Giresse : « Affronter la Tunisie n’est pas une partie de plaisir »

16-05-2019

Le sélectionneur national, Alain Giresse, a déclaré, lors d’une interview accordée à Beinsports, qu’il a trouvé une équipe prête à son arrivée en décembre : « Lorsque je suis arrivé, j’ai pris une équipe en place. Dans d’autres pays, j’ai eu à entraîner des équipes à construire ou à reconstruire. Là, c’est une équipe qui existe. Qu’on le veuille ou non, quand une équipe fait une Coupe du Monde, c’est qu’elle est déjà en place. Ensuite, on peut débattre de cette participation à la Coupe du Monde. Je suis d’accord pour dire que ça n’a pas été un triomphe, mais c’est loin d’être catastrophique. Dans un groupe avec les deux demi-finalistes (Belgique et Angleterre), c’était compliqué. Cette équipe-là a une existence. Il faut continuer à la faire progresser ».

La réputation de la Tunisie : « Je connaissais bien le championnat national. Les équipes tunisiennes brillent dans les compétitions africaines et le dernier exemple en date est l’ES Tunis. Le championnat tunisien a une valeur. Au niveau de la sélection, je suis bien placé pour en parler. J’ai rencontré quelques fois la Tunisie en match officiel avec le Sénégal ou le Gabon par exemple en 2010. Quand on se dit qu’on va jouer la Tunisie, ce n’est absolument pas une partie de plaisir. On se dit que l’on va jouer contre une équipe solide, bien en place. La Tunisie a la qualité de faire déjouer ses adversaires. Elle a une reconnaissance. Et c’est exactement ce que j’ai dit aux joueurs. Je leur ai dit : « Vous ne savez pas ce que vous représentez lorsqu’on joue contre vous ! ». Je peux le dire car j’ai connu ce cas. Et aujourd’hui, je suis à la tête d’une équipe qui a une certaine représentativité ».

Le niveau du championnat national : « L’ES Tunis jouerait en Ligue 1 sans aucun problème. Pas forcément jouer les premiers rôles mais elle tiendrait sa place au milieu de tableau. C’est une équipe avec des arguments et très structurée. Il y a d’autres clubs très intéressants comme l’ES Sahel, Sfax ou Bizerte. Le Club Africain est un peu plus en difficulté ces derniers temps mais ça reste une place forte. Ce sont des clubs avec des histoires et des valeurs en Tunisie ».

La préparation de la CAN : « On va commencer tranquillement début juin. Le programme tiendra compte de toutes les fins de championnat de nos joueurs. Il y’en a qui ont déjà arrêté et d’autres à qui il reste quelques jours encore. L’Espérance Tunis joue par exemple la finale de la Ligue des Champions le 31 mai. Il faudra s’organiser en fonction. Ensuite, nous avons déjà trois matchs amicaux programmés : l’Irak (07/06), la Croatie (11/06) et le Burundi (17/06). Il faudra faire une préparation qui convient aux états d’après-saison de tous les joueurs ».

La liste des 23 pour la CAN : « Si je vous dis non, vous n’allez pas me croire. On va dire que sur 23, j’arrive à 19/20 joueurs. La suite se joue à quoi ? A très peu de choses finalement. Pour le reste, je ne vais pas choisir au hasard. Je ne vais pas m’appuyer que sur du sportif pour sélectionner les deux ou trois joueurs restants. Il y aura l’aspect tactique, les complémentarités… On a deux joueurs au milieu blessés. Ben Amor s’est fait les croisés, c’est terminé. Sassi a une fracture à la malléole et on est dans l’espoir. Il a été opéré mais le temps presse. On a récupéré Msakni également ces derniers mois. Il a joué quelques matchs depuis janvier, c’est important pour le rythme ».

Onze type : « Je n’ai pas le onze type au centime près. D’abord, est-ce qu’il existera ? Peut-être… Pour les grandes lignes, bien sûr je sais qui sera aligné. Il y a également la question du système de jeu. Par exemple, on a joué en Algérie (défaite 1-0) un match amical en 4-4-2 que la Tunisie pratique peu. L’équipe a parfaitement fonctionné dans ce schéma-là car on avait très bien travaillé avant et les joueurs étaient impliqués. Cela veut dire que les joueurs sont réceptifs au système de jeu. Quand on les met au poste qu’il convient, les joueurs sont capables de démontrer leur valeur. Ils ne sont pas bridés ».

Points faibles : « Je veux que mes joueurs soient portés par de l’engagement, de la détermination, de l’agressivité. Je me suis assis et j’ai pris les matchs de 2017 et 2018. 13 matchs en 2017, 13 matchs en 2018. 32 buts encaissés. 11 sur coups de pied arrêtés ! C’est beaucoup trop. Je leur ai demandé de faire attention à ça. Si on élimine déjà trois ou quatre buts sur coups de pied arrêtés, vous allez voir qu’il y aura plus de succès. Cela veut dire qu’il y a un manque d’agressivité et de détermination. Je leur ai dit qu’ils m’auront continuellement sur le dos, aux entraînements, aux matchs, dans le quotidien. Je veux de l’exigence. L’état d’esprit, les joueurs l’ont mais il faut le décupler ».

Le poste de N°9 pose-t-il un problème ? : « Ça dépend ce que l’on entend par n°9… On va par exemple prendre l’exemple de Wahbi Khazri qui est passé n°9 ces derniers temps. Ce n’est pas un attaquant de fixation comme on dit mais un attaquant de pointe avec une forme de liberté. Pourquoi s’en priver ? Pourquoi se brider à un schéma bien précis d’un attaquant ? Si vous n’avez pas de joueur qui correspond au profil style Giroud et bien on joue avec des joueurs avec beaucoup de mobilité, qui offrent des solutions avec autant d’efficacité ».

La découverte : « J’ai fait venir Wajdi Kechrida. Un très bon latéral droit. Il est rentré en équipe nationale comme s’il avait toujours joué en sélection. Il a été formé à Nice. Il a un bon bagage tactique. Il était vraiment à l’aise. Ensuite, il y a les joueurs déjà reconnus à l’instar de Badri ou Ben Mohamed par exemple ».

Les objectifs : « Objectivement, ça ne sera pas facile car tous les gros sont là. Et vous allez voir que durant cette CAN, les affiches des 8es de finale seront supérieures à celles des quarts, voire des demies. Prenons le cas de la Tunisie. Si on se qualifie pour les 8es, on a de très grandes chances d’affronter le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Ghana ou le Cameroun. On n’est pas tombé dans un groupe protégé et ce n’est pas de chance. Je comprends aussi que les supporters tunisiens en aient marre de s’arrêter tout le temps en quarts. Il faut voir les conditions de ces éliminations aussi. En 2015 face à la Guinée Equatoriale, on ne peut pas dire que la responsabilité incombe aux joueurs ou au staff (ndlr : problème d’arbitrage) et ce le problème qui peut y avoir dans ce genre de compétition ».

Les conditions de travail : « C’est vraiment très agréable. Et que dire des conditions de travail ? La Fédération nous met tout à disposition avec beaucoup de moyens et de très bonnes infrastructures. Même si les Tunisiens sont très portés sur leur club, lorsqu’il faut supporter la sélection, ils sont présents. Quand les circonstances réclament de la mobilisation, les Tunisiens sont là ».

A propos des binationaux : « Il y a toujours des démarches en cours. On travaille beaucoup avec la Fédération. Dans tous les pays, c’est compliqué. L’Algérie est confrontée à ce problème avec Aouar par exemple. J’ai été coach du Sénégal, Koulibaly (Naples) je l’ai espéré pendant deux ans, il y est maintenant. Baldé aussi. Au Mali, j’ai aussi espéré Sako, il n’est venu qu’après. En Tunisie, on parle beaucoup de Yan Valéry (Southampton). Yan Valéry a joué avec les équipes nationales françaises. Pour le moment, on est dans l’attente. Peut-être que dans un an, deux ans, il viendra. Le contact et le suivi sont toujours maintenus. Et ça, c’est important pour que le joueur ait un jour le déclic et vienne. Le plus bel exemple, c’est Jérémy Morel. Il va faire la CAN avec Madagascar. Tout d’un coup, il prend conscience qu’il peut participer à une grande compétition. Lui, c’est différent car il avait mis l’équipe de France de côté. Pour les jeunes qui ont espoir de jouer avec les Bleus, c’est plus compliqué. Ce sont tout de même des gens qui sont nés en France, en Italie, en Espagne, il ne faut pas l’oublier. En tant que sélectionneur, ça fait partie de ma démarche d’essayer de rencontrer et de discuter avec les probables renforts ».

Wissem Ben Yedder : « Je peux avoir un contact avec lui. Je l’ai croisé à Toulouse et je suis de Toulouse. Compte tenu de sa saison et du fait que l’équipe de France devient plus compliquée pour lui… On peut se dire que si tout d’un coup, il souhaite connaître autre chose, alors peut-être… Mais j’avoue, ce n’est pas facile. La valeur du joueur ne se discute pas ».

Jeremy Dudziak : « Il fait partie des joueurs avec qui le contact est là. Lui aussi est passé par les équipes de jeunes en Allemagne. Ces joueurs qui ont goûté à ça, ils ont toujours un espoir de jouer plus haut. L’autre point compliqué, c’est de leur faire accepter les conditions de jeu qui peuvent être très compliquées en Afrique. C’est un point sur lequel la Tunisie ne peut rien faire. On y est souvent confronté ».

Message aux joueurs : « Ça sera difficile. Il faut des gens qui se connaissent. Je les ai tous mobilisés pendant les deux matchs au mois de mars. J’ai redynamisé l’équipe en leur disant de bien prendre conscience de qui ils sont. Je veux qu’ils sachent que ce n’est pas facile d’affronter la Tunisie. J’ai essayé de leur mettre ça dans la tête. Concrètement ça veut dire quoi ? Cela signifie que chacun qui porte ce maillot doit avoir cette fierté et cette ambition ».