Tunisie : « L’accord avec le FMI n’est pas la solution ultime à la résolution des problèmes financiers » (Experts)

17-10-2022

Ce sera finalement 1,9 milliard de dollars sur une période de quatre ans. Ce samedi 15 octobre, le Fond monétaire international et les autorités tunisiennes ont annoncé être parvenus à un accord sur ce plan de financement tant attendu et en cours de négociations depuis plusieurs mois.

Même si la partie tunisienne avait demandé une enveloppe de 2 à 4 milliards de dollars, cette somme permettra tout de même aux finances du pays de reprendre leur souffle…mais non sans conditions.

Le versement des tranches reste tributaire des efforts fournis par la Tunisie sur le plan des réformes qu’elle doit mener afin de rétablir la croissance et d’arrêter l’hémorragie ayant conduit la Tunisie au bord de la faillite.

Dans un entretien accordé à GnetNews, l’économiste Ridha Chkoundali a affirmé dans un premier temps que les 4 milliards de dollars demandés par le gouvernement tunisien étaient impossibles compte tenu de la fragilité de la situation économique, mais aussi politique du pays.

Il a tout de même souligné l’importance de cet accord car il va permettre de pousser le dossier tunisien qui sera présenté au conseil d’administration  du FMI en décembre prochain, date qui coïncide avec les prochaines élections législatives. « Si ces élections se passent bien, s’il n’y pas de tensions sociales, si les syndicats des travailleurs vont dans le bon sens, et si Kaïs Saïed arrive à assoir un parlement qui représente vraiment le peuple, cela constituera une garantie supplémentaire pour la réussite de cet accord »,  dit-il.

Chkoundali a, par ailleurs, précisé que cet accord reste tributaire des réformes qui seront engagées par la Tunisie et demandées depuis 2014 par le FMI. « Si les réformes promises sont appliquées comme elles l’ont été lors du dernier plan de financement du FMI, nous aurons les mêmes résultats, à savoir le non versement des tranches. Les même politiques, donnent les mêmes résultats », a-t-il indiqué.

Une vision également partagée par Mohamed Salah Souilem, ancien Directeur général de la politique monétaire à la Banque Centrale de Tunisie, qui nous a livré son analyse. D’après ce dernier, il va falloir que les autorités tunisiennes montrent leur volonté à mettre en place les réformes nécessaires, notamment celles liées à la masse salariale dans la fonction publique à travers le gel des salaires et des  recrutements, ainsi que le rééquilibrage de la balance des paiements. « Ce montant de 1,9 milliard sera débloqué en fonction des revues du FMI. La périodicité de ces revues pourrait être de 6 mois », souligne-t-il.

L’Octroi des 4 milliards difficiles à atteindre

Mohamed Salah Souilem précise lui aussi, que les 4 milliards demandés étaient impossibles à atteindre. « L’encours total des crédits d’un pays ne peut pas dépasser un certain pourcentage. De plus, il faut rappeler que nous avons un autre mécanisme de crédit que nous avons contracté en 2016 qui n’est pas encore totalement remboursé. Donc le FMI prend en compte également ce crédit dans l’octroi de ce nouveau plan de financement ».

Les deux experts s’accordent également à dire que cet accord n’est pas une solution ultime à la résolution des problèmes financiers de la Tunisie. « Il va permettre de donner une garantie pour les autres bailleurs de fonds. La Tunisie étant sous programme cela veut dire qu’il y aura des mesures d’ajustement, des réformes qui vont permettre à l’Etat d’améliorer sa croissance, de réduire l’endettement, le déficit budgétaire, de réduire le déficit de la balance des paiement, des rectifier le tir au niveau des entreprises publiques. Cela va nous offrir une position de confort par rapport aux bailleurs de fonds comme la BEI ou la BAD par exemple, qui financent des projets d’envergure en Tunisie », affirme Mohamed Salah Souilem.

En effet, les bailleurs ou les pays qui veulent investir en Tunisie voient en cet accord un gage de solvabilité du pays. Il en va de même pour les investisseurs privés.

Par ailleurs, cet accord redonnera aussi aux fournisseurs de matières premières la confiance perdue des dernières années et qui ont eu pour conséquence des pénuries d’essence,  ou de sucre. « Les agences de notation vont également réévaluer la note de la Tunisie grâce à cet accord », ajoute Souilem.

« Ce qui est positif dans le communiqué relatif à cet accord, c’est que le FMI n’a pas fait allusion à l’utilisation du taux de change afin de rééquilibrer la balances des paiements parce qu’ils sont convaincu que le dinar tunisien est globalement à son niveau d’équilibre. Par contre ils ont insisté sur la politique monétaire afin de maintenir la stabilité des prix. La BCT doit faire le nécessaire pour maitriser les pressions inflationnistes pour conférer à l’ensemble des acteurs économiques une meilleure visibilité au niveau de l’évolution de taux d’intérêts sur le moyen et le long terme », a-t-il conclu.

Wissal Ayadi