« Il y a une guerre mondiale au sein de l’Islam sunnite », selon Hubert Védrine

18-10-2019

« Nous ne pouvons plus, nous les occidentaux dans la réalité du monde de 2019, à la fois imposer la démocratie en Syrie, imposer l’autonomie pour les kurdes et lutter contre l’islamisme, il faut hiérarchiser », a déclaré le diplomate et ancien ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine.

Intervenu mercredi à l’émission de Jean-Pierre Elkabbach, sur la chaine CNews, Hubert Védrine estime que « la priorité absolue, c’est de bloquer l’islamisme ». « Il y a une sorte de guerre mondiale dans l’islam sunnite entre l’immense majorité des musulmans qui ne posent aucun problème et une minorité », a-t-il souligné, selon une vidéo mise en ligne.

« La lutte mondiale au sein de l’islam sunnite, ce n’est pas uniquement le terrorisme, c’est l’islamisme, c’est une espèce de retour à un Islam totalement archaïque, totalement antagoniste avec toutes les autres formes de civilisation, c’est une lutte entre musulmans », a-t-il analysé, s’appuyant sur ce que se dit par un certain nombre d’intellectuels et romanciers tunisiens, algériens, marocains, égyptiens, etc.

L’islamisme est pour lui « la Charia interprétée à la façon wahhabite saoudienne qui doit s’imposer contre toutes les lois civiles, et contre toutes les républiques. C’est une bataille globale », il ne faut pas, à ses yeux, « la traiter que d’une manière franco-française ».

« On ne va pas refaire les accords de Sykes-Picot »
Védrine a, par ailleurs, estimé que l’Occident ne veut pas admettre qu’ »il n’a plus le monopole du pouvoir, de la puissance et de l’intervention » dans la région arabo-musulmane. « Au Moyen-Orient, on a plus les moyens de contrôler la situation, on ne va pas refaire les accords de Sykes-Picot », a-t-il indiqué, estimant qu’en Syrie, « les Etats-Unis n’ont pas réussi, la France non plus, de facto c’est Bachar el-Assad qui a gagné et la Russie se trouve au centre du jeu. C’était prévisible dès le début, jamais la Russie ne laisserait tomber un pays, avec lequel elle avait une collaboration étroite depuis cinquante ans ».

Hubert Védrine considère qu’ »il n’y a pas une solution complète au Proche-Orient, aucune force régionale ne peut l’emporter, aucune force extérieure ne peut imposer sa loi et ça va continuer avec des soubresauts sans fin ». L’ex-ministre s’en est pris à la décision du président américain de retirer ses troupes de Syrie : « Ce qu’a fait Trump ne se justifie pas, même en termes égoïste, réaliste et court-termiste, il n’avait absolument pas besoin d’annoncer le retrait des forces américaines là où elles étaient, et qui cantonnaient la Turquie », a-t-il souligné.

L’ancien diplomate estime qu’après le Brexit, « la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni devront imaginer des relations à trois, sur le plan sécurité et défense, surtout dans un contexte où il va falloir reparler aux Russes, d’une manière plus utile et plus intelligente, que ce qui a été fait depuis 20 ans. »

Au sujet de la Chine, il a imputé la réussite de son modèle au fait que l’empire du milieu « aide beaucoup de pays sans poser de conditions politiques, c’est séduisant pour un tas de pays dans le monde. Mais, pas chinois qui veut, et ce n’est pas facile à imiter ».

Gnetnews