De Villepin livre son analyse sur la politique américaine en Palestine et en Iran (Vidéo)

26-06-2019

L’ancien Premier ministre et ex-ministre des Affaires étrangères français, Dominique de Villepin, a fustigé le plan de paix américain pour régler le conflit israélo-palestinien, qui fait l’objet depuis hier d’une conférence à Bahrein, en l’absence des Palestiniens, et face à de larges critiques sur ses véritables visées de liquider la cause palestinienne.

Interrogé par Jean Jacques Bourdin hier mardi, lors de l’interview BFM/ RMC sur la manière dont il regarde le plan de Trump pour le Proche-Orient, proposant un seul Etat et 50 milliards de dollars pour les Palestiniens, De Villepin a fustigé vivement ce qui est communément appelé le big deal ou deal du siècle :

« Je ne le regarde pas et je conseille vivement à l’ensemble des responsables européens de ne même pas ouvrir ce dossier pour une raison simple, on n’achète pas l’indépendance d’un peuple, on n’achète pas la dignité d’un peuple, 50 milliards pourquoi faire, pour fermer sa gueule et accepter d’être dépouillé de ses droits, c’est ignoble », s’est-il élevé.

 

 

« Ce plan est mort-né », a-t-il prédit, appelant l’Europe « à placer la diplomatie américaine et la politique américaine devant ses responsabilités. »

« Les Etats-Unis est un pays qui a aujourd’hui un rôle important dans le monde et qui y joue sa carte d’une façon irresponsable ». De Villepin juge cela inacceptable et appelle à mettre en place un certain nombre de contrepouvoirs face à l’administration US.

Sur l’escalade américaine en Iran et sa politique de sanctions contre Téhéran, l’ex-Premier ministre français, dont le discours aux Nations-Unis en 2003 contre la guerre d’Irak sous le fallacieux prétexte des armes de destruction massive (ADM) résonne encore dans les esprits, rappelle que « la France a pris l’initiative après l’intervention militaire en Irak avec l’Allemagne et le Royaume-Uni d’aller en Iran pour engager la négociation avec le régime iranien et nous avons pu signer le premier accord de suspension de l’uranium enrichi ».

Il a déploré une « trumpisation de la vie internationale ». « La marque de Donald Trump pèse de tout son poids sur les relations internationales sans contrepoids et sans contre-discours, cela créé une incertitude et une perturbation dans le jeu international, qu’il me parait urgent de corriger’, a-t-il exhorté.

Il pense qu’avec sa politique en Iran, Trump est en train non seulement d’assécher l’économie iranienne « mais aussi d’aller vers un changement de régime, c’est l’ambition de Trump et de ses principaux lieutenants », a-t-il dit, signalant que « le président américain est entouré par un quatuor de bellicistes et de va-t’en-guerre en l’occurrence Pompéo, Bolton, Esper (chef du Pentagone) et la directrice de la CIA. « Le risque d’escalade est souhaité par l’entourage immédiat du président américain », mais il existe « des contrepoids en particulier au sein du pentagone, et de relais à l’intérieur du congrès qui sont plus modérés et qui ont une vision plus grande du Moyen-Orient »

Risques de déstabilisation des prix du pétrole
Il a par ailleurs souligné que « ce qui a pesé dans la décision de Donal Trump, de renoncer à la frappe qu’il avait imaginée en réaction à ce drone qui aurait été dans l’espace aérien international, outre le nombre de victimes qu’il a évoqué, il y a le risque de déstabilisation des prix du pétrole, voir tout à coup le détroit d’Ormuz en feu, fermé avec toutes les conséquences que ça a pour l’ensemble des pays de la communauté internationale ».

L’autre risque, a-t-il dit, est celui de l’escalade régionale. « Nous sommes dans une situation de suicide du Moyen-Orient engagée depuis de nombreuses années mais nous ne sommes pas au bout du risque d’escalade. Il y a des menaces très fortes qui pèsent sur certains petits Etats du Golfe, voire sur l’Arabie saoudite qui sont fragiles », a-t-il indiqué, signalant que « le risque de déstabilisation aurait des implications extrêmement lourdes ».

Et d’ajouter : « On ne peut être la plus grande puissance mondiale et agir en perturbateur du monde, c’est le message que l’Europe pourra adresser aujourd’hui en direction des Etats-Unis ».

De Villepin considère que « la guerre est un outil possible dans la main de Trump dans la perspective électorale, c’est un moyen pour lui de renforcer sa mise politique et sa crédibilité internationale. Il pourra d’autant plus le faire que nous restons passifs et silencieux ». L’ex-locataire de Matignon a appelé la France et l’Europe à proposer un discours fort alternatif sur ces questions à la vielle du G20 d’Osaka et du G7 bientôt à Biarritz, en suggérant « de parler avec les Russes, si on ne peut parler avec les Etats-Unis ». Il a proposé « un G4 avec Paris, Berlin, Moscou et Pékin pour établir un contrepoids à l’influence néfaste de Trump sur la vie internationale. »

Gnet