Jendouba : Les cultures céréalières menacées par les pluies

27-05-2019

« En mai fais ce qu’il te plait ». Il semble que ce dicton ne soit pas de rigueur en cette fin de mois de mai. En effet, les températures peinent à augmenter et les pluies torrentielles ont touché de nombreuses régions ce week-end. La plus touchée, est le gouvernorat de Jendouba où la pluviométrie a atteint les 100 millimètres par endroits, entre dimanche et lundi.

Ces pluies sont une conséquence du changement climatique, ou plutôt du « dérèglement climatique » selon l’expert en environnement, Adel Hentati. « Ces pluies ne sont pas surprenantes. Elles sont prévues depuis longtemps. Les zones sèches sont devenues pluvieuses et les zones humides, arides. Comme par exemple à Tataouine, dans le désert tunisien. Nous avons observé une hausse de la pluviométrie de 30% à 50% », ajoute le spécialiste.

Alternance entre pluviométrie et sécheresse
Depuis quelques années, le climat a subi de nombreux changements à une vitesse exponentielle. Aujourd’hui il n’y a plus de juste milieu. La Tunisie connait à la fois des périodes très pluvieuses et des périodes très sèches.

Dans le monde, les températures moyennes annuelles ont subi une hausse de 1.5 à 2 degrés et c’est pareil en Tunisie, classé comme pays subissant les effets du changement climatique. Dans certaines régions, en deux jours, il tombe parfois l’équivalent de toute une année. Une situation qui a des conséquences pouvant être très dangereuse pour un pays agricole comme la Tunisie.

La plus grande menace, est celle de la chute de grêle…un vrai fléau pour les exploitations agricoles. La grêle est la conséquence de la rencontre entre un courant froid qui vient des pays du nord et l’autre, chaud, qui vient du Sud.

GnetNews a contacté Hammadi Boubakri, agriculteur dans la région de Jendouba et membre de l’UTAP. Il nous explique que « la grêle a surtout des conséquences graves sur les cultures céréalières comme l’orge et la farine. La grêle couche les plants et les sèche ».

Cette météo a aussi un effet négatif sur la culture du foin. « Confectionné en bottes et mis à sécher dehors, le foin a été complètement détruit par la pluie et la grêle. C’est un vrai problème pour l’alimentation du bétail », déplore l’agriculteur.

La grêle a eu également des effets sur certains arbres fruitiers comme les abricotiers et les pêchers. « Cela ne permet pas une pousse régulière du fruit. Certains fruits seront plus ou moins grands », nous explique Mr Boubakri.

Certaines productions de tomates et de betteraves sucrières ont été, elles aussi, endommagées par endroits.
Pour autant il y a tout de même des points positifs. Cette pluie est idéale pour les arbres fruitiers encore « verts » et surtout pour les oliviers…la Tunisie étant un des leaders mondiaux de production d’huile d’olive.

Des axes routiers coupés suite à des oueds en crue
Au-delà de l’agriculture, les infrastructures sont également touchées. Et notamment les routes. Dans la région de Jendouba, certains axes ont été coupés suite à des crues dues au trop-plein des lacs de rétention de certains barrages.

« Le réseau d’évacuation des eaux pluviales n’est pas en mesure de faire face à une pluviométrie abondante. Même si les pluies de ces derniers jours ne sont pas aussi conséquentes que les inondations de l’automne dernier, elles n’arrivent pas au bon moment à la fois pour notre agriculture et les infrastructures. Pour une région comme Ain Draham, où le sol est fragile, cela créé des glissements de terrains qui peuvent être fatals », nous explique Adel Hentati.

La RN 17 au niveau de Tabarka a été coupé. Toutefois le passage vers Tunis reste possible pour les voitures légères via la déviation déjà mise en place il y a quelques temps pour des travaux en cours suite à des affaissements de terrain.

« La Tunisie n’a pas les moyens de lutter contre ces pluies, parce qu’elle ne fait pas du changement climatique une priorité. Le pays ne se prépare pas assez en amont et n’a pas de stratégie de prévention. Le gouvernement agit quand il est déjà trop tard », insiste Adel Hentati.

Le syndicats agricoles SYNAGRI et UTAP appellent le gouvernement à l’indemnisation des agriculteurs touchés par ces catastrophes naturelles, qui ne cessent de toucher la région. Déjà, en mars dernier, des inondations avaient déjà frappé le gouvernorat de Jendouba.

De son côté, le CRDA de Jendouba a appelé, vendredi, dans un communiqué, toutes les personnes affectées dans ces zones, à présenter des demandes auprès des services de la vulgarisation agricole, afin d’entamer les procédures nécessaires permettant de déterminer les indemnisations. La date butoir pour le dépôt des demandes a été fixée au 14 juin prochain.

Wissal Ayadi