Une application permettant aux ingénieurs de travailler pour des entreprises étrangères, sans quitter la Tunisie

02-06-2022

Chaque année, pas moins de 3000 ingénieurs Tunisiens quittent la Tunisie pour aller travailler à l’étranger. Facilité à trouver un emploi et salaire motivant sont les principales raisons de leur départ.

Une hémorragie à laquelle la Tunisie a du mal à faire face, faute de solution mais surtout de stratégie, dans un pays où la crise économique bât son plein.

Afin de remédier à cette situation, une start-up tunisienne a décidé de lancer une application permettant de mettre en relation entreprises étrangères et ingénieurs tunisiens pour des missions de courte ou de longue durée ; le tout sans que les ingénieurs ne quittent leur pays d’origine.

Des propositions alléchantes

Laisser sa famille, ses amis, en somme toute sa vie derrière soi n’est pas toujours aussi simple qu’on peut le croire, quand on choisit d’émigrer.

Pourtant c’est le choix que font chaque année des milliers d’ingénieurs, de start-uppers ou de médecins à la recherche d’une vie professionnelle stable pour une meilleure vie.

Parmi les principaux demandeurs d’ingénieurs tunisiens, on retrouve la France. La proximité géographique, la culture, la langue et surtout l’équivalence des niveaux d’études font qu’aujourd’hui les entreprises françaises n’hésitent pas à leur faire des propositions alléchantes.

Dans l’hexagone, dans le domaine des IT, plus de 45 000 postes ne sont pas pourvus tandis que dans les grandes entreprises d’ingénierie (biochimie, aéronautique, pharmacie, BTP, nucléaire…), les recruteurs ont plus de 60 000 postes d’ingénieurs à proposer chaque année (les écoles d’ingénieurs françaises n’en forment actuellement que 40 000 par an).

Les entreprises françaises ont du mal recruter mettant à mal le développement de leurs activités.

Ainsi, toutes ces raisons ont poussé Moatez Benmedien, Frédéric Delahaigue et Laurent Forlani a créer une plateforme dédiée à la mise en relation entre entreprises et ingénieurs: moningenieur.express/. Ce mode de travail est appelé la « télémigration ».

Lors d’un entretien accordé à Gnetnews, le CMO de moningenieur.express, Laurent Forlani, nous en dit plus. « En tant que résidents Tunisiens depuis de nombreuses années et travaillant dans le domaine des IT, nous avons été choqués par le nombre important d’ingénieurs qui quittent la Tunisie pour des pays étrangers. Ils se retrouvent arrachés à leurs familles, amis et pays, seulement parce qu’ils n’ont pas trouver d’emploi ou parce que les salaires sont bas. Ainsi, notre plateforme permet aux ingénieurs, toutes spécialités confondues, de travailler pour des entreprises étrangères tout en restant dans leur propre pays », nous explique-t-il.

Force est de constater que l’intérêt est double. D’un côté les entreprises trouvent des solutions à leurs postes vacants et les ingénieurs peuvent travailler avec un salaire digne des cinq voire six ans d’études qu’ils ont accomplis.

Contacté par téléphone, le président du Conseil de l’ordre des Ingénieurs Tunisiens, Kamel Sahnoun, se félicite de cette initiative qui pourra être une véritable alternative à la fuite des ingénieurs. « Tout projet qui permet de garder nos ingénieurs sur le territoire tunisien est la bienvenue. Cela génère des revenus qui resteront en Tunisie et qui participeront donc au développement du pays. Ils pourront grâce à ces revenus plus élevés mieux vivre et de voir l’avenir plus sereinement »nous a-t-il confié.

Avec la pandémie de Covid-19 et les différents confinements, le télétravail est devenu un mode de travail de plus en plus courant dans les entreprises, notamment dans le domaine des nouvelles technologies. Ainsi, ce qu’on appelle la télémogration est devenu depuis deux ans un phénomène à la mode et apparait comme une solution rapide et efficace pour le recrutement.

Comment ça fonctionne ?

En ce qui concerne le fonctionnement de cette plateforme, le principe est simple. L’ingénieur demandeur d’emploi dépose gratuitement son CV, les entreprises s’inscrivent également gratuitement et décrivent précisément leurs besoins, les algorithmes de matching de la plateforme font coïncider instantanément  les demandes des recruteurs avec les profils adéquats… Il ne reste plus qu’au service client de la plateforme de mettre en relation l’entreprise et l’ingénieur jusqu’à l’aboutissement du contrat de prestations de services.

Le client recruteur est facturé en euros et la solution intégrée de portage salarial permet légalement à l’ingénieur d’être rémunéré directement en Tunisie, en dinars tunisiens. De son côté, la plateforme se rémunère grâce à une commission perçue du recruteur et de l’ingénieur.

Les missions peuvent être de très courtes, de courte ou de longue durée, et ce en fonction des demandes, pouvant même aboutir à des contrat à long terme. L’avantage est dans la rémunération des ingénieurs tunisiens dont les tarifs sont un tout petit peu en deçà de ceux pratiqués en Europe et notamment en France.

Les fondateurs de moningenieur.express ont au préalable pris contact avec des entreprises basées en France. « Ils se réjouissent de cette plateforme et nous ont confortés dans sa mise en fonction », assure le CMO.

Ainsi, moningenieur.express pourrait constituer la solution à cette fuite des cerveaux qui ne cesse d’affaiblir le vivier d’ingénieurs dont dispose la Tunisie. Cette plateforme fait également écho aux paroles prononcées par la Cheffe du Gouvernement Najla Bouden lors du Forum de Davos en Mai dernier: « Ce n’est pas uniquement de la formation que nous avons besoin en tant que pays en développement mais c’est retenir les compétences que nous produisons qui revêt pour nous une importance cruciale.», avait-elle déclaré en substance.

Wissal Ayadi