Tunisie/ Les divorces en hausse : Un projet de loi en préparation pour faire prévaloir le compromis à la séparation

28-09-2021

Le taux des familles monoparentales en Tunisie s’élève désormais à 15%. Il s’agit d’une conséquence de la perpétuelle hausse des cas de divorce, de violence au sein de la famille, de l’immigration illégale, qui menacent de plus en plus l’équilibre de la société et l’institution familiale en général, notamment dans ce contexte de crises sanitaire et économique persistantes. 

Afin de faire face à ce phénomène, un comité national a été créé, qui comprend des représentants des ministères de la justice, de l’intérieur, des affaires sociales, de la femme, de la famille et des personnes âgées, et a été chargé de préparer un projet de loi sur la médiation familiale.

C’est ce qu’a souligné la ministre de la femme, de la famille et des séniors, Imen Zahouani Houimel, lors d’un atelier de réflexion organisée ce mardi 28 septembre par le département au sujet du « Rôle du conseil et de la médiation familiale dans la promotion de la famille et le soutien de sa stabilité », tenu à l’Institut supérieur des cadres de l’enfance.

La directrice des affaires de la famille au ministère de la femme, Malika Bejaoui Ouerghi, a évoqué, à cette occasion, les causes derrière la hausse du taux de divorce. « Les tensions conjugales touchent beaucoup plus les familles dont les besoins financiers, sociaux et sanitaires sont plus importants ».

De nombreuses transformations sociales ont entrainé l’augmentation du taux de divorce. «  23.5% des séniors sont pris en charge par un membre de la famille. 13.4% des plus âgés ne bénéficient pas d’une couverture sociale. 37.2% des personnes souffrantes d’handicap  sont confrontées à des difficultés quotidiennes, ce qui pose plus de défis à leurs familles pour subvenir à leurs besoins. A cause du taux de chômage élevé, l’âge du mariage est retardé pour les hommes à 34 ans et les femmes à 30 ans… ».

Ces changements sociaux, sont souvent source de querelles, pour les parents. Il était donc impératif pour le ministère de la femme de proposer un projet de loi sur la médiation familiale, qui permet de régler les différends familiaux sans recours à la justice, mais en privilégiant le compromis pour éviter le divorce.

A ce sujet, le professeur en sociologie, Slaheddine Ben Fraj, a rappelé qu’il s’agit d’une méthode utilisée dans la société tunisienne avant même l’indépendance,  hors du cadre judiciaire.

« Les sages de la famille, ou encore le patriarche, jouaient autrefois le rôle de médiateurs entre les mariés pour imposer des solutions qui assurent l’unité de la famille ou de la stabilité tribale, et cela, même au détriment des intérêts du couple, et de la femme en particulier. Après l’indépendance, avec la mise en place du Code du statut personnel (CSP), les bases de la société patriarcale ont été remises en question en consacrant plus d’importance aux droits individuels. La justice assure désormais ces interventions de réconciliation avant le recours au divorce. Mais, dans la plupart des cas, ce sont toujours des proches qui jouent ce rôle de conciliateurs en cas de conflit, afin d’éviter une éventuelle désunion de la famille et un passage aux tribunaux ».

En revanche, une intervention d’urgence d’un médiateur familial est un trilogue qui s’inscrit dans le cadre judiciaire, a précisé le sociologue.

« D’autres techniques y sont utilisées qui n’infligent aucune injustice à l’une des parties. Elles concernent les relations civiles, et ont pour but de résoudre les problèmes familiaux en général, en vue d’aboutir à un accord basé sur le principe du compromis. En traitant les problèmes conjugaux en particulier, le médiateur familial aura pour mission de faire cesser toute forme de violence, et d’hostilité susceptible d’exposer l’autre au danger. L’objectif étant de protéger l’institution familiale, en instaurant une gestion participative  dans une situation post divorce, maintenant ainsi les liens familiaux et l’intérêt des enfants».

La médiation est un outil de réconciliation à double tranchant, a renchéri Najet Ben Salah, procureur général et conseillère du ministre de la justice

 « Le juge de la famille impose impérativement aux couples souhaitant divorcer 3 sessions de réconciliation. Mais, dans une société conservatrice et conventionnelle, les juges cherchent souvent à réunir les familles même en cas de dégâts irrémédiables causés par l’époux. Ils préfèrent mener les couples à la « déjudiciarisation » du divorce, afin de chercher d’autres accords hors des circuits judiciaires ».

La culture patriarcale ancrée dans notre société fait barrage notamment aux femmes et dissuade l’application tranchante de la loi dans les cas les plus extrêmes. Le rôle de la médiation familiale, ne doit pas non plus sacrifier l’individu pour maintenir la stabilité du groupe, de la famille et de la société, a-t-elle conclu.

 Emna Bhira

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Sa ma

Il y a des cas de divorce impératifs sans remediation et ceci imposé par la vie non pas par choix du couplé.