Tunisie : Les Jardins d’enfants privés en détresse, face à la baisse drastique du nombre d’inscrits

08-09-2022

C’est un véritable cri d’alarme que les propriétaires de jardins d’enfants lancent aux autorités en cette période de rentrée scolaire. En effet, d’année en année ce secteur se fragilise en raison de la baisse continue du nombre d’enfants inscrits.

Après l’épisode de la crise sanitaire qui à mis à mal ces structures c’est au tour de la décision du ministère de l’éducation de généraliser l’année préparatoire dans les écoles primaires poussant les parents à se rabattre sur l’école publique au détriment des jardins d’enfants.

Un chantage à l’inscription

Pour Nabiha Kammoun, présidente de la Chambre nationale des crèches et jardins d’enfants, cette décision est une véritable catastrophe pour les jardins d’enfants car elle nuit gravement aux intérêts du secteur.

« Les parents auront tendance à inscrire leurs enfants dans les classes préparatoires du public afin de leur garantir une place pour le cycle primaire », nous dit-elle.

Elle déplore par ailleurs, les conditions dans lesquelles les enfants seront accueillis. « Ce qu’il faut savoir c’est que les classes préparatoires dans les écoles publiques ne prennent en charge les enfants que 3h par jour. Ainsi, les parents qui travaillent devront trouver un autre mode de garde. Donc cela encourage le développement des établissements de garde illégaux, et ce, au détriment du développement de l’enfant », souligne Mme Kammoun.

En plus de la généralisation de la classe préparatoire dans les écoles primaires, il y a également les écoles privées qui font de l’ombre aux Jardins d’enfants. De plus en plus d’établissements privés exigent que les parents inscrivent leurs enfants en classe préparatoire dans cette même école afin de pouvoir les accepter en première année primaire. « Et  dans certaines écoles privées cela va encore plus loin puisque la direction n’hésite pas à accueillir des enfants dès l’âge de 3 ans ou 4 ans en plus des 5 ans. Nous regrettons qu’il n’y ait aucun contrôle de la part du ministère contre ces dépassements », affirme-t-elle.

Les jardins d’enfants suffoquent et les fermetures s’enchaînent

Au vu de cette situation, les jardins d’enfants voient leur nombre d’enfants inscrits, notamment en préparatoire diminuer de façon drastique. Le secteur suffoque et le nombre de fermetures ne cesse d’augmenter. «En cette période de rentrée scolaire, tous les jours des dizaines de directrices de jardins d’enfants m’appellent pour me dire qu’elles n’ont pas assez d’enfants inscrits afin d’être rentables. Certaines ont même 0 inscrits », souligne Mme Kammoun.

Rim Trabelsi, est la directrice de l’un de ces établissements, situé à El Omrane, non loin du centre-ville de Tunis. Pour le moment elle ne dénombre que de 7 inscrits en classe préparatoire dans sa structure. « Cela fait des années que nous pâtissons d’une baisse des inscriptions dans les jardins d’enfants. Aujourd’hui si nous arrivons à avoir 5 ou 6 enfants d’inscrits en classe préparatoire, c’est une victoire! L’année dernière nous avons démarré l’année avec 12 enfants, pour finalement la finir avec 7 ou 8 enfants. En cause, le changement d’établissement de l’enfant afin d’assurer sa place pour le primaire. Les parents voudraient laisser leurs enfants mais ils n’ont pas le choix », nous dit-elle.

Elle-même en a fait l’expérience avec sa fille. « J’ai du la sortir de ma propre structure pour la mettre en milieu d’année, dans une autre école afin qu’elle puisse l’intégrer pour le cycle primaire. Le personnel encadrant de l’établissement justifie cette position en affirmant que l’enfant doit pouvoir assimiler la méthode de l’école en question. Mais c’est exagéré! Les méthodes sont universelles à cet âge là: apprendre les lettres, les chiffres, etc… », a-t-elle ajouté.

Malgré les appels incessants, des professionnels du secteur, les autorités restent insensibles. « Jusqu’à maintenant nous n’avons eu aucune réaction de la part des ministères ni de l’Education, ni de la famille et de l’Enfance. Nous nous sentons vraiment abandonnés et dos au mur », déplore Nabiha Kammoun.

Ainsi, la Chambre nationale des crèches et jardins d’enfants, exige que les ministères reviennent sur cette décision de généraliser la classe préparatoire dans la publique. « La classe préparatoire doit être rendue à son lieu d’origine, à savoir les jardins d’enfant. Chacun doit rester dans ses compétences! », lance-t-elle amèrement rappelant que cela encouragera l’ouverture de jardins d’enfants ou espace de garde illégaux. A cet égard justement, Mme Kammoun milite pour la mise en place d’une sanction pénale, allant jusqu’à la peine de prison, pour les propriétaires de jardins d’enfants illégaux afin d’endiguer ce phénomène qui ne cesse d’enfler.

« Nous nous adressons au président de la république afin qu’il prête attention à ce secteur en péril ». Pour rappel, les jardins d’enfants emploient pas moins de 19.000 personnes en Tunisie.

Enfin, en ce qui concerne l’ouverture de 24 jardins d’enfants publics au début de ce mois de septembre, Mme Kammoun estime qu’il s’agit là d’une très bonne idée mais que ce nombre est en deçà des besoins des régions reculées.

Wissal Ayadi