Siliana/ Épidémie : Débordé, le personnel soignant se bat avec peu de moyens !

Siliana est un des gouvernorats sinistrés par la pandémie du Covid-19 en Tunisie. Dans cette partie du pays qui compte 227 000 habitants, vivant en majorité dans les zones rurales, le coronavirus a durement frappé toutes les tranches d’âge.
Face à un taux de positivité de 41.8% et quelques 10 773 cas positifs selon les chiffres publiés par la direction régionale de la santé le 11 juillet 2021, un confinement général a été décrété depuis 20 juin dernier par le commission régionale de lutte contre les catastrophes.
Les médecins arrivent jusqu’à maintenant, à gérer leur patients covid, avec les moyens de bord mais, craignent tout de même une situation incontrôlable dans les prochains jours.
« Une situation inquiétante » selon Dr.Nasr, réanimateur au circuit covid à l’hôpital régional de Siliana.
« Je vous parle alors que déjà j’ai entre les bras une patiente covid+ », nous indique-t-il. Quelques heures plus tard en le rappelant vers 18h, il nous a répondu qu’il était encore débordé par la préparation des lits d’oxygène pour les patients transférés de l’hôpital local d’El Fahs (Zaghouan). « C’est la catastrophe à Zaghouan », déplore-t-il, , sachant que déjà les 8 lits de réanimation de l’hôpital régional de Siliana sont à 100% occupés ainsi que 26 lits d’oxygène parmi 44 lits, sont déjà pris par des patients en détresse respiratoire.
Nous avons aussi contacté Dr.Emna Mhamdi, médecin généraliste travaillant au circuit covid de l’hôpital de circonscription d’El Krib, ou parmi les 15 lits d’oxygène, 10 sont occupés.
D’après Dr. Mhamdi la situation a basculé depuis l’Aïd dernier, et après l’ouverture des frontières sans l’obligation d’un confinement pour les voyageurs venus de l’étranger.
» Depuis ce temps, en moyenne une trentaine de patients positifs débarquent quotidiennement à l’hôpital, dont les tranches d’âge témoignent d’un rajeunissement par rapport aux mois de mars et avril durant lesquels les malades avaient en majorité entre 60 et 65 ans, souffrant de comorbidité ».
« Actuellement, l’âge médian des consultants a baissé. Les cas positifs sont la plupart infectés par le variant britannique. Quant aux personnes soupçonnées d’avoir contracté le variant delta, on leur fait tout de suite un séquençage génomique du virus pour pouvoir leur fournir le traitement adéquat, car, contrairement aux idées reçues, il n’y a pas d’ordonnance type pour soigner le virus. Chacun est traité selon son cas spécifique, ainsi que les malades delta sont ceux qui demandent le plus de surveillance et de vigilance, puisque ce variant attaque directement les poumons…».
Concernant les symptômes les plus fréquents des malades reçus, Dr.Mhamdi nous a expliqué qu’ils se résument en un état grippal, fièvre, fatigue, diarrhée, céphalée… « Ceux qui ne présentent pas de détresse respiratoire sont renvoyés chez eux avec un traitement à domicile et isolation. Nous ne retenons que les cas sévères, afin de pouvoir économiser les lits et les garantir pour les personnes au besoin respiratoire urgent », nous précise-t-elle.
Manque de moyens et de médicaments
Dans cet hôpital de la circonscription d’El Krib, cette ville qui compte 1112 cas positifs, avec une moyenne de 5533 cas par 100 000 habitants d’après la direction régionale de la santé, il existe seulement 7 bouteilles d’oxygène de 30 litres qui ne peuvent satisfaire les besoins des patients que durant 6 heures.
La citerne d’oxygène qui alimente ces 7 bouteilles, s’épuise à chaque fois. « Pour remplir la citerne, il faut qu’un agent se déplace au Kef, Teboursek, Testour, ou encore dans un hôpital de proximité. Entre-temps, les malades patientent et attendent la reprise de la respiration artificielle », souligne Dr.Mhamdi.
Vu la précarité des conditions sanitaires, cet hôpital de circonscription a appelé à l’aide le ministère de la Santé pour lui fournir un concentrateur de capacité de 10 litres au moins pour ne plus avoir à interrompre le traitement des malades.
Face à la pression que subit le personnel médical composé de 5 médecins dans cet hôpital, un seul infirmer gère les malades dans le circuit covid. Une autre infirmière a été placée en soins intensifs suite à sa contamination par le coronavirus, nous a confirmé le médecin.
« Nous vivons un burnout continue depuis l’année dernière, sans pour autant bénéficier de congé ou de repos. Sans parler aussi du manque des médicaments, l’inexistence des ouvriers et d’un brancardier, le manque des femmes de ménage notamment durant cette période où l’hygiène est exigée… », déplore-t-elle.
40 lits d’oxygène supplémentaires
Gnetnews a aussi contacté le directeur de la santé préventive à Siliana, Dr.Hsan Manai qui nous a rassuré que la direction régionale de la santé est en train de faire des efforts pour atténuer la pression sur les hôpitaux de Siliana.
« Un total de 45 lits ont été introduits à l’hôpital régional de Siliana, dans une salle pas encore exploitée, et cela comme prévision pour soutenir les régions de proximité et pour faire face à un éventuel pic pandémique », nous annonce-t-il.
D’après Dr. Hsan Manai, un hôpital de campagne est en cours de construction en ce moment.
Il dispose d’une quarantaine de lits d’oxygène avec scope. Les devis pour l’air liquide, l’oxygène ainsi que pour le sol spécifique sont déjà envoyés à la Kasbah et au ministère de la Santé pour approbation. Sinon, nous avons aussi fait appel au recrutement par contrat, de 28 infirmiers, 15 aides-soignantes, 5 médecins et 8 ouvriers pour pouvoir gérer cet hôpital de campagne. S’y ajoute le soutien de l’Union Européenne dans le cadre du programme « الصحة عزيزة », qui va fournir 20 ambulances supplémentaires, qui seront distribuées sur les 10 circonscriptions de Siliana.
Concernant la campagne de vaccination, le directeur de la santé préventive nous a révélé que plusieurs centres de vaccination ont été déjà implantés à Rouhia et Gaâfour, et même à la zone rurale de Hbebsa à raison de 2 fois par semaine pour vacciner les inscrits et les non inscrits sur EVAX, de plus 50 ans.
Commentant le respect des mesures restrictives liées au confinement sanitaire général décrété dans la région, Dr. Hsan Manai a indiqué que les autorités sont en train de surveiller les dépassements notamment dans les cas des regroupements dans les mariages. « Les cafés sont fermés et les marchés hebdomadaires sont suspendus, malgré cela, instaurer la discipline des citoyens reste notre plus grand défi…», conclut-il.
Emna Bhira