La guerre Israël/ Palestine commence à impacter l’économie mondiale, la Tunisie ne sera pas épargnée !

25-10-2023

Le conflit qui oppose l’entité sioniste et la branche armée du Hamas continue de faire rage au Proche-Orient. Les morts côté Palestiniens frôle les 5000 civils, dont plus d’un millier d’enfants.

Compte tenu des pertes humaines la question économique passe au second plan, mais elle demeure tout de même importante.

En effet si le bilan meurtrier accapare les esprits, et les analyses, les premières conséquences économiques se font déjà ressentir dans la région, comme l’ont affirmé récemment la Banque mondiale et le Fond monétaire international, qui ont alerté sur les effets de cette guerre sur l’économie mondiale dans sa globalité.

Hamza Meddeb, chercheur au Carnegie Middle East Center, nous livre son analyse sur la question, évoquant plusieurs scénarios et les impacts sur la Tunisie.

Hamza Meddeb / Chercheur au Carnegie Middle East Center

La question économique passe au second plan

Lors de l’éclatement du conflit entre la Russie et l’Ukraine, la question des conséquences économiques a été mise au même plan que celle attrait à la sécurité et à la paix entre les deux pays et dans la région.

Or, pour le conflit qui oppose depuis bientôt un mois Israël et le Hamas, elle semble avoir été mise de côté au vu du bilan sanglant de la riposte sioniste sur les civils Gazaouis, notamment.

Pour le moment seuls la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international se sont exprimés sur l’impact économique de cette guerre et de façon très timide.

« Ce différentiel de perception est dû au poids économique de la Russie et de l’Ukraine du point de vue énergétique et alimentaire, et dont les conséquences économiques du conflit sont plus mondialisées », nous dit Hamza Meddeb. En effet, au lendemain du déclenchement de la guerre, les prix du pétrole ont littéralement explosé faisant passer le baril à 139$. Les prix du blé eux aussi ont augmenté de façon importante.

« Si aujourd’hui les prix se sont un peu tassés, cette guerre a engendré un véritable choc économique. Ici dans le conflit israëlo-palestinien, les conséquences économiques ne sont pas aussi visibles car nous ne sommes pas face à des acteurs importants sur le marché énergétique ou agricole », poursuit Meddeb.

Prix du baril de pétrole: Trois scénarios à envisager

Selon le chercheur, le vrai risque demeure dans la transformation des opérations militaires en un conflit régional. « Si cette guerre se répand elle impliquera les groupes armés alliés de l’Iran. En premier lieu le Hezbollah ce qui veut dire étendre le conflit au Liban, ceux agissant en Syrie et potentiellement les Iraniens eux-même de manière directe ou indirecte », souligne Hamza Meddeb.

Il affirme dans un premier temps que l’incertitude sur la potentielle régionalisation de ce conflit va entretenir une incertitude sur les marchés du pétrole. « S’il n’est pas sûre que le prix du baril augmente substantiellement, il ne va pas baisser non plus. Il y aura également des répercussions sur l’approvisionnement des marchés en pétrole ».

Hamza Meddeb souligne que si ce conflit demeure conscrit, restant limité à une guerre entre l’entité sioniste et le Hamas, il est probable que le prix du baril atteigne les 94$ (85$ dollars aujourd’hui).

Le deuxième scénario envisage une ingérence des groupes armés affiliés à l’Iran, notamment le Hezbollah. « Pour cette éventualité, le prix du baril pourrait atteindre la barre des 100$ », relève Meddeb.

Et enfin un embrasement régional pourrait mener à une véritable flambée du prix du baril pouvant  aller jusqu’à 150$ avec, en prime, des incertitudes sur l’approvisionnement des marchés.

« Ainsi, au vue de ces projections, la Tunisie, devra compter sur un pétrole haut (90$) dans le cadre de la loi de finances 2024 en gardant toujours en tête qu’il peut monter à des niveaux alarmants en fonction de l’intensité de la guerre. Il ne faudra pas espérer une baisse », observe Hamza Meddeb.

Une explosion de l’inflation

La deuxième conséquence, qui est en lien avec le prix de l’énergie, concerne l’inflation. Il y a des risques de hausse de l’inflation et de détérioration du pouvoir d’achat. « En Tunisie nous sommes déjà dans une inflation à deux chiffres, accompagnée de pénuries alimentaires importantes », relève le chercheur.

La hausse de l’inflation entretiendra également des taux d’intérêts qui vont rester élevés. « La Tunisie souffrira d’un ralentissement de l’économie qui est déjà plombée par une croissance quasi nulle et des investissements en berne ».

A noter que les prévisions de croissance de 2023 en Tunisie ont été révisées à la baisse par l’Etat lui-même dans la loi de finances complémentaire, passant d’une estimation de 1,8% à 0,9%, soit 50% de baisse. Et selon Hamza Meddeb, il est fort probable que les niveaux seront encore plus bas en fin d’année, avec une croissance nulle et une véritable stagnation de l’économie.

Ralentissement de l’économie mondiale

Enfin, Hamza Meddeb évoque un ralentissement de l’économie mondiale. A cet égard, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont déjà alerté ces derniers jours sur les premières conséquences de ce conflit sur l’économie.

« Ce que nous voyons, c’est davantage de nervosité dans un monde déjà anxieux », a déclaré récemment la cheffe du FMI, Kristalina Georgieva.

Selon Meddeb, l’économie mondiale va rentrer dans une période de ralentissement à un moment où elle a déjà du mal à se redresser au lendemain des chocs du Covid-19 et de la guerre Russo-Ukrainienne.

« Il y a eu ces dernières années des chocs sur les marchés énergétiques, alimentaires et sur les taux d’intérêt », nous dit-il. Un ralentissement de l’économie mondiale veut donc dire un ralentissement en Europe. Dans ce sens, Meddeb rappelle que l’Union Européenne est le premier partenaire économique de la Tunisie. Ainsi, l’impact sur le pays sera indirect en raison de la baisse de la demande européenne.

« En Tunisie, le tourisme en pâtira, non seulement à travers la demande mais aussi à cause de la situation géopolitique et du climat de polarisation dans le monde. Une partie des touristes européens risque d’éviter le monde arabe dans son ensemble », indique-t-il.

Meddeb, évoque également une éventuelle baisse des transferts des Tunisiens résidents à l’étranger, ainsi que la non-amélioration des investissements. « L’instabilité économique, sociale et politique de la Tunisie couplée d’une instabilité géopolitique ne risque pas d’encourager d’éventuels investisseurs en Tunisie et plus largement dans toute la région », prévient le chercheur.

L’année 2024 s’annonce donc difficile pour le monde et pour la Tunisie dont l’économie s’installe dans la stagnation. En effet, l’environnement géopolitique a un coût économique important menant à une incertitude sur la capacité du pays à maintenir ce niveau de dépense, sans oublier dans ce contexte que l’année 2024 sera une année de remboursements importants de la dette.

« Les factures énergétiques et alimentaires seront importantes, et le service de la dette également. le contexte géopolitique régionale ajoute de l’incertitude à une situation déjà fragile», conclut Hamza Meddeb.

Wissal Ayadi