Les Tunisiens en majorité favorables à Saïed, et trouvent des raisons au retard de l’annonce du gouvernement

13-09-2021

Plus d’un mois et demi après les mesures exceptionnelles, la nouvelle équipe gouvernementale tarde à se mettre en place, et le nom de la personnalité devant le diriger, n’est pas encore dévoilée. Kaïs Saïed a déclaré samedi dernier que le nouveau gouvernement allait être annoncé tout prochainement, et que ses membres seront au-dessus de tout reproche.

Ce retard a laissé le champ libre à plusieurs partis politiques d’exercer une pression afin d’accélérer ce processus. Des pressions qui émanent également de certaines parties étrangères, comme le G7, poussant le président de la république à indiquer la direction claire vers laquelle s’achemine le pays.

En attendant, le pays est à arrêt et les échéances, notamment budgétaires, arrivent à grand pas.

 Qu’en pense, de son côté, la rue tunisienne ? A-t-elle toujours confiance dans les décisions prises par le chef de l’Etat ? Est-elle elle-aussi pressée de connaître le nom du prochain chef du gouvernement ?

Gnetnews est allé recueillir les opinions et analyses des Tunisiens sur l’Avenue Habib Bourguiba à Tunis.

En les abordant à ce sujet, certains citoyens ont exprimé leur inquiétude face au retard de la désignation d’un chef de gouvernement, et l’arrêt persistant des travaux de l’assemblée des représentants du peuple (ARP) notamment en cette période de l’année, habituellement consacrée à la préparation du projet du budget et du projet de loi de finance 2022 (PLF 2022). D’autres Tunisiens, au contraire, soutiennent toutes les décisions du président de la République, et souhaitent ne plus voir ressurgir les mêmes parlementaires et partis, dans le paysage politique post 25 juillet.

En analysant les causes derrière ce retard dans la prise de décision, un citoyen a rappelé que Kais Saied a désigné deux personnalités auparavant, à la tête du gouvernement Elyes Fakhfakh et Hichem Mechichi, dont les fonctions ont été vite  entravées par des membres de l’ARP et des partis politiques.

« Après le 25 juillet, Kais Saied est resté dans le cadre de la constitution, en optant pour un gel des travaux de l’ARP et non pas sa dissolution. Maintenant, le président pense à certains amendements constitutionnels, et non à changer la constitution. Il doit aussi prendre son temps pour étudier ses prochains pas avant de dévoiler sa feuille de route, comme le réclament l’UGTT et les partis politiques. Il faudra patienter, d’autant qu’il a promis de révéler le nom du chef du gouvernement, dans les prochains jours. Le peuple tranchera par la suite, et fera savoir son approbation ou son refus », a indique-t-il.

Pour ce jeune Tunisien d’une trentaine d’années, « comme la nature a horreur du vide », cette période de latence, et d’attente d’un éventuel changement dans ce contexte exceptionnel, est prolongée plus qu’il en faut. Pour lui, le président de la République est tombé dans le populisme, en s’appuyant seulement sur le soutien du peuple.

 « Kais Saied a oublié que la Tunisie fait partie d’une communauté internationale, qui reproche l’absence d’un vis-à-vis, d’un gouvernement, ou encore d’un parlement, afin de pouvoir négocier les crédits du FMI, et assurer la continuité des institutions de l’Etat, en arrêt depuis un mois et demi, alors que le pays subit les séquelles des crises économique et sanitaire ».

Concernant la personnalité adéquate pour diriger le futur gouvernement, ce jeune homme a cité Mohamed Ghannouchi, le premier ministre à l’époque de Ben Ali.

«  Pourquoi pas un homme de l’ancien régime de Ben Ali pour occuper ce poste. Après tout, sous l’ancien régime, les personnalités qui ont dirigé le pays ont su redorer l’image de la Tunisie à l’étranger grâce à  des rapports diplomatiques respectables », recommande-t-il, nostalgique.

Pour un autre citoyen, les bailleurs de fonds ont refusé, à plusieurs reprise, d’octroyer à la Tunisie des crédits. « Même avec le gouvernement de Mechichi, le FMI a exigé  des réformes à même de réduire le déficit budgétaire, pour pouvoir donner son accord sur un éventuel crédit », rappelle-t-il.

 « La suspension de l’ARP, et le retard de la préparation du PLF 2022, ne vont pas retarder les négociations encore plus, puisqu’elles étaient en arrêt même en ayant un gouvernement. En revanche, Kais Saied doit tenir compte du facteur temps, pour que la Tunisie puisse regagner la confiance de la communauté internationale, en tant que pays souverain, démocratique et politiquement stable ».

Nous avons aussi interrogé les citoyens sur la déclaration du porte-parole de la présidence de la république, dans laquelle il n’a pas écarté l’intention du chef de l’Etat de suspendre la constitution, et de  mettre en place un régime présidentiel au lieu du régime mixte actuel, mi- parlementaire mi- présidentiel.

La plupart ont encouragé le non-retour du parlement, accusant la classe politique de corruption, magouille et détournement de fonds publics.

D’après un quadragénaire que nous avons rencontré près de Bab Bhar, la Tunisie a vécu 10 ans de vide politique, et a subi les conséquences d’une mauvaise gestion du pays. « C’est pour ça qu’il faut donner le temps au président de la République, pour qu’il puisse choisir minutieusement un chef de gouvernement qui soit à la hauteur des attentes des Tunisiens ». L’important pour lui, est de ne plus reculer devant le combat que Kais Saied a entamé contre la corruption.

« La formation d’un gouvernement se fera le jour où le président trouvera la bonne personne. L’éventualité d’opter pour un référendum ou des élections législatives anticipées, sont les bienvenues tant qu’il n’y a pas retour des représentants du peuple », exige-t-il.

Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi