Le déconfinement doit être progressif et bien préparé (Dr Abdelmoumen)

15-04-2020

« Le déconfinement doit être très progressif et surtout bien préparé médiatiquement. L’Etat est appelé à mettre en place une stratégie médiatique de sensibilisation pour éviter le déclenchement d’une deuxième vague de la pandémie, même si cela peut prendre un mois ou un mois et demi supplémentaires de préparation. Avec la moindre cassure de la courbe ou tout recul, on peut tout perdre, et pour le moral ça sera dramatique Â».

C’est ce qu’a déclaré Dr. Samir Abdelmoumen, médecin major au SAMU et membre du comité national de lutte contre le coronavirus, lors d’un Webinar d’update sur la situation épidémique en l’état actuel, organisé hier mardi 14 avril, par l’association tunisienne des grandes écoles (ATUGE).

« Cette déclaration que j’ai faite sur ma page Facebook hier, a fait une tôlée sur les réseaux sociaux. C’est comme si je mettais de la pression sur le gouvernement, alors que ce n’était pas du tout mon objectif », a-t-il ajouté. « Actuellement la Tunisie n’a pas assez de masques de protection pour tout le monde. Il faut faire les choses calmement, dans la sagesse pour ne rien perdre. C’est un avis personnel qui n’engage que ma personne », tient-il à préciser.

Dr. Abdelmoumen a ajouté que le chef du gouvernement Elyes Fakhfakh, ainsi que le ministre de la santé Abdellatif Mekki sont en contact quasi quotidien avec le SAMU, pour faire le suivi du bon déroulement de la prise en charge des personnes potentiellement atteintes du Coronavirus.

La pandémie risque d’aggraver les autres pathologies

D’autre part, Dr. Hamida Maghraoui chef du département d’urgence à l’hôpital de Rabta et conférencière en médecine d’urgence à l’Université médicale de Tunis, a souligné que la pandémie risque d’aggraver la situation des malades chroniques.

Les hôpitaux  reçoivent tardivement les malades chroniques présentant des pathologies lourdes, a-t-elle dit. « Il est vrai qu’il existe moins de cas de traumatologies, car les accidents de la route sont en baisse. Mais on ne voit plus venir les diabétiques par exemple, les cardiaques, les cancéreux ou encore ceux qui souffrent d’infections respiratoires ».

 Ces patients « non Covid » consultent tardivement, car ils ont peur de quitter leur domicile, ainsi qu’ils ne peuvent plus se déplacer à cause des restrictions de circulation. Les patients demeurent chez eux tout en ayant des complications.

« Ces malades chroniques doivent savoir que les structures de santé publique ont installé des circuits séparés avec des accès différents pour limiter l’exposition : un circuit covid+ et un autre pour les autres urgences. Les patients chroniques sont appelés à consulter en cas de besoin et à se rendre chez leurs médecins traitant, pour une prise en charge adéquate ».

D’autre part, le chef du département d’urgence à l’hôpital de Rabta a souligné qu’il n’y a aucun hôpital public dans lequel on pourrait mettre d’emblée un circuit Covid. « Chaque établissement a dû sacrifier une partie de son activité habituelle, voire tout un service pour pouvoir gérer ses cas Covid. La société civile a contribué également par fournir des équipements de protection individuelle (EPI) pour protéger les soignants. Des dons ont été, par ailleurs, reçus pour équiper différentes structures.

« La bureaucratie en Tunisie fait que ces procédures administratives sont trop longues d’habitude. Maintenant le déploiement des dons a été fait dans des un temps record. », ajoute-t-elle, en rappelant que le ministère de la Santé a renforcé la capacité des hôpitaux grâce à la cagnotte 1818 et d’autres donations spontanées venant des particuliers à titre gracieux.

Dr.Emna Fourati, responsable du club de santé d’ATUGE, radiologue à l’hôpital français Quesnay Mantes la jolie a, quant à elle, appelé les personnes présentant des symptômes du coronavirus, à ne pas aller directement aux centres de radiologie pour effectuer un diagnostic.

 Il faut que le malade appelle son médecin traitant, ou qu’il aille directement aux urgences pour que les soignants appliquent les procédures spécifiques du tri : dépistage PCR et puis si obligation, le radiologue recommande un scanner ou une radio pour examiner l’état des poumons.

« Certaines personnes ont été testées négatives au Coronavirus, alors qu’elles souffraient de dyspnée, ou encore le scanner a montré une embolie pulmonaire ou une pneumonie, ce qui peut fausser la lecture des symptômes… ».

Dr. Fourati a précisé également qu’il n’y a pas de règles par rapport aux symptômes du virus qui ne sont pas encore cernés. « Dernièrement, nous avons reçu à l’hôpital français Quesnay Mantes la jolie,  un malade qui souffrait de douleurs abdominales. Quand on lui a effectué un scanner, il s’est avéré qu’il avait des lésions en bas des poumons qui lui provoquaient ces malaises au ventre. Un autre patient a souffert d’une méningite avant d’être testé positif. Ce virus n’a pas de règle, il peut attaquer n’importe quel organe… ».

Emna Bhira