Femmes en politique : Des avancées, mais le combat continue !

20-08-2019

Où sont les femmes ? Malgré le principe de parité instaurée par la loi et la constitution, la participation des femmes pour les élections à venir n’est pas à la hauteur des espoirs. Seulement 16% des têtes de listes aux prochaines législatives sont des femmes. Certes, ce chiffre a doublé par rapport à 2011, mais elles ne représentent que 5% des candidats à l’intérieur des listes. Quelles sont les raisons de cette situation ? Est-elle subie ou choisie ? GnetNews s’est penché sur cette question au lendemain du 63ème anniversaire de la promulgation du Code du Statut Personnel.

Culture et mentalités

Les femmes ont toujours été au premier rang quand il s’agit du mouvement social. Elles ont beaucoup participé au changement de certaines lois comme la loi électorale, la parité…mais si elles ont pu avoir une influence sur ces changements, cela a toujours été via des associations et donc en tant que membres de la société civile. Mais quand il s’agit de prendre des responsabilités dans la sphère politique, c’est une autre réalité. Anwar Mnasri, membre de la Ligue des Electrices Tunisiennes (LET) déplore cette situation. « Les statistiques reflètent la réalité politique en Tunisie. Tant que nous n’avons pas une obligation législative qui impose aux partis politiques et aux listes de respecter le principe de parité verticale, on ne pourra pas imposer la présence des femmes en politique ».

Les femmes pâtissent en effet d’une image encore trop ancrée dans la tradition… celle d’une femme à qui incombe les tâches relatives au foyer familial. « Les obstacles sont d’ordre du stéréotype, de l’image de la femme. Donc la femme est exclue, du fait qu’elle assume des rôles sociaux qui la handicapent puisque c’est elle qui prend en charge les tâches de la maison, des enfants, de l’éducation…et donc elle ne trouverait pas le temps nécessaire pour être présente dans la scène politique », déplore Anwar Mnasri.

La femme dans les scrutins

Les femmes ont encore beaucoup de mal à se frayer un chemin dans l’arène politique. Pourtant, une lueur d’espoir a jailli en 2018, lors du scrutin municipal. L’obligation pour les partis d’instaurer la parité verticale et horizontale dans leurs listes a permis à la gente féminine d’accéder à 47% des sièges à travers le pays. Dont, des postes importants, à l’image de l’élection de Souad Abderrahim à la tête de la mairie de Tunis.

D’un autre côté, la présence des femmes dans les hauts postes de responsabilité reste minime. En effet, au niveau gouvernemental, elles sont la plupart du temps, si ce n’est toujours, cantonnées aux questions relatives aux femmes, aux enfants ou aux droits sociaux…

Mais jusqu’à aujourd’hui aucune d’entre elles n’a pu accéder au poste de chef du gouvernement, de ministre de la défense, de l’intérieur ou de la justice.

Pour l’élection présidentielle du 15 septembre prochain, seule deux femmes sont, pour l’instant, en lice. Il s’agit de Abir Moussi et Salma Elloumi. Toute deux ont créé leur propre parti, ce qui leur a permis de déposer légitiment, vis-à-vis de leur famille politique, leur candidature. « Les femmes ont besoin de plus de garanties que les hommes pour assoir leur crédibilité et une femme qui a derrière elle un parti ça a plus de garanties », nous explique Dorra Mahfoudh, sociologue et fondatrice de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD). Ainsi, pour pouvoir représenter un parti lors d’un scrutin uninominal, faut-il le créer soi-même ?

Violences politiques et expériences

Quand les femmes accèdent enfin dans l’antre des partis…elles sont souvent victimes de violences politiques. « La violence politique touche les femmes en tant que femmes et non en tant que candidate. Par exemple pour le dépôt des candidatures à la présidentielle, dès le premier jour, on a commencé à faire des blagues sur la tenue des femmes qui sont venues déposer leur candidature à l’ISIE », déplore Mme Mnasri. Souvenez-vous également de la polémique autour de la robe de la députée Nadia Zangar en septembre dernier.

GnetNews a rencontré deux femmes politiques. Bochra BelHaj Hmida, député, militante de gauche et Yamina Zoghlami, député Ennahdha. Toutes deux affirment qu’être une femme politique est difficile.

« L’image des partis politiques est encore très masculine. Par exemple, c’est bien après avoir constitué les listes, que l’on se rend compte qu’il manque des femmes. Et c’est pour cela que les femmes s’entretuent entre elles. C’est parce qu’elles ont intériorisé qu’il n’y a qu’une seule place », nous explique Bochra BelHaj Hmida.

De son côté, Yamina Zoghlami affirme que la présence des femmes en politique permet de préserver la démocratie et la liberté. « Je pense que nous devons être dans une logique de débat et d’ouverture avec les femmes des autres partis pour pouvoir défendre la cause des femmes. Dans la sphère politique, la femme ne doit pas être cantonnée aux postes de dédiées uniquement aux droits des enfants ou de la femme. Nous devons faire partie de tous les débats qui touchent notre pays. Depuis que Maya Jeribi est décédée nous n’avons pas eu de leader politique emblématique femme. C’est important que femmes participent à la vie politique pour préserver la démocratie et la liberté ».

L’autre défi sera d’amener les électrices à voter… Si le nombre de femmes inscrites sur les registres électoraux est supérieur à celui des hommes… Leur taux de participation reste bien inférieur à celui des hommes.

Wissal Ayadi