Tunisie : Les jeunes ou la volonté irrésistible d’émigrer, même si l’eldorado du Nord n’est qu’une chimère !

24-10-2022

Chaque année des milliers de médecins, ingénieurs ou encore start-upper quittent la Tunisie pour de meilleures conditions de travail. Il en va de même pour les nouveaux bacheliers dont l’ambition la plus convoitée est celle de poursuivre ses études dans un pays étranger.

Un engouement qui se fait de plus en plus pressant chez les Tunisiens. Cette envie indéfectible de partir pour continuer à croire en un avenir meilleur.

Pour les autres, ceux qui n’ont pas pu poursuivre leurs études, ou ceux dont les possibilités à l’étranger sont minimes faute d’expérience ou de formation, reste la solution de l’immigration illégale. Des millions de dinars empruntés aux proches, un bateau de fortune et un passeur vendeur de rêve…un voyage vers la mort ou vers la vie.

Pourtant de l’autre côté de la méditerranée ou de l’Atlantique, la vie n’est pas forcément meilleure. En Europe, l’inflation et les crises successives ont fait perdre au Vieux Continent son étiquette d’Eldorado pour une jeunesse perdue et sans espoir.

Malgré les difficultés, l’inconnu et la nostalgie de son pays natal, partir coute que coute semble être devenu la raison de vivre de nombreux Tunisiens, prêts à souffrir voire à mourir pour sauver leur destin.

Voici quelques témoignages de ceux qui considèrent que partir reste leur seule chance de réussir.

Monia est la maman de celui qu’on appellera Mohamed. A tout juste 18 ans, il a décroché de l’école, mais aussi de la volonté de rester en Tunisie. « Mon fils est peu à peu tombé dans l’engrenage de la délinquance, de la drogue et des mauvaises fréquentations », nous raconte Monia la gorge serrée. Cette mère-courage abandonnée par un mari et un père irresponsable a élevé son enfant seule, dans de bonnes conditions sociales. Pour autant, elle en est convaincu, son enfant doit partir quoiqu’il en coute. « J’ai payé un passeur 7000DT pour qu’il amène mon fils vers la mort. De toute façon c’est soit ça, soit il va en prison en Tunisie », nous dit-elle.

Si Mohamed n’a pas d’autre choix que d’emprunter le chemin de l’immigration illégale, d’autres cherchent sans relâche un contrat qui leur permettra de partir.

Imen,Youssef et Hatem sont trois amis de fac. Diplôme d’ingénieur informatique en poche, ils ont décidé de rester au chômage jusqu’à ce que la bonne opportunité viennent à eux. « Je vis chez mes parents, ils me donnent mon argent de poche et moi j’envoie des CV toute la journée dans des boites étrangères », affirme Youssef. Ce dernier, comme ses copains passent des entretiens tous les jours, parfois plusieurs fois par jour. Ils ont l’embarras du choix et peuvent se permettre de choisir le bon poste.

Ce qui est sur c’est que que je veux partir. A l’étranger on nous offre un cadre de vie autre qu’en Tunisie. La reconnaissance dans le travail, la mentalité plus ouverte des gens et la possibilité d’évolution sont bien plus intéressants qu’ici. Je n’ai pas envie de passer ma vie à travailler sous les ordres de quelqu’un avec un salaire dérisoire et qui ne me laissera jamais évoluer », déplore Imen.

« En Tunisie, tu fais tes études, tu obtiens des diplômes, et sur le marché du travail tu te heurtes au manque d’expérience », nous dit Hatem.

Tarek a 41 ans, il est comptable dans une grande société tunisienne de renom. « Pour moi, je sais qu’il est trop tard. Cela ne sert a rien. Mais je comprend cette jeune génération en quête de mieux. L’état ne fait pas confiance aux jeunes et ne s’y intéresse pas d’où la volonté pour ces jeunes de quitter le pays par n’importe quel moyen légal ou illégal pour pouvoir rêver. Même s’ils savent que la crise touche le monde entier, ils sont influencés par ceux qui y sont arrivés et qui affichent leur réussite sur les réseaux sociaux », souligne-t-il.

D’autres cherchent la facilité. C’est le cas de Ala, 29 ans, issu d’un quartier défavorisé de Tunis. Tous les étés il part travailler dans la station balnéaire de Hammamet et non sans raison. En effet, il a décidé de prendre un poste d’animateur dans un hôtel réservé à la clientèle européenne. « J’essaye de trouver une femme. L’année dernière, j’ai failli me marier avec une allemande, mais ses parents n’ont pas accepté. Je préfère cela qu’immigrer illégalement. J’ai envie de partir de la Tunisie et de ne plus y revenir, mais je n’ai pas envie de mourir pour autant », nous a-t-il confié.

De meilleurs revenus, un cadre de vie de qualité, de la reconnaissance au travail ou le dernier espoir de reprendre sa vie en main et de s’éloigner de la délinquance… Chacun à ses raisons de vouloir immigrer…

De manière légale ou illégale, ils sont de plus en plus à ne plus voir en la Tunisie, leur pays natale, un espoir de carrière ou de réussite. Le pays est devenu pour eux synonyme d’échec et d’incertitude.

Wissal Ayadi