Afghanistan : La réélection de Ghani contesté, Washington négocie un accord pour le retrait des troupes US

19-02-2020

AFP – Le président sortant Ashraf Ghani a été réélu à la tête de l’Afghanistan mardi, selon des résultats définitifs immédiatement contestés par son rival, le candidat malheureux Abdullah Abdullah, qui a lui aussi revendiqué la victoire et annoncé qu’il formerait son propre gouvernement.

« Ce n’est pas seulement une victoire à une élection », mais celle de « la volonté du peuple d’Afghanistan », s’est réjoui M. Ghani, qui est apparu triomphant, la tête ceinte d’un turban blanc, dans un discours devant la presse.

« La compétition s’arrête aujourd’hui », a-t-il encore lancé.

D’après les résultats définitifs annoncés par la Commission électorale indépendante, le président sortant s’est imposé en obtenant la majorité absolue, avec 50,64% des voix. Son principal rival, le chef de l’exécutif Abdullah Abdullah, n’a eu que 39,52% des suffrages.

Celui-ci, dans une autre conférence de presse, s’est pourtant déclaré vainqueur du scrutin, qualifiant les résultats de « coup porté à la démocratie » et de « trahison nationale ».

« Notre équipe, en se fondant sur des votes biométriques propres, a gagné (…). Les fraudeurs sont la honte de l’histoire et nous annonçons notre gouvernement de rassemblement », a affirmé M. Abdullah.

L’issue de la présidentielle de septembre 2019 a été annoncée mardi avec trois mois de retard en raison notamment du dépôt par les candidats de 16.500 plaintes pour irrégularités.

La réaction d’Abdullah Abdullah fait craindre une répétition du scénario de 2014, quand il avait déjà contesté les résultats de l’élection, entachée de graves irrégularités, ce qui avait débouché sur une crise constitutionnelle.

M. Abdullah n’est cependant pas le seul à s’opposer à la réélection d’Ashraf Ghani.

Le vice-président Abdul Rashid Dostum, un puissant ancien seigneur de la guerre, avait lui aussi menacé de former un gouvernement parallèle en cas de résultats « frauduleux ».

Les talibans, qui ont toujours été opposés aux élections en Afghanistan, ont également officiellement rejeté ces résultats dans un communiqué.

« Une élection sous occupation et le fait de se déclarer président n’ont pas réglé les problèmes de la nation ces 19 dernières années », ont-ils écrit. « La réélection de Ghani n’est pas seulement illégale, elle va aussi, compte tenu du contexte présent, contre le processus de paix. »

M. Ghani, qui devra probablement se retrouver face aux talibans si de futures discussions intra-afghanes venaient à se tenir, a toutefois déclaré que les « bras » de son gouvernement étaient « ouverts à tout le peuple d’Afghanistan », donc y compris aux insurgés.

« Nous voulons que les talibans participent aux élections », a-t-il encore ajouté.

Washington continue de négocier en parallèle un accord avec les insurgés en vue d’un retrait des troupes américaines d’Afghanistan, en échange notamment de garanties sécuritaires.

Si le gouvernement de Kaboul a jusqu’ici été écarté de la table des négociations, il doit participer aux discussions intra-afghanes avec les rebelles, censées s’ouvrir après la signature d’un accord entre Américains et talibans.

Un tel accord est imminent, a assuré un cadre taliban basé au Pakistan. « Tous les détails ont été finalisés et le conseil dirigeant (des talibans) a donné son aval à l’équipe des négociateurs talibans », a-t-il déclaré à l’AFP.

A Doha, un haut responsable afghan a dit que la signature pourrait intervenir le 29 février dans la capitale qatarie, si la « réduction des violences » annoncée par les Américains et les insurgés intervient.

Cette trêve partielle, qui doit durer une semaine, ne semble pas avoir commencé, une attaque des talibans contre l’armée afghane ayant été recensée dimanche dans le nord.

Lundi, l’envoyé américain Zalmay Khalilzad, qui représente Washington depuis plus d’un an aux pourparlers entre les deux parties, s’était dit « prudemment optimiste » quant aux progrès réalisés en vue d’un éventuel accord.

Les États-Unis ont obtenu « des engagements de la part des talibans sur les questions de sécurité », avait-il déclaré à Islamabad.

Pour l’analyste Atta Noori, l’élection d’Ashraf Ghani est « un pas en avant » dans le processus des négociations. « Un gouvernement chancelant n’était pas en position de pouvoir parler avec les talibans », a-t-il expliqué.

Cette présidentielle a été marquée par une participation très faible, avec 1,8 million de votes pris en compte par l’IEC, sur un total de 9,6 millions d’électeurs enregistrés. Près d’un million des 2,7 millions de votes retenus à l’origine avaient été écartés pour irrégularités.