Tunisie : Saïed appelle à l’austérité, économistes et experts en expliquent les implications

05-11-2021

Les appels  du président de la République Kais Saied, à une politique de rigueur économique se succèdent. Lors de sa réunion avec la cheffe du gouvernement Najla Bouden, ou encore dans sa dernière rencontre avec le gouverneur de la banque centrale de Tunisie (BCT), Saied prône l’austérité en matière de gestion des finances publiques dans le but de baisser le déficit budgétaire, ayant atteint les 3 MD à la fin du mois d’aout 2021.

Les Tunisiens sont-ils prêts à se serrer la ceinture et à faire davantage de sacrifices, alors qu’ils sont confrontés à une dégradation, sans précédent, de leur pouvoir d’achat et qu’ils ont du mal à joindre les deux bouts…

Des experts en économie nous répondent à ces questionnements.

Le recours à l’austérité est souvent recommandé par le FMI. Il sous entend des réformes structurelles libérales, imposées sur les pays en surendettement, étant dans l’incapacité de rembourser leurs prêts, affirme Jannet Ben Abdallah, journaliste et chercheuse dans les relations internationales.

Ceci pourrait impliquer, la baisse de la masse salariale, le gel des recrutements dans la fonction publique et la baisse des salaires…Il s’en suit la levée des subventions de l’Etat sur les produits de base  et la limitation du budget alloué aux investissements, qui finance les projets publics, en plus de l’augmentation des impôts, source principale des recettes de l’Etat. 

De telles mesures risquent de nuire aux entreprises publiques, notamment celles en difficulté, qui pèsent lourd sur le budget de l’Etat.

L’absence des investissements et la suspension des projets de développement régional entravent la croissance, et font augmenter le chômage. Les impôts, eux, fragilisent encore plus les conditions sociales de ses citoyens.

Dans ce contexte exceptionnel avec une dette publique qui dépasse les 35 milliards de dollars, le gouvernement sera effectivement, contraint de choisir une nouvelle approche de l’endettement ou de l’austérité, ce qui revient à mettre la pression sur les dépenses publiques, qui ont remarquablement augmenté, a indique l’économiste, Moez Joudi, précisant que la masse salariale ayant épassé les 22 milliards de dinars, est la principale source des dépenses publiques.

La masse des salaires pèse sur le budget de l’État, avec une administration qui compte 700 000 fonctionnaires, alors qu’elle n’a besoin que de 400 000 employés, a-t-il souligné, rappelant que les donateurs réclament des réformes du service public et une baisse des fonctionnaires.

Le gouvernement est entre le marteau et l’enclume, il doit mener les réformes nécessaires, comprimer et rationaliser les dépenses, ce qui nécessité du courage.

Suspension des importations des voitures de luxe : Quel impact ?

Pour maitriser les dépenses publiques, Kaïs Saïed a appelé à réduire les importations des voitures du luxe.

Les représentants du secteur automobile sont revenus là-dessus lors d’un webinar organisé mercredi 03 novembre, par l’institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), exprimant leur mécontentement envers les propos présidentiels.

«Une telle décision sera fatale pour un secteur qui compte 85  000 emplois directs et pour l’Etat également, puisque ce domaine génère 4 milliards d’euros par an qui vont directement aux avoirs en devise de la banque centrale, soit 4 fois le cout de l’importation des voitures ».

C’est ce qu’a déclaré Mehdi Mahjoub, le représentant de la chambre nationale des concessionnaires et constructeurs automobile.

« Avec la crise sanitaire, les ventes des voitures de luxe ont baissé. Le secteur de location de voiture qui autrefois se fournissait de véhicules en mois de mai et mi-juin, ont renoncé à leurs achats à cause de la crise et de l’absence de la saison touristique. Le recours aux voitures FCR a également baissé aussi depuis l’année 2015, et désormais 40% des ventes des véhicules de luxe font partie du marché parallèle. 60% des revenus de ce secteur ne sont pas comptabilisés à cause des méthodes d’achat détournées, et la vente de la FCR sans payer la TVA ».

D’autre part, Mehdi Mahjoub a indiqué que cette décision renforcera le trafic des voitures de luxe, et l’économie parallèle, ce qui impactera les recettes de l’Etat. Sans oublier, qu’il existe des concessionnaires spécialisés dans ce commerce de luxe, qui seront impactés par de telles décisions.

A cet effet, Nabhen Bouchaala, le président de l’association tunisienne des fabricants des composantes de voitures, a rappelé que l’Etat gagne amplement de l’importation des voitures, à partir des revenus fiscaux, taxes, les frais de douane…La devise investi pour importer des voitures est donc bénéfique pour les caisses publiques. Il n’existe aucun pays qui a réussi une sortie de crise grâce à la suspension d’un secteur quelconque, a-t-il déploré.

Emna Bhira