Tunisie : L’annonce de Mechichi accueillie avec scepticisme par des docteurs au chômage (Reportage)

22-02-2021

L’annonce de Hichem Mechichi explicitée par sa ministre de l’Enseignement supérieur, sur le recrutement de 2400 docteurs, a certes mis du baume au cœur, à ces diplômés, dont une majorité sont des chômeurs de longue durée. Ces compétences qui constituent la fine fleur de  la jeunesse tunisienne, restent, néanmoins, sceptiques. Ereintés au sortir d’un long sit-in, ils n’ont pas manqué d’exprimer des réserves  sur les intentions du gouvernement. Gnetnews a recueilli leurs opinions.

« Ce n’est que de la poudre aux yeux »

 Samia.G, docteur au chômage depuis 3 ans, considère les solutions proposées comme étant de la poudre aux yeux. « Sachant que le nombre des disciplines en doctorat s’élève à 360, avec un simple calcul mental, ils ne seront capables de recruter que 2 personnes par spécialité, chaque année», nous informe-t-il.  

« Il y a quelques années, le MES a imposé aux universités privées, de consacrer 30% des postes des enseignants aux docteurs. Ces dispositions n’ont pas été appliquées pour améliorer notre situation, bien au contraire, plusieurs d’entre  nous ont été exploités par les établissement privés, sans être payés dans la plupart des cas… », nous révèle-t-elle.

D’autre part, la coordination nationale des docteurs au chômage a révélé qu’elle a plusieurs réserves par rapport aux décisions annoncées.

Selon Manel Selmi porte-parole de la coordination, l’ouverture des postes ne sera plausible, qu’à une condition ; « plus de transparence sur les choix et démarches des commissions nationales de recrutement au sein du ministère de l’enseignement supérieur ». La coordination a bien peur aussi, que ces recrutements ne seront que des promotions des professeurs déjà recrutés.

D’autre part, Manel Selmi a indiqué qu’il existe plusieurs services dans lesquelles les docteurs peuvent apporter leur savoir-faire et compétences. « Des chercheurs en biologie peuvent être recrutés au service de la biodiversité et du développement du patrimoine génétique, au sein du ministère de l’environnement. D’autres biologistes peuvent renforcer les équipes de chercheurs de l’Agence nationale de la gestion des déchets, propose-t-elle. Le ministère de la justice dispose d’une direction générale des affaires juridiques et des études, qui peut intéresser nos collègues spécialistes en droit. Le ministère des affaires culturelles dispose d’un bureau d’études, de planification et des programmations, où les diplômés en arts et culture peuvent être intégrés…Les opportunités pour les docteurs existent aussi dans le ministère de l’économie et des finances,  au sein des directions des études et analyses économiques…. ».

« Les postes ne manquent pas pour ces jeunes chômeurs ayant le plus haut diplôme de l’Etat. C’est le manque de volonté de la part des dirigeants qui a envenimé la situation… », a déploré le porte-parole de la coordination.

Un plan de recrutement sur trois ans

Hichem Mechich avait tenté de calmer la colère des docteurs, en tenant de répondre à leur principale revendication : l’embauche. Son annonce vendredi 12 février, sur le recrutement de 2400 docteurs, a poussé les docteurs d’arrêter leur mouvement contestataire, entamé en juin dernier.

La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique Olfa Ben Ouda, était revenu après sur ce plan de recrutement qui s’étalera sur 3 ans à partir de l’année universitaire prochaine, avec une moyenne de 800 recrutements par an, a-t-elle expliqué. .

« Selon la loi de finance 2021, il existe également des postes à pourvoir dans des différents services au sein des entreprises nationales, ministères, et établissements publics de différents secteurs économiques. Afin de concrétiser les promesses annoncées par le chef du gouvernement, nous avons fait appel à toutes les parties prenantes dans le but d’étudier le nombre des postes vacants », a-t-elle souligné dans une déclaration médiatique.

Les jeunes docteurs au chômage ne seront pas embauchés uniquement au sein du MESRS pour enseigner ou bien pour intégrer les unités de recherche. Ils seront insérés professionnellement, selon leurs spécialités dans différents services, qui pourront valoriser leurs compétences, a-t-elle indiqué.

Il s’agit d’une alternative pour ne pas encombrer le MESRS, qui dispose déjà de 15 000 professeurs recrutés, tous  grades et  spécialités confondus. Il serait donc impossible d’en rajouter 4000 autres enseignants universitaires, a-t-elle dit.  « La seule solution qui nous reste, c’est de les recruter par ailleurs dans  les différents services de la fonction publique », a-t-elle ajouté.

La ministre de l’enseignement supérieur a aussi rappelé qu’une plateforme dédiée aux jeunes docteurs a été mise en place, afin de mieux évaluer les disciplines qui comptent le plus de chômeurs, et  pour inscrire aussi les personnes souhaitant bénéficier de ces postes. 

Rappelons que les docteurs ont rompu leur sit-in provisoirement en attendant la concrétisation des décisions annoncées, et les résultats du conseil ministériel qui se tiendra à leur sujet, à la fin de ce mois de février.

Emna Bhira