Emirats : L’accord de normalisation avec Israël divise dans le Golfe

17-08-2020

AFP – L’annonce d’une normalisation des relations entre les Émirats arabes unis et Israël a fait l’effet d’une bombe diplomatique. La nouvelle, une première dans le golfe Persique, est accueillie avec malaise voire hostilité. Beaucoup dans la région y voient une trahison à la cause palestinienne.

En devenant le premier pays du golfe Persique à établir des relations officielles avec l’État hébreu, les Émirats arabes unis sont dépeints dans les médias locaux comme le chantre de la «paix», dans une région particulièrement divisée et sous tension avec le voisin iranien.

Dans les cinq autres pays du conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Qatar, Bahreïn, Koweït et Oman), la pilule ne passe pas auprès de tout le monde. Après l’annonce surprise par le président américain, Donald Trump, de cet accord «historique», les yeux se sont tournés vers l’Arabie saoudite, première puissance arabe, alliée des Émirats et qui s’est discrètement rapprochée d’Israël ces dernières années. Mais Ryad n’a pas réagi. Sur les réseaux sociaux, les jeunes saoudiens, très actifs, ont largement relayé le hashtag très populaire dans le Golfe «la normalisation est une trahison».

Bahreïn a été le premier pays de la région à saluer l’accord négocié par les États-Unis, un très proche allié. Plusieurs partis d’opposition ont dénoncé dans un communiqué commun «toute normalisation avec l’entité sioniste».

« C’est une trahison, un coup de poignard dans le dos des frères palestiniens », fustige un père de famille bahreïni qui a requis l’anonymat. Manama, particulièrement hostile à l’Iran à l’instar d’Israël et des Émirats, pourrait bien emboîter le pas à ces derniers, selon des analystes. « Malheureusement, je ne pourrai rien faire d’autre que protester sur les réseaux sociaux à cause de la situation sécuritaire », dit-il à l’AFP, en référence à la répression menée par les autorités contre les voix critiques dans ce royaume.

Aux Émirats aussi, les critiques publiques sont encore plus rares que la pluie, dans un pays très chaud entouré de déserts. «Je prépare déjà mes vacances pour Tel-Aviv», ironise un jeune Émirati qui travaille dans le marketing. «Jusqu’à quand vivrons-nous dans le conflit ? Le monde a assez de problèmes. Faisons un peu la paix », dit-il à l’AFP. «J’ai confiance dans la stratégie et la sagesse de nos dirigeants. Ils l’ont fait avant tout pour les Palestiniens», estime le jeune homme.

Jeudi, les Émirats arabes unis ont assuré que leur accord prévoyait de «mettre fin à toute annexion supplémentaire» de territoires palestiniens en Cisjordanie. Mais le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a averti que l’annexion était simplement «reportée».

Le Qatar, qui n’a pas réagi à l’annonce de jeudi, est depuis 2017 en crise diplomatique avec les Émirats, l’Arabie saoudite, Bahreïn et l’Égypte, qui l’accusent de soutien aux mouvements islamistes et de connivence avec l’Iran. Très proche des États-Unis, Doha dément ces allégations. «Je ne crois pas qu’Israël soit un vrai pays», dit à l’AFP le jeune étudiant qatari en colère. Il rejette toute normalisation pendant que «les Palestiniens se battent pour leur terre avec des pierres contre des chars».

Doha a pourtant lui-même d’étroites relations avec l’État hébreu. L’émirat a des contacts autour de la bande de Gaza, où les Qataris, proches du Hamas, soutiennent des projets de développement. Il a même accueilli, en 1996, le premier bureau de représentation israélien dans le golfe Persique, avant sa fermeture en 2000.

Téhéran a condamné vendredi l’accord de normalisation des relations entre sa bête noire Israël et les Émirats arabes unis, conclu sous l’égide des États-Unis, son ennemi juré, affirmant que cela allait renforcer «l’axe de la résistance» pro-iranien dans la région.

Cet accord annoncé jeudi est une «stupidité stratégique d’Abou Dabi et de Tel-Aviv qui renforcera sans aucun doute l’axe de résistance», a déclaré le ministère iranien dans un communiqué en référence aux alliés de Téhéran au Moyen-Orient (…).

«Le peuple opprimé de Palestine et toutes les nations libres du monde ne pardonneront jamais la normalisation des relations avec l’occupant et le régime criminel d’Israël», a affirmé le ministère iranien des Affaires étrangères.