Tunisie : La complexité juridique, une entrave pour la décentralisation dans sept gouvernorats

06-03-2020

 « Plusieurs défis sont à surmonter afin d’instaurer une décentralisation efficiente en Tunisie », a fait savoir l’expert Zoubeir Dali de l’ONG Democracy Reporting International (DRI) lors d’une rencontre d’évaluation des ateliers de sensibilisation sur le nouveau cadre juridique de la décentralisation et les défis de la déconcentration, qui a été tenu ce vendredi à Tunis.

En effet, suite aux ateliers de sensibilisation qui ont été organisés dans sept gouvernorats du nord-ouest et du centre ouest du pays (Kef, Béja, Jendouba, Seliana, Kasserine, Kairouan, Sidi Bouzid), entre le mois d’avril 2019 et décembre 2019, par la coopération tuniso-allemande (GIZ) et la (DRI), il a été constaté que la complication du cadre juridique du code des collectivités locales, figure parmi les premières entraves pour la décentralisation.

« En effet, la loi organique n°2018-29 du 9 mai 2018, relative au code des collectivités locales, propose un modèle standard pour toutes les municipalités en ce qui concerne la gestion des communes. Pourtant, toutes les régions ne sont pas égales en nombre du personnel, et de compétences », a expliqué Zoubeir Dali.

« D’autre part, la majorité des régions dans lesquelles, nous avons tenu les sept ateliers, sont rurales.  Plusieurs petites populations sont liées à une même municipalité alors qu’elles proviennent de zones ou districts différents. Il y a aussi la question de l’égalité d’accès aux services publics comparé aux villes. Le fait que les habitants des zones les plus reculés sont contraints d’utiliser le transport public pour se rendre aux administrations qui se trouvent généralement aux centres des villes coute cher pour ces populations vulnérables. Ceci ne fait qu’amplifier leur stigmatisation…. », relate-t-il.

L’expert a recommandé également d’assurer un accompagnement continu  au sein des administrations locales et régionales ainsi que pour la société civile, afin de renforcer les capacités dans toutes les régions de la Tunisie. A ce sujet, il a souligné que «  les ateliers ne suffisent pas pour sensibiliser la population par les principes de la décentralisation, et de la déconcentration qui sont deux processus imbriqués ».

Le représentant de la fédération nationale des villes tunisiennes, a révélé également que « la majorité des participants dans ces ateliers étaient des hommes (74%).  « Ils ont demandé de leur accorder plus de temps pour bien assimiler les concepts de la décentralisation et de la déconcentration et leur mode de fonctionnement. 80% des participants ont demandé plus de clarification sur le rôle des commissions municipales et les prérogatives des municipalités ».

Par ailleurs, Aida Tarhouni la responsable de l’unité de soutien de la décentralisation à la coopération allemande pour le développement (GIZ), a tenu à expliquer la différence qui existe entre les deux concepts décentralisation-déconcentration.

« La décentralisation s’analyse comme étant le transfert de certaines compétences de l’Etat vers des exécutifs élus locaux, responsable devant leurs électeurs. Il s’agit d’un transfert du pouvoir. Alors que le concept de la déconcentration se traduit par le transfert de certaines attributions administratives du pouvoir central au plan local, au bénéfice d’un agent de l’Etat, responsable devant sa hiérarchie (un déplacement géographique de l’Etat) ».

Sur les avantages de la décentralisation, elle a souligné que « c’est un moyen efficace pour réaliser des résultats de développement et fournir des services publics meilleurs…La décentralisation instaure un nouveau type de rapports entre l’Etat et les collectivités locales et un nouveau mode de gouvernance du développement. Elle produit l’émergence de deux types d’exécutifs, l’un jouissant d’une légitimité électorale et l’autre investi de la légitimité de l’Etat ».

« D’ailleurs, la fonction du gouverneur doit également être adaptée aux nouvelles exigences de la déconcentration ainsi qu’aux nouvelles orientations inscrites dans la constitution en matière de décentralisation afin de faire du gouverneur le seul signataire au nom de l’Etat au niveau régional en ce qui concerne les conventions avec les administrations ou autre…», conclut-elle.

Emna Bhira