Tunisie/ Energies renouvelables : Un grand potentiel, de nombreux projets lancés, mais des freins persistent (Expert)

02-02-2023

D’ici quatre ans, 65.000 foyers tunisiens à faibles revenus seront raccordés au réseau basse tension par des unités de production d’électricité à partir de l’énergie solaire photovoltaïque.

Ce programme pilote national baptisé « Prosol Elec Economique », est mis en œuvre par l’Agence Nationale pour la Maîtrise de l’Energie en coordination avec la Société Tunisienne de l’Electricité et du Gaz.

Une initiative qui montre que la Tunisie est en train de tracer le chemin de la transition énergétique, à un moment où le monde entier vit une crise énergétique, mais aussi climatique sans précédent.

Où en est la Tunisie en termes d’énergies renouvelables ? Quel est son potentiel ? Quelles sont les entraves au développement de ce secteur qui s’impose comme étant aujourd’hui vital pour l’avenir énergétique du pays ? Nous avons tenté de répondre à ces questions grâce à l’analyse de Faouzi Chokri, expert en énergies renouvelables.

Le potentiel de la Tunisie

La Tunisie dispose d’un grand potentiel en termes d’énergies renouvelable grâce à notamment à sa position géographique et son climat. En premier lieu, il y a l’énergie solaire, pour la production de l’électricité à travers la technologie photovoltaïque, mais aussi le chauffage solaire, c’est à dire utiliser le solaire pour chauffer directement l’eau pour une utilisation domestique et industrielle.

A noter que la Tunisie bénéficie d’un taux d’ensoleillement important dépassant 3000 heures par an.

La deuxième source d’énergie renouvelable provient de l’éolien fabriqué à partir du vent. « Ce potentiel éolien est peu développé en Tunisie, en raison essentiellement du cout très élevé de ses installations. Ainsi, ce sont des projets qui sont uniquement financés par la STEG et donc l’Etat », indique Faouzi Chokri.

Enfin, la troisième source d’énergie renouvelable présente en Tunisie est ce qu’on appelle la biomasse, ou la valorisation des déchets urbains et agricole. C’est un secteur très peu développé alors que cette technologie peut permettre de produire à la fois de l’électricité mais aussi du gaz à travers la méthanisation des ces déchets.

Le nombreux projets pour développer les énergies renouvelables

Dans sa stratégie, l’Etat s’est fixé comme objectif un taux de pénétration de 30% d’énergies renouvelables dans la production d’électricité d’ici 2030. Aujourd’hui ce taux se situe à environ 7%. Nous sommes ainsi très loin de l’objectif initial malgré les efforts du gouvernement, ayant mis sen place, tant au niveau national que régional, plusieurs projets comme le Plan Solaire Tunisien d’un montant de 15 milliards de dinars d’investissements publics et privés.

« La STEG avait pour ambition de créer cinq stations photovoltaïques d’une capacité globale de 300 mégawatts à Tataouine, Kébili, Médenine, Gafsa et Djerba, mais tous ces projets n’ont pas tous été réalisés, indique l’expert.

Il y a le projet de parc éolien dans la région du Cap Bon financé par l’Agence française de développement, un projet de station stockage d’énergie dans la région de Béja, d’une capacité de 400 mégawatts et enfin un projet de centrale biomasse, d’une puissance de 15 mégawatts à Tina dans le gouvernorat de Sfax. « Tous ces projets ont été faits pour arriver à l’objectif de 30% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique. »

L’urgence de la transition énergétique

Actuellement, la sécurité énergétique de la Tunisie est dépendante des importations. A titre indicatif, ce ratio était de 7% en 2010, de 49% en 2019, et aujourd’hui il se situe à près de 51% en raison notamment de la crise de l’énergie au niveau mondial.

« La Tunisie est dans l’urgence de trouver de nouvelles sources d’énergies à travers notamment les énergies renouvelables. Il faut également qu’elle emprunte le chemin de l’efficacité énergétique en rationalisant la consommation », souligne Faouzi Chokri.

Par ailleurs, d’après les derniers chiffres publiés en novembre dernier par l’Institut national de la statistique, le déficit énergétique a plus que doublé en un an s’accaparant 37,2% du déficit total de la Tunisie. La balance énergétique s’établit à -7.922,2 MD à la fin octobre 2022 contre 3.982,7 MD fin octobre 2021. En effet, les importations des produits énergétiques ont enregistré une hausse 83,6%.

« Les énergies renouvelables sont une solution réduire ce déficit », relève Mr Chokri.

Quelles sont les freins au développement des énergies renouvelables?

D’après l’expert l’origine du retard de la réalisation de cette stratégie provient d’abord de l’absence d’une véritable volonté politique émanant de l’instabilité gouvernementale qui prévaut depuis 2011 et des divergence de ministres partisans des énergies fossiles et ceux partisans des énergies vertes.

Il y a aussi un problème au niveau des réglementations en vigueur pour investir dans les énergies renouvelables qui, selon Faouzi Chokri, sont beaucoup trop difficiles à appliquer pour les investisseurs.

Faouzi Chokri évoque également les difficultés dans les financements de ces projets. « Les projets d’énergies renouvelables lancés dans le cadre de contrats conclus par la STEG sont jugés à risques par les banques et refusent donc de les financer », nous dit-il.

Les projets d’énergies renouvelables sont aussi victimes des problèmes de raccordement au réseau de la STEG, qui détient le monopole dans l’achat de l’énergie produite dans ce cadre.

Recommandations

Dans ce sens, Faouzi Chokri préconise de simplifier les procédures administratives auprès de la STEG, lesquels provoquent des retards entre l’achèvement par exemple d’une centrale solaire et son raccordement au réseau de la STEG.

Faouzi Chokri appelle également les autorités à instaurer la bonne gouvernance du Fonds de transition énergétique qui est le principal outil de financement destiné aux activités liées aux énergies renouvelables en octroyant notamment de nouvelles lignes de crédits.

Enfin l’expert rappelle l’importance d’impliquer les banques locales dans le financement des énergies renouvelables, notamment pour le secteur agricole et les PME.

Wissal Ayadi