Tunisie : L’eau de robinet se dégrade-t-elle vraiment ? Réponse d’un expert

05-09-2022

La qualité de l’eau courante se dégrade de plus en plus en Tunisie. C’est le constat fait par plusieurs habitants de la capitale qui ont signalé des odeurs nauséabondes, et la couleur jaunâtre de l’eau du robinet via  les réseaux sociaux.

Ça sent la moisissure et le calcaire. Coloration  jaunâtre et impuretés  notamment suite aux coupures répétitives effectuées par la la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (SONEDE), signalent les internautes.

L’eau courante est désormais imbuvable, voire inexploitable même pour la cuisine, la douche, et le reste des utilisations quotidiennes …

Quel est le vrai du faux de ces constats ? Mohamed Salah Glaied, ingénieur en chef et ancien chef d’arrondissement chargé de l’eau potable et de l’irrigation au Commissariat régional de développement agricole de Nabeul, nous explique ce phénomène.

Le stress hydrique derrière la dégradation de la qualité de l’eau

Dans un entretien accordé à Gnetnews, l’expert a expliqué que contrairement à ce que pensent les utilisateurs, l’eau est  de plus en plus traitée par la SONEDE vu le manque important des pluies, qui sont supposés remplir les barrages, étant leur première source d’alimentation sur le Grand  Tunis, le Cap Bon, le Sahel et Sfax qui sont habitées par près de 7 millions de citoyens…Mais ces sources ont été remplies à 30% seulement cette année. Cela est dû aux effets du réchauffement climatique, qui ne cesse d’accentuer le stress hydrique dans le pays.

Les efforts de la SONEDE de désinfection, traitement au chlore et le processus de potabilisation selon des analyses conformes aux normes l’OMS, font que l’eau courante dans ces grandes villes ne contienne aucun agent pathogène, dangereux pour la santé. En revanche elle garde tout de même un arrière-gout parfois détecté dans des régions plus que d’autres, provenant des algues très concentrées dans ces sources naturelles superficielles, dont Oued Sejnane par exemple. Ce dernier contient différentes algues odorantes mais qui n’affectent pas la potabilité de l’eau, souligne Mohamed Salah Glaied.

Même dans le centre et le sud du pays, l’eau est extraite par la SONEDE via des sondages vu l’absence des barrages, rivières et lacs. L’eau est donc pompée directement des nappes phréatiques, et subit un traitement et une désalinisation, afin qu’elle devienne exploitable. Même à Djerba la qualité de l’eau s’est améliorée grâce aux efforts de la station de dessalement des eaux de mer qui a ouvert ses portes depuis un an. « Une autre station sera inaugurée en 2023 pour le dessalement de l’eau de Gabes et ses alentours, pour améliorer la qualité de l’eau au niveau du sud », a précisé le spécialiste en eaux.

Mohamed Salah Glaied, ingénieur en chef et expert dans le secteur de l’eau

Les osmoseurs et l’eau embouteillée, comme une autre alternative

Par ailleurs, la dégradation de la qualité de l’eau a provoqué la demande pour les osmoseurs  d’eau domestique, qui adoucissent la teneur du chlore et diminuent la concentration de quelques sels minéraux, éléments nocifs ou polluants. Ces dispositifs de filtration coutent souvent chers, et sont incapables de modifier la composition éco-chimique de l’eau, nous a indiqué l’expert, ajoutant qu’ils peuvent être efficaces dans les cas d’eau troubles…

L’ingénieur en chef Mohamed Salah Glaied a aussi évoqué la problématique de l’eau en bouteille, devenue une alternative pour l’eau dite imbuvable du robinet. « Les 28 sociétés tunisiennes qui vendent ces bouteilles affichent un chiffre d’affaire de 813 MD par an. Ils exploitent gratuitement les richesses hydrauliques du pays, pour les revendre ensuite aux Tunisiens. Une surface de 1 mètre cube d’eau (1000 litres) leur coute 0.055 DT, alors que ces entrepreneurs le vendent cher dans les commerces, sans le contrôle de l’Etat. Ces mêmes commerçants optent pour la spéculation dans chaque crise, vu que leurs revenus ne seront pas perturbés même après un an de mévente », dénonce-t-il.

Pour faire face à ce fléau, l’expert a appelé l’Etat a investir dans les richesses hydrauliques du pays, pour les exploiter d’une manière qui soit rentable pour les citoyens et pour l’Etat. Il a appelé aussi à rationaliser la consommation de l’eau afin de diminuer les effets du stress hydrique.

 

E.B