Confinement général: Cafetiers et restaurateurs dans la peur d’une nouvelle catastrophe économique

13-01-2021

La nouvelle est tombée comme un coup de massue pour les cafetiers et les restaurateurs. En effet, l’annonce par le gouvernement, mardi soir de la mise en place d’un confinement général de 4 jours sur  tout le territoire va une nouvelle fois fragiliser un secteur déjà en proie à la crise depuis le premier confinement du printemps dernier.

Afin de connaître leur sentiment face à ces nouvelles mesures, Gnetnews est allé à leur rencontre dans le quartier d’Ennasr réputé pour ses nombreux salons de thé et restaurants. Voici leurs témoignages.

Ennasr, c’est ce fameux quartier de Tunis où cafés, salons de thé, fast-food et restaurants tapissent l’avenue Hédi Nouira.

Après une relance relativement timide en été, les professionnels du secteur ont été confrontés au couvre-feu instauré depuis  le mois d’octobre dernier. Pour rappel, pendant plusieurs semaines, ils ont été contraints de fermer leurs portes à 16h. Face à la grogne, les autorités leur ont finalement permis de rester ouvert jusqu’à 19h. Une bonne nouvelle de courte durée, puisque pendant les quatre jours qui arrivent, ils devront baisser leur rideau.

Ahmed est serveur dans une petite cafétéria où retraités et jeunes étudiants se côtoient le temps d’un express. « Déjà depuis la fin du confinement, la clientèle a largement baissé, ajoutez à cela la capacité maximum de 50% du nombre de personnes à l’intérieur… Tous ces facteurs ont fait baissé notre chiffre d’affaire de 30% ». La fermeture de son établissement pendant 4 jours est à la limite du supportable. « Si le gouvernement décide d’un confinement beaucoup plus long, mon patron m’a prévenu qu’il ne pourrait pas me garder. ». Ahmed et son père travaillent tous les deux dans des cafétérias et ils subviennent difficilement à leur besoins…

Si Ahmed a eu la chance de pouvoir conserver son emploi à plein temps, ce n’est pas le cas de tous.

Issam, lui est employé dans un salon de thé réputé du quartier. Ambiance feutrée, lumière tamisée…le moindre café ne coûte pas moins de 4dt. Pourtant, les serveurs ont dû faire des concessions pour garder leur poste. Leur employeur les fait travailler un jour sur deux et ne perçoivent donc que 50% de leur salaire pré-Coronavirus. C’est Avec incompréhension qu’il reçoit la nouvelle du confinement. « Je ne vois pas à quoi ça sert de faire un confinement de seulement 4 jours. Je ne pense pas que cela va arrêter la propagation du virus ».

Du côté des restaurateurs, cette décision a du mal à passer. Sami Ben Ayed est le propriétaire d’un restaurant  à la carte en plein cœur d’Ennasr. Il est midi et pourtant aucun client n’a encore franchi sa porte. Il y a encore trois ans, il vivait à Paris. Mais son amour pour son pays d’origine et pour la restauration l’ont poussé à ouvrir son propre établissement. C’est avec une certaine amertume, qu’il a bien voulu répondre à nos questions. Il estime que les autorités naviguent à vue et que ce confinement est de la poudre aux yeux. « Soit on ferme carrément pendant 3 semaines afin de ralentir le virus soit ce n’est pas la peine. Nous sommes à chaque fois les premières victimes des mesures sanitaires ». Les charges fixes par jour sont de 700dt. Il estime que ces 4 jours de confinement sont une perte de chiffre d’affaire d’environ 3000dt. « Je travaille à perte depuis plusieurs mois… mais je continue en espérant de jours meilleurs ». Il déplore également le manque de soutien de la part de l’Etat. « Je crois que nous sommes le seul pays au monde où on doit payer des impôts quand on est déficitaire, à cause de la dernière loi de finance ».

Si Sami a de l’expérience dans le domaine, Mehdi lui est novice. Il a ouvert son restaurant de fast-food il y a seulement 5 mois. Il vient tout juste de commencer à se verser un salaire. Mais avec ce confinement, il va encore devoir faire face à des difficultés. Ses charges fixes par jour atteignent les 200DT, ainsi pour ces quatre jours, il devra débourser de sa poche 800DT. Afin de compenser les pertes dues au confinement, il s’est lancé dans la livraison à domicile. En effet, ces derniers mois bon nombre d’applications mobiles ont vu le jour afin de permettre aux restaurateurs de livrer leurs clients chez eux. « Pour ma part, j’ai arrêté ce service car les frais qu’ils perçoivent sont trop importants et en plus les délais de livraison peuvent aller jusqu’à 60 minutes et c’est nous qui recevons les plaintes des clients ».

Les dernières mesures sanitaires vont encore déstabiliser un secteur déjà en difficulté. Sur l’avenue Hédi Nouira, de nombreux cafés et restaurants ont fait faillite. Pour preuve, les dizaine de locaux vides et mis à la vente où à la location.

Seul un retour à la normale pourrait les sortir de la tourmente.

Wissal Ayadi