Etude sur les aides ménagères dans le Grand Tunis : un vécu douloureux et des espoirs !

29-06-2020

Leurs tâches sont multiples et pénibles. Leurs effort et apport ne sont pas reconnus ni par les employeurs, ni par la société en général. Les aide-ménagères  demeurent ainsi des travailleuses qui exercent leur métier dans la précarité. S’y ajoute, le fait qu’elles travaillent dans des espaces fermés, dans lesquels elles sont exposées à toute sorte d’agressions physiques et morales, sans la moindre protection par la loi.

L’association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), a organisé à cet égard, une conférence visant à mettre en place une stratégie de plaidoyer pour amender les lois régissant le secteur des travailleuses domestiques, afin de ratifier la convention internationale n°189 de l’organisation internationale du travail (OIT), concernant le travail décent des aides ménagères à domicile.

Les domestiques : entre l’invisibilité sociale  et la stigmatisation de la  la loi

« Les  domestiques dans le Grand Tunis : conditions de travail, réalité des violations, et les défis du travail décent », tel était le titre de l’étude qui confirme ce constat.

Réalisée par l’expert en sociologie Zouheir Ben Jannet sur un échantillon de 100 femmes, cette étude a montré que 11% de ces aides ménagères ont moins de 20 ans, 10% ont plus de 60 ans, et la majorité appartiennent à une tranche d’âge de 21 à 60 ans.

35% de cet échantillon ne savent ni écrire ni lire, 31% ont fréquenté l’école primaire, 30% ont fait des études secondaires, et 4% sont ont fait de hautes études.

La majorité de ces femmes sont mariées à des travailleurs journaliers ou encore à des chômeurs,  et ont deux enfants dans la plupart des cas….Et, 33% d’elles sont des célibataires.

Sur un échantillon de 100 femmes, 19 habitent à Cité Ettadhamen, un des plus pauvres quartiers de la capitale, 7 à la cité d’Ezzayatine, 7 à Douar Hicher, 5 d’El Ouardia et les autres sont dispersés sur différents quartiers du Grand-Tunis.

L’étude a aussi montré que, dans la plupart des cas (42), ces femmes ont commencé tôt à exercer « volontairement » leur métier vers l’âge de 8-12 ans, ce qui est en contradiction avec la loi n° 2005-32, du 4 avril 2005, relative à la situation des employés de maison, stipulant que le plus bas âge des enfants travailleurs est limité à 16 ans.

Elles exercent ce métier à un âge précoce, car dans généralement le père est impliqué, et ne veut pas prendre en charge sa fille et préfère mieux l’exploiter économiquement. Ces conditions sont favorables aussi pour les employeurs, qui souhaitent recruter des enfants plus aptes à être éduquée de nouveau…Pour les plus âgées, ces travailleuses choisissent d’adhérer au secteur, car selon leurs convictions, elles sont mieux payées par rapport aux ouvrières des industries. Pourtant ces dernières, bénéficient de protection sociale.

« Arrêter ce métier, c’est mon rêve ultime en ce moment » (Nadia)

Nadia 40 ans, mariée à un chômeur de 53 ans depuis 12 ans, mère de deux enfants de 10 et 9 ans, prend la charge de toute sa famille, y compris sa belle-mère qui les loge dans sa maison.

 « Depuis notre mariage, mon mari a travaillé 2 mois uniquement. Et, durant toutes ces années, il compte sur moi pour lui donner son argent de poche, et pour nourrir toute la famille, et payer l’école et la garderie…En parlant de son quotidien Nadia nous a indiqué qu’elle commence sa journée à 6h du matin, prépare le petit déjeuner pour ses enfants, les dépose à l’école et puis prend la route pour aller au boulot. En fin de journée, certains employeurs lui donnent 20 dinars, d’autres la payent 50 dinars. Tout dépend de la générosité de la personne. Son rêve dans la vie, est d’arrêter ce métier, et de faire autre chose. « Je suis fatiguée physiquement, j’en peux plus avec ce métier qui me consume… »

Une autre aide domestique est venue témoigner de son expérience professionnelle dans ce secteur. « Avant de travailler en tant que femme de ménage, j’ai travaillé 24 ans dans une garderie durant 24 ans, sans aucune protection sociale. Je me suis donc dirigée vers un métier informel également,  mais avec lequel je pourrais nourrir ma famille. Ce travail est épuisant confirme-t-elle. Non seulement on range les maisons et on nettoie. Mais aussi, certains employés nous donne à faire le jardinage, et à nettoyer leurs voitures… » « En exerçant ce métier, on utilise aussi des détergents nocifs pour le système respiratoire. Ma peau souffre d’allergies et de réactions cutanées graves. Et, mes mains sont usées par ces produits…Je n’ai même pas un carnet de santé pour me soigner ! »

Des formations de sensibilisation dédiées aux aides ménagères

En effet, l’ATFD  a organisé des formations de sensibilisation sur les droits des aides ménagères, dédiées aux travailleuses dans ce domaine en partenariat avec l’union générale tunisienne de travail (UGTT). Les ateliers visent à conscientiser les femmes par leurs droits, et les coacher pour mieux se protéger physiquement en exerçant leur travail..

A ce sujet, Zoubeida Rakib de l’UGTT, a expliqué que l’union vise à créer un syndicat  pour organiser le secteur, et le structurer, en fournissant aux employées une couverture sociale et de santé, une assurance vie, un revenu décent, des heures de travail précises, des congés hebdomadaires et annuels, et des congés de maternité.

Pour arriver à ces fins, Raoudha Laabidi présidente de l’instance nationale de lutte contre la traite des personnes, a souligné qu’il faut activer l’article 40, sur le droit de tout citoyen et citoyenne au travail décent.

Elle a également appelé à la suppression de toutes les dispositions relatives à l’emploi des enfants, comme le stipule l’article 20, relatif à la lutte contre toute forme de violence envers les femmes…

Emna Bhira