Tunisie : La campagne de Boycott n’a que peu d’effets, « la solution devra être trouvée ailleurs »

02-11-2023

Voilà maintenant presque un mois que la guerre fait rage au Proche-Orient. Tandis que les Gazaouis meurent sous les bombes israéliennes dans l’indifférence de la communauté internationale, de nombreux citoyens du monde ont décidé d’agir à leur manière en appelant au boycott. 

Le boycott des produits israéliens en soutien au peuple palestinien est une forme de protestation politique qui vise à exercer une pression économique sur Israël en réponse à son traitement des Palestiniens et au conflit en cours. 

Le mouvement BDS: Boycott, Désinvestissement et Sanctions

Le boycott des produits israéliens ou affiliés fait partie d’un mouvement plus large appelé le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS).

Le BDS a été lancé en 2005 par un groupe d’organisations de la société civile palestinienne. Il s’inspire des mouvements de boycotts utilisés pendant le mouvement anti-apartheid en Afrique du Sud. 

Le BDS appelle au boycott des produits israéliens, au désinvestissement des entreprises qui soutiennent Israël et à des sanctions contre Israël jusqu’à ce que certaines conditions soient remplies, notamment la fin de l’occupation israélienne des territoires palestiniens, l’égalité des droits pour les citoyens arabes en Israël, et le droit au retour des réfugiés palestiniens.

Les partisans du BDS appellent au boycott de produits, d’entreprises et d’institutions israéliennes ou soutenant Israël. Cela peut inclure le boycott de produits israéliens, de sociétés ayant des liens avec le gouvernement israélien, et de manifestations artistiques, académiques et sportives en Israël.

Ses partisans voient en lui un moyen de lutter contre l’occupation israélienne et d’obtenir des droits égaux pour les Palestiniens, tandis que ses détracteurs estiment qu’il nuit aux relations internationales, aux dialogues et à la paix. Certains pays et États ont adopté des lois contre le BDS.

L’impact du BDS est sujet à débat. Certains estiment qu’il a réussi à attirer l’attention sur la situation en Palestine, à promouvoir la sensibilisation internationale et à faire pression sur certaines entreprises et institutions pour qu’elles reconsidèrent leurs relations avec Israël. D’autres affirment que ses effets économiques sont limités.

Le BDS a suscité des réactions variées à travers le monde. Certains gouvernements, notamment les États-Unis, le Canada et certains pays européens, ont critiqué le mouvement et ont tenté de le contrer. D’autres, en revanche, ont soutenu le droit à la liberté d’expression et le droit de mener des campagnes de boycott.

Le boycott est-il vraiment efficace ? 

La campagne de boycott arabe contre les entreprises soutenant l’occupation israélienne a démarré le 10 octobre dernier. Ces appels ont été notamment relayés sur les réseaux sociaux, poussant nombre d’internautes du monde entier, mais surtout issus des pays arabes, à poster des vidéos ou des photos montrant les produits à boycotter. Il s’agit soit de marques purement israéliennes ou américaines. 

Et il semble que cette campagne a eu un impact négatif sur les cours boursiers de certaines des plus grandes firmes de Wall Street. En effet, dans un article paru le 26 octobre le Daily News Egypt a analysé comment la campagne a affecté les actions des entreprises possédant des franchises dans les pays arabes ou effectuant d’importantes contributions à Israël.

« Les actions de PepsiCo ont chuté à leur niveau le plus bas depuis novembre 2021 le 12 octobre, atteignant 157,9 dollars par action. Elles étaient cotées à 164,3 dollars par action le 10 octobre, premier jour du boycott. Les actions ont légèrement rebondi et ont clôturé à 160 dollars par action le mardi 24 octobre », peut-on lire. 

Autre marque largement dénoncée par les soutiens au mouvement BDS, McDonald’s, dont les actions sont tombées à leur niveau le plus bas depuis le 27 octobre 2022. « Les actions ont atteint un record à la baisse de 245,5 dollars par action le 12 octobre et ont continué de diminuer jusqu’à la journée du mardi 24 octobre. Les actions de McDonald’s ont ensuite montré quelques signes de reprise et ont clôturé à 257,5 dollars par action le mardi. Cette baisse s’est produite malgré la déclaration de McDonald’s selon laquelle ses franchises dans les pays arabes ne sont pas liées à la société mère soutenant Israël », relève le Daily News Egypt. 

Par ailleurs, de nombreux appels au boycott de la célèbre marque de cafétérias Starbucks ont été suivis dans de nombreux pays arabes notamment. Si l’impact a été de moindre ampleur que les marques mentionnées ci-dessus, les actions de Starbucks sont tout de même tombées à 91,4 dollars par action le 12 octobre, ce qui est le prix le plus bas depuis le début du boycott. Elles sont ensuite remontées à 94 dollars par action le 19 octobre restant à ce niveau.

Enfin le Daily News Egypt affirme que les actions de KFC sont en forte baisse depuis le début de la campagne de boycott. Les actions de KFC ont atteint 1 286 dollars par action à la fin de la séance de mardi 24 octobre, soit leur niveau le plus bas depuis mai 2023.

La question est de savoir si ces mouvements de boycott sont vraiment efficaces. Au vu des cours boursiers analysés plus haut, il semble qu’il y ait un véritable effet. Pour autant, il est important de noter que la chute des actions s’inscrit dans un temps court puisqu’ils repartent à la hausse quelques jours plus tard. 

Il semble que ces campagnes créent un effet psychologique de peur ou de crainte que le conflit n’a impacté les comportements des consommateurs, mais que les marchés reviennent vite aux fondamentaux puisque les cours reprennent le niveau d’avant le 10 octobre. Ainsi, ces appels au boycott ont un effet psychologique sur les investisseurs qui se traduit par une réaction baissière, qui demeure éphémère et limitée. 

Appel au boycott en Tunisie

En Tunisie les appels au boycott des produits israéliens se multiplient depuis le début du conflit. Il ne s’agit pas seulement des produits israéliens purs et durs puisque des campagnes de boycott touchent également des marques occidentales, françaises notamment, ou même Tunisiennes, soupçonnées d’exporter leurs produits vers Israël.

Parmi les marques ciblées, une enseigne de  grande distribution installée en Tunisie,  accusée d’avoir fourni gratuitement des repas à l’armée israélienne.

Pour en savoir plus, nous nous sommes rendus dans un hypermarché de cette enseigne situé dans la banlieue de Tunis. En interrogeant les salariés, ils expliquent qu’ils n’ont pas vraiment ressenti les effets d’un quelconque boycott. « Les clients sont toujours là, et ils achètent toujours les mêmes produits .Nous n’avons pas remarqué un attrait particulier pour des marques locales », nous dit l’un d’entre eux. 

Dans les allées du supermarché, nous nous sommes entretenus avec plusieurs clients. Au niveau des boissons gazeuses, une maman avec son enfants mettant une bouteille de Coca-Cola dans son caddie nous confie que pour elle le boycott ne sert pas à grand-chose. « Ce n’est pas en arrêtant d’acheter tel ou tel produit que la guerre va s’arrêter. Il faut des décisions politiques. Nous soutenons la cause palestinienne c’est évident, mais ce n’est pas à notre niveau que les choses vont changer », nous dit-elle.

Le scepticisme des consommateurs qui ne voient pas d’utilité à ce boycott, tout comme la réaction émotionnelle de ceux qui s’engagent dans le boycott expliquent probablement l’effet éphémère et de courte durée de la baisse des cours des marques en question, qui ne tardent pas à se redresser. 

Wissal Ayadi