafsia dans le centre-ville de Tunis.

Malgré les bas prix pratiqués à la « Hafsia », l’affluence des clients a baissé. La crise économique et le Coronavirus n’ont épargné personne. Tous les secteurs sont fragilisés même la fripe. De nos jours, les familles dépensent en priorité pour leurs besoins primordiaux, comme la nourriture, le loyer ou encore le transport. Plus de place dans leurs budgets pour les vêtements qu’ils achètent uniquement par nécessité, ou occasionnellement, à l’occasion de la fête de l’Aid, ou de la rentrée.

C’est ce que nous a confirmés ce vendeur dont la boutique était vide à 11h du matin. Pour lui, c’est difficile de couvrir les charges, sachant qu’il paye en euro sa marchandise importée notamment des pays européens, des Etats-Unis ou encore de l’Angleterre.

Un autre vendeur nous a indiqué que « l’inflation a fait tout basculer».

« Avant, j’arrivais à vider la friperie au bout d’une semaine. Maintenant je peux exposer les mêmes vêtements avec les tarifs les plus bas pendant un mois, et je n’enregistre que quelques centaines de dinars… », ajoute-t-il.

Ce vendeur était nostalgique de sa vie avant la révolution de 2011. Pour lui, avant cette date, il arrivait à profiter de ses revenus, pour vivre aisément. « Avant 2011, un kilo de viande se vendait à 10/11 dinars, maintenant son prix a triplé et personne ne se plaint ».

« Je vivais dignement, et je mangeais convenablement. Depuis dix ans, ce n’est plus le cas. Cette classe politique est responsable de l’inflation, et de la détérioration de notre niveau de vie… », reproche-t-il.

Alors que nous étions dans la friperie de vêtements pour enfant qui propose la pièce à 3 dinars, nous avons demandé à une cliente, mère de deux enfants, si elle vient souvent. A notre question, elle a répondu que ce mois-ci, elle a fait des économies, pour se permettre de venir.

« Je suis une femme au foyer, mon mari travaille au chantier, donc ce genre d’achat ne figure pas parmi mes priorités. Vu que je ne me rends jamais dans les boutiques, le seul choix qu’il me reste est d’acheter de la fripe », nous dit-elle.

Nous rencontrons une jeune maman. Son bébé encore, nouveau-né dans sa poussette l’accompagne. Elle cherche des vêtements pour son enfant. « J’achète quasiment tout ici, surtout pour mon bébé car en magasin c’est beaucoup trop cher », nous dit-elle. Elle explique que dans cet étal dans lequel elle chine, les bodys pour bébé sont seulement à 1dt la pièce tandis qu’en boutique, elle a trouvé un lot de trois pièces à 40 DT.

Ceci n’est pas le cas pour tous les clients de la « Hafsia ». Certains viennent pour faire de bonnes affaires, comme cette jeune fille et sa mère qui ont acheté deux paires de chaussures de marque à des prix imbattables.

« Je viens de m’acheter mes deux boots pour la saison hivernale », nous a indiqué l’une d’elles. « Ils sont d’une marque étrangère trop chère en boutiques. Je les ai négocié pour 100 dinars les deux. Un prix que je ne réussirai jamais à trouver, dans les centres commerciaux. »

Ravie de ses achats, elle nous explique qu’elle était parmi les habituées de la friperie de la Hafisa. « Avec l’augmentation des prix des vêtements dans les boutiques, un pull peut valoir 100 dinars et un manteau peut atteindre les 400 dinars. J’ai donc choisi de venir plus souvent ici. Il faut un peu de patience pour fouiller tous les étals afin de dénicher des habits de qualité, mais quand on trouve, ça vaut quand même la peine de s’y rendre », a-t-elle souligné.

En Tunisie, il existe aujourd’hui environ 150.000 vendeurs de fripe, légaux ou illégaux, répartis dans tout le pays.

Les vêtements arrivent principalement de France, d’Italie, d’Allemagne mais aussi de Canada et des Etats-Unis. Il s’agit pour la plupart d’invendus ou de dons. Chaque année 8000 containers de fripe arrivent aux ports de Tunis, faisant de la Tunisie une des plaques tournantes de ce marché en pleine expansion dans le monde entier.

Avant d’arriver sur les étals des commerçants, ils sont d’abord triés et lavés. Un marché juteux qui a permis même à certaines sociétés tunisiennes de se spécialiser dans le reconditionnement  et l’exportation des vêtements de seconde main, vers l’Asie ou l’Afrique pour le 3ème choix. Pour les produits de très bonne qualité et de marque, ils sont réexportés vers la France notamment, où le vintage est devenu très tendance. Pour le marché local, ce sera le deuxième choix qui sera mis en vente.

Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi