Tunisie/ Béjà : Une situation alarmante, des patients de plus en plus jeunes, et manque de moyens !

05-07-2021

La pandémie de Covid-19 fait des ravages dans le gouvernorat de Béja ; l’une des premières zones touchée de plein fouet par la 4ème vague.

Le taux d’incidence a atteint niveau record avec 1136 contaminations pour 100.000 habitants. Ainsi un confinement général a été instauré afin de freiner la propagation du virus, mais surtout les décès qui ne cessent de décimer et endeuiller les familles.

Pour en savoir plus sur la situation sur place, nous avons contacté la Directrice de l’hôpital de Béja, Henda Dhaouafi, ainsi que le Directeur régional de la Santé, Elyes Ammar.

Contexte sanitaire

Les chiffres sont alarmants et ne vont pas en s’améliorant malgré un confinement général, indique le Directeur régional de la Santé, Elyes Ammar.

Le gouvernorat a véritablement explosé les moyennes du taux d’incidence, a-t-il expliqué. « Il faut savoir que l’OMS a décrété qu’à partir de 100 contaminations par 100.000 habitants, la zone en question devra être considérée comme zone rouge. Le gouvernement tunisien a décidé de placer ce taux à 400. Ici à Béja-Médina, nous en sommes a 1136 cas par 100.000 habitants ». Il ajoute que dans 3 autres délégations, ce chiffre est à plus de 500.

L’autre indicateur concerne le nombre de lits d’oxygène. « Avant le mois de juin, nous avions 11 lits pourvus d’oxygène. En un mois, nous sommes passés à 84 en pensant que cela serait suffisant ». Mais en l’espace de quelques jours seulement, l’aggravation de la situation a fait qu’aujourd’hui 125 personnes sont hospitalisées à l’hôpital régional, soit une suroccupation de 150%.

« Certains patients ont été transférés vers les hôpitaux de Menzel Bourguiba, Bizerte, Charles Nicolle ou l’hôpital militaire ». L’établissement dispose de seulement 2 lits de réanimation et ils sont toujours occupés.

Elyes Ammar déplore également le manque de bouteilles d’oxygène, « une bouteille ne peut fonctionner que 6 heures de temps ». « Afin d’oxygéner le maximum de personnes, nous sommes parfois obligés de partager les bouteilles en deux. Ainsi, elles ne tiennent plus que 3h ». Cette situation a conduit inévitablement à un problème d’approvisionnement car seul un fournisseur de bouteilles d’oxygène est mis à la disposition de Béja mais aussi de Jendouba.

Les décès quant à eux, connaissent une progression fulgurante. A cet égard, le directeur régional de la santé nous a indiqué que jusqu’à présent le mois le plus meurtrier avait été le mois de novembre 2020 avec 36 décès. « Au mois de juin seulement, nous avons eu 78 décès ». La moyenne d’âge des patients est de plus en plus jeune. « Nous avons reçu ces derniers jours une famille entière dont la maman, âgée de 40 ans était à 66% de saturation au niveau de ses poumons, ainsi que leur bébé de seulement 8 mois, également atteint du coronavirus ».

Hôpital débordé, personnel épuisé

A l’hôpital régional de Béja, c’est tous les jours un combat afin de soigner le flux de patients qui franchissent la porte des urgences. Des personnes asymptomatiques qui se retrouvent tout d’un coup en souffrance respiratoire ou des patients en stade final, le profil des patients sont variés. Mais depuis quelques temps, ce sont des patients de plus en plus jeunes qui nécessitent une assistance respiratoire.

Nous avons joint par téléphone, Mme Henda Dhaouafi, la directrice de l’hôpital de Béja. C’est épuisée et désespérée qu’elle a bien voulu répondre à nos questions.

Elle nous explique que les personnes qui arrivent sont d’abord dirigées vers une zone de tri au niveau des urgences. « Face à l’augmentation du flux, nous avons installé des tentes à l’extérieur de l’établissement pour pouvoir gérer », nous dit-elle. En effet, depuis plusieurs jours, des images circulant sur les réseaux sociaux et les médias montrent des patients sur des brancards devant la porte de l’hôpital. Des images qui ont provoqué un tollé dans l’opinion publique, accusant le personnel médical de négliger les patients. « Ce choix, nous l’assumons, car nous n’avons pas d’autres solutions pour les soigner. Nous ne pouvons pas les renvoyer chez eux alors qu’ils ont besoin de soins », lance Mme Dhaouafi.

Cette dernière dénonce également le manque de moyens dont dispose l’hôpital afin de lutter contre la catastrophe sanitaire qui touche la région de Béja. « Nous manquons cruellement de personnel et de matériel de protection », affirme la directrice de l’établissement.

Ainsi, seuls deux médecins de garde se relaient afin de soigner les 125 patients hospitalisés. A noter que Béja a dû faire face au décès de 4 infirmières en 10 jours.

Pour la réanimation, la situation est encore plus critique, un médecin-réanimateur n’est présent que deux fois par semaine. « Le corps médical est épuisé aussi bien physiquement que mentalement ».

Afin de faire de la place dans les établissements de santé, le service COVIDAR a été mis en place depuis quelques jours pour une prise en charge à domicile. Ainsi 16 médecins, soit près de 2 médecins dans chaque délégation, ont été mobilisés pour participer au programme en question.

Grâce à CoviDar, tout patient aura la possibilité de contacter, via un numéro vert, les médecins pour demander des éclaircissements sur sa situation sanitaire. Au cas où sa situation nécessite une prise en charge urgente, un médecin se déplacera sur les lieux, gratuitement. Dans le cas contraire, le patient recevra un concentrateur d’oxygène pour suivre son état de santé.

Toujours plus de lits

Elyes Ammar nous a indiqué qu’un hôpital de campagne allait voir le jour dans la salle Omnisport de Béja. Ainsi 84 lits d’oxygène y seront installés. L’ouverture est prévue pour le lundi 5 juillet.

Par ailleurs, un autre service Covid en préfabriqué, sera mis en place dès le 15 juillet avec quatre lits de réanimation avec l’espoir de pouvoir atteindre les 8 lits.

« Je voudrai lancer un appel aux jeunes médecins réanimateur fraîchement diplômés. Nous avons besoin d’eux à Béja ! », lance Mr Ammar.

Le directeur de la Santé lance également un appel aux citoyens de Béja pour le respect stricte du protocole sanitaire et du confinement. « S’il faut utiliser la force, alors il faut le faire. La vie des habitants du gouvernernorat est en jeu ».

Enfin, Elyes Ammar appelle tous les citoyens de Béja à s’inscrire sur la plateforme EVAX, dédiée à la vaccination.

Wissal Ayadi