Tunisie/ Rétention des notes : Les élèves dégoûtés, les parents au bord de la crise des nerfs !

08-05-2023

A quelques semaines de la fin de l’année scolaire, les élèves du secondaire et du primaire subissent toujours le blocage de leurs notes du premier, du deuxième et bientôt du troisième trimestre. Une rétention volontaire menée par les syndicats depuis septembre dernier.

Toutes les négociations pour mettre fin à cette crise n’ont abouti à aucune solution. En attendant ce sont les élèves, mais aussi leurs parents qui en paient la facture et ceux notamment qui sont candidats aux examens nationaux.

« Je ne leur pardonnerai jamais ce qu’ils font subir à nos enfants… »

Dans cette crise, qui dure depuis le début de l’année scolaire, parents et élèves sont très peu nombreux à prendre la parole. Pourtant de leur côté, la tension est palpable. Pour en savoir plus sur leur ressenti, nous nous sommes adressés à Mme Hayet Chourabi dont les enfants subissent cette situation.

C’est en colère et la gorge nouée qu’elle nous explique qu’ils sont de nombreux parents à être au bord de la crise de nerfs. « Nous n’en pouvons plus. Nous vivons dans le stress permanent. Nous avons l’impression qu’en réalité le blocage des notes est devenue comme une sorte d’habitude prise par les syndicats, qui ne pensent même pas à l’avenir des enfants. Ils jouent avec l’avenir et la santé mentale de nos enfants », nous dit-elle.

« D’année en année, les difficultés s’accentuent à l’école publique ». Mme Hayet évoque notamment que l’école publique, gratuite n’existe plus. « Les parents n’en peuvent plus de payer des heures d’études qui au fil des ans sont devenues une obligation, voire une pratique commerciale, car dans les cours, on n’enseigne en réalité que 50% du programme pour obliger les parents à mettre leurs enfants à l’étude. Les enfants sont fatigués de passer du matin au soir entre l’école et l’étude. Ils n’ont plus le temps de faire quoique ce soit d’autres. Ils sont en train de les dégoûter de l’école », nous confie-t-elle amèrement.

Par ailleurs, estimant que même si les revendications des enseignants sont justifiées, elle souligne que cela ne leur donne aucun droit de prendre les élèves en otage. « Nous les parents nous sommes tristes pour les enfants de la Tunisie car ce sont eux l’avenir du pays. Je ne peux plus supporter voir ma fille se demander pourquoi elle doit aller à l’école alors qu’elle n’a pas ses notes. On leur demande d’être assidus, d’étudier dur pour au final ne pas avoir de moyenne alors que c’est un droit constitutionnel ».

De leur côté, le moral des élèves est au plus bas. Ils ne savent plus s’ils doivent continuer à étudier ou s’ils vont passer une année blanche. Akram, doit passer son examen de la neuvième cette année. Ile ne sait pas quel est son niveau dans les matières, sur lesquelles il devra accentuer ses révisions.

Nous sommes beaucoup de camarades à nous dire que nous passerons une année blanche et que donc nous ne feronsplus d’efforts. Nous sommes dégoutés de l’école, des cours, de l’étude et tout ce qui a attrait à l’école », nous dit-il désespéré. Sa maman, quant à elle, regrette d’avoir sorti son fils du système privé. « Je ne peux même pas l’aider à la maison car je ne sais même pas quels sont ses points forts et faibles, j’ai donc abandonné et advienne que pourra », lance-t-elle.

« Que ce soit les enseignants, les syndicats ou le ministère, je ne leur pardonnerai jamais ce qu’ils font subir à nos enfants… », conclut Mme Hayet Chourabi.

Il n’y a plus de temps pour la négociation !

Rida Zahrouni est le président de l’Association tunisienne des parents et des élèves (ATUPE). Depuis plusieurs semaines, ils ne cessent d’enchainer les plateaux de télévision, les studios de radio et les articles de presse afin d’alerter sur une situation qui devient dangereuse pour l’avenir de toute la nation.

« Les parents et les élèves sont frustrés, marginalisés parce qu’ils constatent que pendant qu’ils souffrent, les syndicats et les autorités prennent leur temps pour négocier. Ils sont dans le flou le plus total puisqu’ils ne savent pas quand ni de quelle manière sera résolue cette crise », nous dit-il.

Il explique que les élèves sont à la fin de l’année scolaire et que donc il y a une course contre la montre en vue des examens. « A quelques semaines des examens nationaux, personne ne sait s’il y aura une année blanche ou si les examens auront bien lieu.Cela à des conséquences sur les parents et sur la concentration des élèves. Ils ont perdu le fil conducteur des cours, ils ne savent pas quelles matières ils doivent améliorer, leur niveau… », souligne Zahrouni.

Le constat concernant le taux d’abandon scolaire est alarmant. Chaque année, plus de 100 000 jeunes âgés de 12 à 18 ans abandonnent leurs études, ce qui les laisse sans perspective d’avenir et les conduit souvent à se retrouver livrés à eux-mêmes dans la rue.

« Cette crise aura des conséquences grave sur l’avenir et cela va se traduire par la dégradation du niveau de la scolarité et également par l’augmentation du taux de décrochage scolaire qui se fera  sentir l’année prochaine mais aussi à long terme ».

Ridha Zahrouni déplore également le changement de cap des associations, qui au lieu de réfléchir à la réforme du système éducatif, à la manière d’améliorer ce secteur qui est un pilier essentiel de l’Etat, se retrouvent aujourd’hui à essayer de trouver des solutions pour sortir de cette crise en réclamant le déblocage des notes des élèves qui est en réalité un droit élémentaire.

« Au final, comme en 2018, ils vont finir par débloquer les notes et faire croire que l’année scolaire a été réussie. L’année blanche et le non-tenue des examens sont inenvisageables. Mais le mal est fait et les dégâts sont bel et bien là. Les enfants ont perdu le goût de l’école et l’espoir d’avoir de bons résultats… on ne va que sauver les meubles. Or personne ne peut se satisfaire de cela », ajoute le président de l’ATUPE.

Dans un courrier adressé au président de la république, l’ATUPE a demandé à Kaïs Saïed d’intervenir de manière urgente afin de régler cette situation et de prendre les décisions qui s’imposent afin que ces crises, qui interviennent presque chaque année prenant en otage des millions d’élèves, cessent une fois pour toute.

Wissal Ayadi