L’agriculture en Tunisie : Les Cultures maraichères et fruitières confrontées au manque d’eau

15-04-2024

L’agriculture tunisienne se trouve à un carrefour critique, confrontée à une série de défis sans précédent qui menacent la durabilité et la rentabilité des cultures maraîchères et fruitières. Faouzi Sta, un maraîcher établi dans la région de Bizerte, partage son point de vue sur la situation actuelle et les implications des changements climatiques sur le secteur agricole en Tunisie.

Au cours des dernières années, une surabondance de tomates sur le marché a entraîné une chute spectaculaire des prix, passant entre 800 millimes et 1 dinar, principalement en raison de l’augmentation de la production sous serre. Cependant, Faouzi Sta souligne que cette stratégie, bien qu’initialement prometteuse pour fournir des produits toute l’année, a fini par saturer le marché et éroder les marges bénéficiaires des agriculteurs.

« La surproduction de tomates, combinée aux coûts élevés de production en termes d’énergie et d’eau, rend cette culture de plus en plus non rentable pour de nombreux agriculteurs tunisiens. De plus, les effets des changements climatiques se font de plus en plus sentir, avec des étés de plus en plus chauds et des hivers plus instables, affectant la régularité des récoltes et augmentant les coûts de production », nous dit-il.

Faouzi Sta explique que de nombreux agriculteurs ont été contraints d’abandonner la culture sous serre des tomates en raison des pertes financières importantes et de l’incapacité à rembourser les prêts contractés pour financer ces installations coûteuses. Cette tendance a entraîné une diminution de près de 50% de la production de tomates sous serre signalant les prémices d’une crise qui risque de s’aggraver.

Outre les défis économiques, les changements climatiques ont également un impact direct sur la disponibilité de l’eau, une ressource essentielle pour les cultures maraîchères et fruitières. Les périmètres irrigués, qui étaient autrefois des zones fertiles, font face à une pénurie d’eau depuis plusieurs années en raison de la non distribution de la part des autorités pour préserver les ressources hydriques fragile, mettant en péril la survie des cultures gourmandes en eau comme les tomates et les piments.

Faouzi Sta indique a cet égard que les autorités tunisiennes ont appelé les agriculteurs à prendre leurs responsabilités en matière d’approvisionnement en eau, les obligeant même à signer des décharges en cas de manque d’eau dans les périmètres irrigués. Cependant, de nombreux agriculteurs se retrouvent dans une impasse, incapables de faire face à la diminution de l’approvisionnement en eau et confrontés à des risques financiers croissants, souligne-t-il.

Dans ce contexte difficile, les changements climatiques exacerbent les défis déjà existants dans le secteur agricole tunisien. Les périodes de sécheresse prolongée, les températures extrêmes et les phénomènes météorologiques imprévisibles rendent la planification agricole encore plus complexe et incertaine.

« Ces problèmes découlent de l’absence de politique agricole en Tunisie qui définit les plantations en fonction du climat et des ressources hydriques de chaque région », déplore l’agriculteur.

Pour la saison à venir, Faouzi Sta s’attend à une bonne récolte de pommes de terre, mais il exprime des préoccupations quant à la disponibilité des cultures nécessitant une irrigation abondante, telles que les tomates, les piments et divers fruits comme les pommes, les poires, les pêches ou encore les abricots. « Certaines régions ont déjà subi des pertes importantes en raison du manque d’eau, laissant présager une baisse significative de la production pour la saison à venir. Rien qu’à Utique ce sont 1500 hectares d’arbres fruitiers qui ont été ravagés par la sécheresse », souligne Sta.

En conclusion, les changements climatiques exercent une pression croissante sur le secteur agricole tunisien, exacerbant les défis économiques et environnementaux auxquels sont confrontés les agriculteurs. Face à cette crise imminente, il est impératif que les autorités tunisiennes adoptent des politiques agricoles et des pratiques de gestion des ressources qui tiennent compte des réalités changeantes du climat et garantissent la durabilité à long terme du secteur agricole.

Wissal Ayadi