Tunisie/ Chirurgie esthétique : En mal d’acceptation, des jeunes recourent au bistouri pour ressembler à leurs idoles

21-01-2022

Le recours à la chirurgie et médecine esthétique, a beaucoup d’avantages, comme le repoussement des effets du vieillissement sur la peau et le corps, l’amélioration de la silhouette et des courbes, gagner plus d’éclat sur le visage…Des miracles peuvent être réalisés par un coup de bistouri… Néanmoins, pour les plus jeunes, ce type d’intervention semble orienté vers d’autres objectifs, comme cultiver le paraitre, et répondre à certains canons de beauté…

En effet, une bonne partie de la jeune clientèle influencée par les nouveaux modèles esthétiques instaurés par les téléréalités et les réseaux sociaux, sont désormais prêts à tout pour ressembler à leurs idoles, en ayant recours au bistouri parfois au péril de leur santé…

Car depuis quelques années, les jeunes âgés généralement de 20 à 25 ans, font davantage de chirurgie esthétique, que les plus de 40 ans. Certains se sont lancés dans une interminable quête d’un idéal physique, tentant de correspondre au plus près à des standards éphémères de beauté.

Les médecins ont même donné un nom au phénomène, la « dysmorphophobie ».

« Il s’agit d’une distorsion de l’image de soi. Ces gens ne voient que des défauts en se regardant dans la glace. Ils éprouvent la certitude qu’ils ont une partie laide de leur visage, si ce n’est pas le corps entier. Ils détestent leur reflet au miroir, et ont une image  déformée d’eux-mêmes et des craintes déraisonnables de rejet à cause de l’interprétation qu’ils font de leur apparence. Le regard des autres comptent beaucoup pour eux et leur corps devient source et objet d’obsession », nous explique Dr. Abir Ben Ouaghram, chirurgienne esthétique et maxillo-facial, basée à Tunis, dans un entretien accordé à Gnetnews.

L’influence « des filtres embellisseurs »

Pour cette tranche d’âge, tous les moyens sont bons pour ressembler aux célébrités. Le phénomène a commencé à se propager suite aux chirurgies réalisées par le clan des Kardashian, des influenceuses populaires aux Etats des téléréalités. Ces dernières ont réussi à instaurer un idéal esthétique auprès des jeunes, qui a été calqué sur les filtres des réseaux sociaux. 

« Certaines patientes habituées à calquer leurs visages par des filtres embellisseurs « d’Instagram » et « Tiktok », se présentent au cabinet, avec les images de  stars dans la main, revendiquant un corps en forme de « huit » bien volumineux, des lèvres pulpeuses, des pommettes saillantes, des « Fox Eyes » (yeux bridés), sans oublier les fils tenseurs pour avoir le visage plus carré… », nous informe la chirurgienne plastique.

Bien qu’il existe des demandes plus raisonnables, ces interventions très en vogue sont de plus en plus sollicitées, et semblent impressionner la foule. 

C’est le cas d’Alyssa, une jeune fille de 24 ans, anesthésiste de métier, et accro aux réseaux sociaux,  elle vient d’injecter de l’acide hyaluronique aux lèvres, pour ressembler à une instagrameuse russe. Pourtant déjà volumineuses, mais pas assez, estime-t-elle.

Elles nous a raconté que, dès qu’elle a décroché un contrat dans une clinique, elle a économisé de l’argent pour réaliser ce rêve d’avoir une bouche plus séduisante. « La prochaine intervention esthétique serait de m’introduire au niveau des joues des fils tenseurs », nous confie-t-elle. « J’ai un visage très ovale et cette forme ne me plait pas. J’ai envie d’avoir une mâchoire plus carré, comme la plupart des plus belles femmes du monde… », exige la jeune fille.

Pour Syrine, 26 ans, gérante d’un restaurant, elle a eu recours à la chirurgie plastique pas mal de fois. Trop focalisée sur  son physique, elle prend plaisir en changeant chaque détail sur son visage et son corps.

 « J’ai refait la poitrine deux fois. Je n’étais pas satisfaite du premier volume, donc j’ai changé les implants pour un résultat plus remarquable. J’ai fait aussi des facettes dentaires pour  avoir un Hollywood Smile. Sans oublier les injections que j’ai réalisées au niveau des lèvres, et les autres accessoires que j’utilise pour rester coquette…Comme les extensions des cils, cheveux, et ongles », nous dévoile Syrine. Pour cette accro à la chirurgie esthétique, plus son corps est refait, plus elle se sent belle et attirante… 

« A chaque fois je me rends au bloc opératoire, je me sens heureuse, car je sais qu’en me réveillant je vais trouver une version plus fabuleuse de moi… », ajoute Syrine.

D’après Dr.Ben Ouaghram, la plupart des médecins déconseillent les chirurgies en série pour éviter de mettre en péril la santé des patientes, et pour garder toujours un effet naturel des interventions, dont le but ultime est de mettre en valeur, de corriger ou de réparer une partie du corps.

« Il faut bien rappeler aussi, que cette population influençable, ne représente pas la majorité de la clientèle. La plupart viennent pour des petites retouches par des injections pour estomper les rides, réduire un double menton, ou encore pour réparer des défaut qu’elles estiment agaçants, comme une atrophie des seins ou un défaut visible sur le nez. Dans ces cas, les demandes des patientes sont légitimes, non seulement pour leur bien être physique mais psychologique également… », nous explique le médecin. 

Le risque est davantage psychologique

Bien qu’il existe des jeunes filles de 17 à 20 ans qui viennent consulter, accompagnées de leurs parents, dans le but de réparer un défaut au niveau du nez par une rhinoplastie ou pour corriger une atrophie mammaire, afin de se sentir plus féminine…Il existe aussi des patientes plus âgées qui tombent dans l’extravagance et l’éternelle insatisfaction, souligne Dr. Ben Ouaghram.

Certaines commencent par une petite intervention esthétique, et tombent ensuite dans l’excès. Leur but est d’aller vers une transformation totale. Certaines tentent de changer tous les traits du visage, en optant pour des opérations en série. « Dans ce cas, le médecin multiplie les indications et conseille un suivi psychologique s’il y a signe de dysmorphophobie », indique la plasticienne.

D’autres patientes, par manque d’information, croient aux photos d’avant/après la chirurgie esthétique publiées sur des sites internet. Elles pensent qu’avec un coup de baguette magique, et sans faire aucun effort pour améliorer leur hygiène de vie, elles vont accomplir un résultat satisfaisant…Alors qu’en réalité, pour maintenir les effets de la chirurgie, les personnes affichées sur les photos ou qu’on voit sur les réseaux sociaux font des efforts assidus. Elles ne se limitent pas aux injections, et aux interventions chirurgicales.

Sans une alimentation saine, des soins du corps et une pratique régulière du sport, même les résultats de médecine esthétique seront éphémères. « Il ne faut jamais céder à la facilité pour améliorer son physique… », a-t-elle prévenu.

L’obsession par l’apparence, la maladie du siècle

D’après Dr. Hager Chenini, psychothérapeute, la question de l’apparence est devenue primordiale chez les nouvelles générations. Influencés par les émissions de télé et les stars émergentes des réseaux sociaux, les standards de beauté ont tant changé, et le regard des autres est devenu impitoyable envers les personnes qui n’adhèrent pas aux nouvelles normes physiques… 

« Avoir une taille de guêpe, des cheveux longs et lisses, un nez pointu ou encore des formes généreuses avec un corps pas naturel du tout. Ou être mal jugé par l’autre. C’est la nouvelle équation pour faire partie des nouveaux canons de beauté. Par ailleurs, à cause de ces standards imposées, il existe des jeunes qui se font tabasser ! Un surpoids ou une maigreur excessive, peuvent déclencher un tas de remarques désobligeantes ou une vague d’injures sur les réseaux sociaux, notamment si la personne est célèbre …Et les séquelles de cette discrimination basée sur les critères de beauté, prend de plus en plus d’ampleur.

D’après le psychothérapeute, à cause de ce mal être engendré par la prédominance des apparences, les personnes fragiles psychologiquement ont tendance à tomber dans une dépression profonde. Elles se sentent stigmatisées et rabaissées par leurs congénères. Certains développent des maladies sous-jacentes, plus graves comme l’anorexie ou encore la boulimie, qui traduisent un dégout de son physique et une incapacité de s’accepter et de s’aimer soi-même.

« La vigilance est de mise, pour ne pas tomber dans le piège de la superficialité, surtout que nous sommes la plupart du temps, collés à nos écrans, et ensorcelés par la magie du monde parfait du virtuel… », a conclu la psychothérapeute.

Emna Bhira