Des poissons mordeurs sur les côtes tunisiennes, les baigneurs en ont fait les frais (Explication d’un expert)

24-08-2022

Après les vagues de chaleur à répétition cet été, voilà que le réchauffement climatique serait à l’origine de nouveaux dégâts : l’augmentation de la température de l’eau de mer de 6°C à 7°C. Résultat, la diminution de la quantité d’oxygène conditionnant la vie des poissons, qui commencent à changer de comportement, voire à être agressifs envers les nageurs. Ces derniers mordillent la peau des pieds ou s’en nourrissent quand les nageurs restent longtemps immobiles dans l’eau…Plusieurs vacanciers, dans la plupart des côtes tunisiennes, ont dénoncé ce phénomène sur les réseaux sociaux.

Pourtant ces mordillements de petits poissons ne sont pas nouveaux dans les eaux au large des côtes tunisiennes. Le nombre de morsures semble, cependant, s’accroître, les posts sur les réseaux sociaux et des informations relatant de tels incidents n’ont cessé d’augmenter cet été, rapporte  Sami Mheni. Ingénieur en sciences de la mer et président fondateur de Houtiyat, une association d’étude et de recherche sur les poissons, il répond aux questions de Gnetnews.

Des petits poissons mordeurs sur les côtes des plages tunisiennes

Les principaux coupables de cet inconfort des baigneurs sont des poissons appelés Sar, explique l’expert. Cette espèce est désormais de plus en plus agressive. Et pour cause, les températures ambiantes de la mer, symptôme du bouleversement de l’environnement marin, qui a perturbé tous leurs processus fondamentaux, comme la reproduction, la croissance, la maturation, et la migration.

Sami Mheni a souligné que le Sar, ce poisson méditerranéen de 10 à 15 cm de longueur, qui n’attaquait pas avant les gens, a développé une réaction agressive, vu qu’il est perturbé dans son habitat naturel.

« Avec le surpeuplement des plages durant l’été, les bruits,  la pollution de l’eau, l’appauvrissement des ressources maritimes,  la surexploitation de la pêche, et la navigation offshore massive au niveau du bassin méditerranéen, cette espèce se sent de plus en plus stressée dans son environnement. En France aussi, un autre poisson mordeur «la Baliste », est apparu. Suite à la hausse des températures de la mer, atteignant les 31°C au bord de la plage, ce poisson de plus en plus agressif a blessé  les nageurs avec son bec, équipé de 14 dents en haut et 8 en bas et d’une taille moyenne de 44cm.  Il s’agit finalement d’un phénomène qui n’est pas propre à la Tunisie », nous confirme l’expert en sciences de la mer.

Tropicalisation de la mer méditerranée

Le changement du comportement des poissons n’est pas l’unique effet du réchauffement climatique. La perturbation de l’écosystème marin a augmenté le taux de mortalité des invertébrés et des mollusques, ce qui a causé l’apparition, la migration et puis l’installation d’espèces exotiques dans la mer méditerranée.

« On parle de la tropicalisation de la mer méditerranée. Le problème c’est que certaines espèces ayant migré dans nos plages, sont extrêmement dangereuses, comme le poisson lapin », a averti l’expert.

Poisson Lapin

Selon lui, ce poisson vorace traqué en Tunisie et à l’Est de la méditerranée, notamment en Egypte, Syrie et le Liban, est un herbivore qui mange tous les algues sur son passage. Il laisse les roches sans aucune ressource pour les autres espèces. « Ce poisson est aussi venimeux et ne doit pas être péché, pourtant les autorités l’ont repéré en 2019 dans les étals d’un marché de Sfax. Le département de la pêche maritime a émis des consignes dans ce sens, pour ne plus acheter ce poisson dangereux en provenance de Libye, et a interdit sa pêche. Les autorités ont même ordonné de tuer le poisson lapin tropical, une fois péché, car il menace les autres espèces… ».

Parmi les autres effets de la tropicalisation de l’eau, il y a eu l’apparition du poisson lion, ayant des épines dorsales très venimeuses. « Cette espèce exotique, est consommable une fois ses épines sont coupées, sinon elles pourraient délivrer de fortes toxines suite à des piqures très douloureuses, qui peuvent même causer la paralysie, des malaises respiratoires ou encore le décès », a expliqué le fondateur de l’association Houtiyat.

Poisson lion

                                                                                                                                 Emna Bhira